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Apprentissage : les directeurs de CFA tirent la sonnette d’alarme

L’année 2020 s’annonce particulièrement complexe pour les centres de formation des apprentis qui cumulent réforme du financement et crise sanitaire évoluant en crise économique. Face à ce contexte inédit, la fédération des directeurs des centres de formation d’apprentis (Fnadir) attend de pied ferme un plan de relance du ministère du Travail. Les résultats d’une enquête qui seront présentés le 11 juin permettront d’évaluer la situation financière des CFA.

560 directeurs de CFA adhérents totalisant 300.000 apprentis, la Fédération nationale des associations régionales des directeurs des centres de formation d’apprentis (Fnadir) alerte depuis début avril le ministère du Travail sur les risques qui pèsent sur l’apprentissage si aucune mesure d’urgence n’est prise. Depuis qu’elle a transmis le 10 avril ses propositions portant sur deux axes - la relance de l’apprentissage (lire encadré ci-dessous) et la pérennité du dispositif de formation -, la Fnadir attend toujours le retour du ministère. "Ce silence nous inquiète", a reconnu Roselyne Hubert le 26 mai à l’occasion d’une web-conférence de presse, "car nous comptions sur un retour fin mai et rien ne semble prévu avant début juin". Or, prévient la présidente de la Fnadir, "il faut engager des démarches de relance au plus vite pour préparer dès maintenant la rentrée de septembre".

Chute de 20% à 30% des effectifs en septembre

Outre des propositions techniques, les directeurs de CFA invitent le ministère à renforcer la communication en faveur de l’apprentissage, "et dès le mois de juin, pas à la rentrée de septembre comme il semble vouloir le faire", ajoute Roselyne Hubert, déplorant que "l’apprentissage souffre toujours d’un problème d’image". Sans disposer de données nationales agrégées, la Fnadir estime entre -20% et -30% la baisse des effectifs dans les CFA en septembre, voire plus dans certains secteurs dont le BTP, la métallurgie et le commerce. Le taux de rupture de contrat serait en revanche assez faible à ce jour surtout sur les niveaux CAP et bac pro. Le problème tient surtout au manque de visibilité sur la capacité des entreprises à surmonter la crise. "Pourront-elles maintenir les contrats des apprentis passant de 1re en 2e année ?", interroge Manuèle Lemaire, vice-présidente de la Fnadir.

Fonction publique : des financements en suspens

La question des effectifs est désormais cruciale pour les CFA depuis la réforme prévoyant un financement au coût/contrat (dépendant donc du nombre d'inscrits). "Nous ne remettons pas en cause le dispositif coût/contrat, mais on demande un filet de sécurité en cas de baisse des effectifs", arguent les directeurs de CFA qui redoutent que des CFA ne se retrouvent en faillite. Pour éviter ce risque, ils proposent a minima un financement sur les effectifs de 2019, "sinon, certaines structures auront du mal à finir l’année". Depuis le 1er janvier 2020, le niveau de prise en charge (le NPEC) définit le montant de financement des contrats d’apprentissage selon le diplôme et, "dans ce cadre, il a vocation à financer le coût de la formation en apprentissage".

De plus, "il existe encore des points non traités sur le financement de l’apprentissage dans la fonction publique", rappelle Jean-Philippe Audrain, secrétaire de la Fnadir.

Difficultés de trésorerie

Dénonçant la proratisation des financements, la Fnadir demande de "garantir le financement total du NPEC par les Opco lorsqu’il y a réduction du contrat mais que la formation a été faite en totalité". La fédération pointe également un retard dans les règlements devant être versés par les Opco en février, évaluant entre 10% et 20% la proportion de paiement restant dû. "Certains Opco mettent en avant le télétravail qui les empêchaient d’avoir accès aux bases de données", indique Jean-Philippe Audrain. Si l’argument est recevable, il devient urgent de régulariser cette situation, car certains CFA présenteraient des difficultés de trésorerie. "Les fragilités identifiées avant la crise vont s’amplifier", craint la Fnadir qui demande à France compétences d’agir pour établir un coût contrat unique par diplôme quelle que soit la filière.

Aide disparate des régions

Quant à l’aide des régions, elle est très disparate selon les territoires, certaines collectivités s’étant totalement désengagées du financement des CFA depuis la mise en œuvre de la réforme, tandis que d’autres maintiennent leur soutien sous diverses formes. L’Ile-de-France par exemple envisagerait de créer un label des CFA et aiderait ceux qui satisferaient des critères régionaux.

Afin d’évaluer la situation financière actuelle des CFA et leurs prévisions pour les mois qui viennent, la Fnadir réalise avec le cabinet Orcom, une enquête auprès de ses adhérents. Les résultats seront présentés à l’occasion de la journée nationale d’information et d’échange sur l’apprentissage de la Fnadir (INIE) qui se déroulera en web-conférence le 11 juin.

Les propositions de la Fnadir pour relancer l’apprentissage 

  1. Aider les employeurs : augmenter l’aide aux entreprises permettant de couvrir le coût de la 1re année de l’apprenti quelle que soit la taille de l’entreprise et le niveau de qualification.
  2.  Réviser la rémunération des apprentis : désindexer la rémunération de l’âge et intégrer la situation personnelle du jeune et favoriser l’embauche des moins jeunes.
  3. Aider les apprentis : montant unique forfaitaire de 500 euros d’aide au premier équipement et laisser le critère d’éligibilité à la libre appréciation du directeur de CFA sans appréciation ultérieure par l’Opco de la légitimité de l’aide ; aide directe à l’apprenti pour la restauration ou l’hébergement ;
  4. Assouplir les règles d’entrées / sorties au CFA des jeunes sans contrat d'apprentissage : Pérenniser l’ordonnance du 1er  avril et permettre de passer de 3 à 6 mois le temps au CFA  pour un jeune sans contrat et à la recherche effective d’un contrat.