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2021, une année charnière pour le chantier de la fibre 

Les excellents chiffres de l’observatoire du THD laissent penser que les objectifs gouvernementaux en matière de couverture FTTH devraient être dépassés avant la fin de l’année 2021. Pour la première fois les prises livrées par les réseaux d’initiative publique vont dépasser celles des zones privées. Si le cap du 100% fibre est désormais fixé, c’est maintenant la qualité des prises livrées qui inquiète.

Avec 5,8 millions de prises livrées, la fibre a une fois de plus dépassé tous les records en 2020. Selon les prévisions de l’observatoire du THD, porté par Infranum, l’Avicca et la Banque des Territoires, révélé à l’occasion du Trip de l’association de collectivités du 11 mai, ce score devrait même atteindre 6,2 millions nouvelles prises en 2021. Si ces prévisions se confirment, l’objectif gouvernemental de 80% du territoire raccordés au FTTH d’ici 2022 devrait être dépassé de 7%. "Pour une fois qu’un chantier est en avance, cela mérite d’être souligné", s’est réjouit Étienne Dugas, le président de la fédération Infranum.

La fibre plus utilisée que l’ADSL

L’année 2021 marque également un tournant dans le profil des prises livrées. Pour la première fois, le nombre de raccordements en zone d’initiative publique (RIP) devrait dépasser celui des zones privées. La livraison de 3,6 millions de prises en zone RIP est annoncée, à comparer aux 3,4 millions de prises livrées en zone Amii en 2020. Les Amel vont également monter en puissance avec une prévision de 500 000 prises en 2021 et d’1 million en 2022. 2021 devrait enfin faire date en voyant les courbes des abonnés ADSL et FTTH se croiser (14,9 millions d’abonnés chacun), la technologie cuivre accélérant sa décroissance au profit de la fibre.

Des contraintes spécifiques au monde rural

La pleine réalisation de ces prévisions est cependant suspendue à la levée des contraintes liée à "l’accélération" comme au contexte de déploiement. À court terme, la principale préoccupation concerne la main-d’œuvre. Malgré des recrutements qui ont dépassé les espérances de la filière, les tensions restent fortes sur le marché des techniciens télécoms qui réalisent les branchements. L’adressage, condition première d’un déploiement dans les campagnes, doit également progresser même si la base adresse locale semble décoller avec plus de 3 millions d’adresses créées via la plateforme portée par l’ANCT (voir notre article du 3 décembre 2020). L’usage des poteaux électriques d’Enedis reste enfin problématique du fait d’une réglementation limitant drastiquement la charge qu’ils peuvent supporter. "Qu’on me prouve qu’un poteau électrique est déjà tombé à cause d’une fibre", a pesté le président de l’Avicca Patrick Chaize dont l’association souligne que la majorité des poteaux dépassent d’ores et déjà la charge règlementaire autorisée… 

AMI imminent sur les raccordements longs

Les yeux se sont ensuite tournés vers l’échéance de 2025, où il s’agit de passer de 95% au 100% fibre pour tous. Si le président de l’Avicca s’est félicité qu’il "pleuve de l’argent public" pour les projets numériques, il s’est interrogé sur le risque "qu’il pleuve là où il pleut déjà". En ligne de mire notamment, les incertitudes sur le financement des dernières prises, les plus coûteuses à déployer. Car si le secrétaire d’Etat aux communications électroniques Cédric O a annoncé une publication imminente de l’AMI sur les raccordements longs doté de 150 millions d’euros, il n’est pas certain qu’il suffira à couvrir tous les besoins. "Sur la base de 2 à 3.000 euros par prise et de 2,1 millions de locaux restant à raccorder, le compte à l’évidence n’y est pas", a estimé Julien Demouly, directeur adjoint d’Infranum.

Une complétude en suspension dans les zones denses

Le 100% fibre concerne aussi les zones denses, Amii ou concurrentielle. Dans les zones Amii (3.500 communes) collectivités et industriels sont en attente de la concrétisation de l’annonce de SFR et d’Orange de proposer "une offre commerciale" pour les logements aujourd’hui classés dans la catégorie "raccordables sur demande" (d’un opérateur commercial). Une avancée qui serait de nature à éviter aux deux opérateurs de subir les foudres du régulateur pour non-respect de leurs engagements, avec des retards désormais avérés à Lille, Marseille ou Clermont-Ferrand. Quant aux zones très denses (concurrentielles), la présidente de l’Arcep Laure de la Raudière a rappelé que pour le moment "les opérateurs n’ont pas d’obligations de complétude (1)". Enfin, ce problème de complétude concerne aussi les entreprises qui renoncent encore souvent au THD face à des coûts de raccordements jugés excessifs. Infranum souhaite ainsi la mobilisation de 50 millions d’euros pour aider ces PME "comme cela a été fait pour les établissements scolaires".

La rapidité de déploiement n’est pas une excuse

Les problèmes de qualité des raccordements et le fameux mode Stoc (voir notre article du 4 mars 2021) ont enfin une nouvelle fois été mis sur la table. 20 à 25% des raccordements finaux "échouent" en effet aujourd’hui, ce chiffre pouvant être sensiblement plus élevé dans certains départements. "La rapidité du déploiement n’est pas une excuse et la situation actuelle est inacceptable", a redit Cédric O. Patrick Chaize a abondé dans ce sens en exigeant des résultats "maintenant" et en appelant toutes les collectivités à faire remonter leur témoignage sur "un problème qui ne se réduit pas à des échecs de raccordements mais se traduit aussi par un nombre d’armoires forcées, de PBO laissés ouverts aux quatre vents, de jarretières coupées, de bouchons arrachés, de chambres mal refermées". Du côté des industriels, on a tenté de noyer le poisson en faisant état des multiples responsabilités derrière les taux d’échec de raccordement. Les engagements de la nouvelle convention Stoc devrait par ailleurs être étendus aux intégrateurs télécom. Côté Arcep, Laure de la Raudière a confirmé la mise en place d’une batterie d’indicateurs d’ici l’été "de manière à objectiver le débat et à identifier de nouvelles pratiques à faire émerger".  Du côté de la Banque des Territoires enfin, Antoine Troesch, directeur de l'investissement, a souligné l’intérêt pour les collectivités d’utiliser les avenants pour intégrer la qualité des réseaux dans les contrats. 


(1) L’Arcep a prévu que tout opérateur qui déploie des réseaux FttH en dehors des zones très denses devait assurer la complétude de tout déploiement engagé sur une zone. Cela signifie que pour chaque point de mutualisation (PM) installé, l’opérateur d’immeuble exploitant le PM doit déployer un réseau capillaire, jusqu’à proximité immédiate de l’ensemble des logements ou locaux à usage professionnel de la zone arrière du PM, dans un délai raisonnable, de 2 à 5 ans en fonction des caractéristiques locales. L’Autorité renvoie au document de consultation publique publié le 13 avril 2012 pour un rappel détaillé du cadre réglementaire ainsi défini par la décision n°2010-1312.

  • Des datacenters toujours concentrés en Île-de-France

L’observatoire du THD s’est intéressé pour la première fois aux datacenters, l’une des infrastructures critiques de la souveraineté numérique et du développement des "territoires connectés". La France compterait aujourd’hui une centaine de centres de données et 8.000 emplois dans ce secteur en pleine croissance. 70% des datacenters sont cependant concentrés dans six régions, l’Île-de-France centralisant à elle seule 60% de la surface et de la puissance de calcul. Si 20 projets sont en cours dans les territoires - avec souvent un portage politique pour faire émerger le projet - 31 départements n’en sont toujours pas équipé.