Absence des polices municipales dans la Lopmi : Gérald Darmanin s’abrite derrière le Conseil constitutionnel

L'absence de disposition sur les polices municipales dans le projet de Lopmi se justifie par la récente décision du Conseil constitutionnel sur la loi "Sécurité globale". C'est en substance ce qu'a déclaré le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, mardi 20 septembre, devant la commission des Lois de l'Assemblée. Le ministre a par ailleurs annoncé qu'il lancerait la semaine prochaine les discussions avec les élus sur l'installation des 200 futures brigades de gendarmerie. Il rendra ses décisions en février.

"Le Conseil constitutionnel a été très clair, on a été au maximum des pouvoirs qu’on pouvait donner aux polices municipales." Auditionné mardi 20 septembre par la commission des Lois de l’Assemblée, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a voulu couper court à la polémique montante sur l’absence de dispositions concernant la police municipale dans la seconde version de la Lopmi (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur) présentée en conseil des ministres le 7 septembre. Reprenant l’argument du rapport annexe de ce projet de loi, le ministre faisait référence à la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021, censurant pas moins de 12 articles de la loi "Sécurité globale", dont la possibilité d’accorder aux policiers municipaux et aux gardes champêtres, à titre expérimental et pour cinq ans, de nouvelles compétences de police judiciaire. Pour rappel, les Sages avaient en effet estimé qu'en confiant des pouvoirs aussi étendus aux agents de police municipale et gardes champêtres, "sans les mettre à disposition d'officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes, le législateur a méconnu l'article 66 de la Constitution". Sachant que conformément à cet article, la police judiciaire est placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire.

"Si vous voulez donner le pouvoir aux polices municipales, il faut changer la Constitution ou donner la police municipale au procureur de la République pour les actions judiciaires", a développé Gérald Darmanin, en réponse au député Eric Pauget (LR, Alpes-Maritimes). Ce dernier avait exprimé "un regret très fort" vis-à-vis du projet de loi : "Il semblerait qu’aucune disposition ne vienne renforcer les prérogatives des polices municipales afin qu’elles puissent être considérées réellement comme la 3e force de sécurité de notre pays, je pense tout particulièrement aux missions de contrôle (alcoolisme, stupéfiant, identité) et d’accès aux fichiers." Le texte, désormais resserré autour de 16 articles, ne contient en effet aucune disposition sur les polices municipales mais renvoie à son rapport annexe. Ce dernier aspire à "mieux piloter le continuum de sécurité". Le ministère de l'Intérieur se doterait d'une "direction unique des partenariats chargée de l’animation du continuum de sécurité et du pilotage des partenariats avec les polices municipales, la sécurité privée, les professions exposées à des menaces particulières de délinquance, les industriels fournisseurs de moyens et l’ensemble des acteurs qui concourent à la coproduction de sécurité"... Le texte évoque aussi un triplement des crédits du FIPDR (Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation) consacrés à la vidéoprotection.

Manque d'ambition

"On ne peut pas, à droit constant, sauf si on accepte que le maire délègue la police municipale au procureur de la République", a insisté le ministre. Il a cependant salué des "choses très intéressantes" apportées par la loi Sécurité globale du 25 mai 2021, comme l’accès des policiers municipaux à sept fichiers : cartes grises (SIV), permis de conduire (SNPC), fourrières (SI Fourrières), véhicules signalés (Foves), personnes recherchées (FPR), pièces d'identité (Docvérif) et engins motorisés (Dicem). Pour quatre d'entre eux, les textes ont été pris, pour les trois autres, ils "sont en train d’être finalisés", a-t-il ajouté.

Ces déclarations n’ont pas de quoi satisfaire les syndicats de police municipale qui avaient exprimé leur désarroi à la lecture du projet de Lopmi. Le syndicat FA-FPT faisait d’ailleurs valoir qu’il n’était pas demandeur d’une "expansion de pouvoirs supplémentaires". Il pointait en revanche le "peu d’ambition qui anime la Place Beauvau en matière de sécurité publique et de partenariats", alors que le texte ne comporte "qu’une demi-page à l’amélioration du Continuum de sécurité et aux partenariats État-collectivités-sécurité privée". "A deux ans des Jeux olympiques, à un an de la Coupe du monde de rugby et aux lendemains d’échecs cuisants en matière de sécurité publique lors d'événements importants, l’État aurait eu tout à gagner à tendre la main aux policiers municipaux après leur avoir tourné le dos pendant deux ans", tance le syndicat.

Brigades de gendarmerie : des arbitrages attendus en février

Lors d’échanges musclés avec les députés, le ministre a pu détailler la répartition des 8.500 nouveaux postes prévus par la Lopmi, qui consacrera 15 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans à la modernisation des forces de police. 52% de ces effectifs supplémentaires seront affectés à la police nationale et 48% à la gendarmerie nationale, majoritairement sur les deux premières années (3.030 policiers et 1.995 gendarmes), afin de répondre aux enjeux de la Coupe du monde de rugby de 2023 et des JO de 2024. Il est aussi revenu sur la création des 200 brigades de gendarmerie prévues par le texte. "Je lancerai la semaine prochaine dans le Cher le début de discussions entre les élus locaux, nationaux, les préfets et la direction générale de la gendarmerie nationale", a-t-il dit, avant d'annoncer qu’il rendrait ses arbitrages en février. "On pourrait imaginer entre deux et trois brigades par département à l’exception des départements extrêmement urbains. Il y aura donc 2.144 gendarmes recrutés spécifiquement pour ces brigades territoriales", dont "312 en 2023 et 378 en 2024", est-il aussi venu préciser.

Le ministre doit à nouveau s’exprimer devant la commission des Lois du Sénat, mercredi soir, la Haute Assemblée ayant la primeur de l’examen du texte, début octobre.