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Adaptation au changement climatique : les élus du littoral pour une solidarité nationale

Les collectivités du littoral ne doivent pas être les seules à financer l'adaptation au changement climatique. C'est la position défendue par de nombreux participants aux journées d'études de l'Association nationale des élus du littoral. Une loi devrait prochainement se pencher sur ces financements.

Quels financements et quelles adaptations juridiques pour faire face aux impacts du changement climatique dans les territoires littoraux ? C'est à cette question – parmi d'autres – qu'ont tenté de répondre les participants aux journées d'études de l'Anel (Association nationale des élus du littoral) qui se sont tenues à Bordeaux du 23 au 25 octobre 2019.

En ouverture des débats, Michel Vaspart, sénateur des Côtes-d'Armor et président du groupe d'étude Mer et Littoral au Sénat, est revenu sur le rapport "Recomposition spatiale des territoires littoraux", de mars 2019, rédigé par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), l'inspection générale de l'Administration (IGA) et l'inspection générale des Finances (IGF). Auditionné par les rapporteurs, Michel Vaspart évoque le sentiment "désagréable" de ne pas avoir été écouté et s'en prend aux conclusions du rapport : "Quand on nous dit dans les propositions de financement qu'il ne doit plus y avoir de solidarité nationale, que c'est aux intercommunalités littorales de prendre en charge l'ensemble des financements, ça me dérange beaucoup. Il ne peut pas ne pas y avoir de solidarité nationale, même si ce n'est pas forcément à l'Etat de financer l'ensemble. Car les littoraux accueillent les autochtones, mais aussi toute la population française."

Pour des "financements équilibrés" entre Etat et régions

Michel Vaspart a également profité de son intervention pour rappeler les lacunes dans le fléchage de la fiscalité dite "verte". Alors que le Sénat avait auditionné la veille le Conseil des prélèvements obligatoires, l'élu breton a confié que "la fiscalité verte, qui concerne 87 milliards d'euros de prélèvements en France, championne d'Europe en la matière, est faite normalement pour la transition écologique. Or cette masse sert essentiellement au budget général de l'Etat". Le sénateur a donc appelé à des "financements équilibrés" entre l'Etat et les régions, avant de lancer un appel du pied à Stéphane Buchou, député de Vendée et missionné par le Premier ministre pour l'adaptation des territoires littoraux à l'évolution du trait de côte : "Stéphane, j'espère que tu sauras en prendre acte."

Jean-François Rapin, président de l'Anel, a lui aussi souhaité que l'Etat s'engage sur le volet financier. Mais le sénateur du Pas-de-Calais a insisté sur un autre point : il convient, selon lui, de relancer une dynamique commune entre Etat et collectivités territoriales sur des enjeux majeurs et non se contenter de simples appels à projets "qui n'auront pas de suite". Pour Jean-François Rapin, "il faut relancer l'expérimentation. C'est une notion qui existe dans la loi mais qui n'est absolument pas appliquée car elle est considérée comme quelque chose d'abominablement dangereux".

Dans la salle, les participants n'étaient pas en reste pour critiquer des "demi-mesures" ou réclamer des outils afin de pouvoir réaménager les littoraux. "Nous ne sommes pas des bétonneurs, a lancé l'un d'eux. Mais il nous faut des outils juridiques simples, pas des usines à gaz." Laurent Peyrondet, maire de Lacanau, a, lui, fustigé l'utilisation des fonds européens : "Nous n'arrivons même pas à consommer les fonds actuels tant les études sont longues. Nous n'avons aucun compte sur l'utilisation du fonds Barnier qui représente 3 à 4 milliards par an." L'évocation de ce fonds de prévention des risques naturels a par ailleurs relancé la question de savoir si l'érosion était ou non un risque naturel. Un point essentiel si l'on place le débat sur le plan assurantiel. "Si l'érosion est un risque naturel, alors les territoires littoraux sont éligibles au fonds Barnier, a lancé un intervenant. D'ailleurs, l'exemple des territoires ultra-marins prouve qu'il y a bien un risque aléatoire."

"Passer des paroles aux actes"

Pressé de toutes parts de dévoiler ce que pourraient être les propositions issues de sa mission, Stéphane Buchou a tout d'abord rappelé qu'à travers son tour de France du littoral il avait "pris connaissance d'un certain nombre de freins juridiques qui empêchent aujourd'hui la réalisation des projets d'aménagement du territoire adapté au changement climatique". Il a en outre reconnu "l'amertume" de beaucoup d'élus locaux : "On vous fait travailler depuis des années à la stratégie sans qu'à aucun moment on puisse en voir la réalisation. Beaucoup de choses ont déjà été proposées mais rien n'a réellement été mis en œuvre. Il faut passer des paroles aux actes et mettre les bouchées doubles." L'élu vendéen assure néanmoins que si son rapport ne doit pas être "un rapport de plus", il ne va pas proposer pour autant "une révolution".

Sur le volet financier, le futur rapporteur de la mission pour l'adaptation des territoires littoraux à l'évolution du trait de côte a défendu la proposition du CGEDD, de l'IGA et de l'IGF d’augmenter le taux de la taxe communale additionnelle sur les droits de mutation sur les transactions immobilières dans les intercommunalités littorales, qui pourrait rapporter 1,1 milliard d’euros sur vingt ans. "Cela a plusieurs avantages, a-t-il avancé. C'est indolore pour les intercommunalités, ça ne touche pas les propriétaires actuels et, enfin, on peut considérer que ceux qui acquièrent un bien immobilier dans une intercommunalité littorale ne sont pas parmi nos concitoyens qui ont le moins de moyens." Il a toutefois ajouté qu'à ses yeux ce financement ne devait pas être le seul et que "c'est donc bien au travers de plusieurs cofinancements qu'on envisage de mener à bien ces projets de recomposition spatiale. Je partage complètement l'idée de solidarité entre littoral et rétro-littoral car évidemment, ce sujet n'est pas un sujet communal. La bonne échelle est l'échelle hydrosédimentaire, laquelle ne respecte pas les frontières administratives et pose la question assez compliquée de la gouvernance". Autant de questions qui pourraient être traitées par un futur texte législatif. Stéphane Buchou est d'ailleurs favorable à un projet de loi plutôt qu'à une proposition de loi, "car cela engagerait l'Etat", a-t-il conclu.

 

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