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Agents handicapés : quelles modalités de travail après la crise ?

Le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) présentait à la presse ce 28 septembre les résultats de son activité en 2020. L'occasion de tirer un bilan de l'emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique durant la crise sanitaire. Mais aussi de décrypter les bouleversements occasionnés par les évolutions de l'organisation du travail.

La crise liée au Covid-19 "n'a pas eu d'effet négatif global sur l'emploi" des personnes en situation de handicap dans la fonction publique, a estimé ce 28 septembre le directeur général du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), Marc Desjardins.
"Il n'y a pas eu de décrochage massif", a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse organisée au siège de l'établissement public géré par la Caisse des Dépôts. Avec ses 261.318 bénéficiaires de l’obligation d’emploi (soit un taux d'emploi direct de 5,58%, en très légère augmentation par rapport à 2019), la fonction publique demeure "très en avance par rapport au privé". En sachant que des écarts significatifs persistent entre les versants publics : la fonction publique territoriale emploie 111.000 bénéficiaires de l'obligation d'emploi (taux d'emploi direct de 6,70%), tandis que la fonction publique hospitalière (5,54%) et surtout la fonction publique de l'Etat (4,67%) se situent toujours en dessous du seuil de 6%.

Nouvelles aides

Les craintes que les responsables du FIPHFP nourrissaient il y a un an (voir notre article du 29 septembre 2020) à l'égard des perspectives de recrutement de personnes handicapées dans la fonction publique ne se sont donc pas confirmées. L'an dernier, les employeurs publics ont recruté 32.229 agents en situation de handicap. Après avoir connu une sensible progression au cours des années précédentes (de 22.000 en 2012 à 30.000 en 2017), ce chiffre est en voie de stabilisation. Par ailleurs, 14.026 travailleurs handicapés ont été maintenus dans leur emploi en 2020.
Avec la crise sanitaire, le FIPHFP a dû adapter ses réponses. De nouveaux besoins sont apparus comme l'aménagement des postes de travail des travailleurs handicapés à leur domicile, l'acquisition d'équipements d'interprétation en langue des signes pour les réunions à distance, ou encore de masques inclusifs. Lors du retour en présentiel, il s'est aussi agi de faciliter les trajets domicile-travail des personnes qui se déplacent difficilement. Toutes les nouvelles mesures "ont été pérennisées" et figurent donc dans le catalogue des aides délivrées par le fonds, a souligné Hélène Bérenguier, directrice adjointe du FIPHFP.
La pandémie a fait naître "des expériences et des adaptations sur lesquelles il serait dommage de ne pas capitaliser" et elle a été "un formidable accélérateur des outils numériques", s'est par ailleurs réjouie la responsable du fonds. Mais, en parallèle, une dégradation de l'état de santé physique et mental de nombreuses personnes en situation de handicap est constatée. En cause : le stress, voire la dépression provoqués par la crise, ou encore l’interruption de suivis médicaux ou de soins. En outre, au bout de longs mois en télétravail, de plus en plus de personnes en situation de handicap ont éprouvé "un sentiment d'isolement associé à un sentiment de fatigue". Être déconnecté du collectif de travail, ou devoir être "en totale autonomie" est "un facteur déstabilisant pour les personnes en situation de handicap", s'est alarmée la directrice adjointe du FIPHFP.

Mettre à plat l'organisation du travail

Le conseil scientifique placé auprès du FIPHFP suggère donc aux employeurs de "prendre vraiment un temps avec la personne en situation de handicap pour bien écouter son besoin, voir comment elle peut s'insérer et limiter les craintes" liées à l'isolement que pourrait provoquer le télétravail. Ayant tiré de premiers enseignements de la crise, l'instance a aussi mis en évidence le fait qu'il faudra nécessairement "mettre à plat l'organisation du travail". Par exemple, les managers utilisent de plus en plus les plannings de travail en ligne. Mais, non formées à ces nouvelles pratiques, certaines personnes en situation de handicap ne seraient pas "acculturées".
Parmi les enjeux futurs, il faudra "veiller à ce que les agents en situation de handicap puissent, comme les personnes valides, accéder aux tiers lieux et aux espaces de coworking", a insisté de son côté Françoise Descamps-Crosnier, présidente du FIPHFP.
Au-delà de l'évolution du management et des modalités de travail, les responsables du FIPHFP se sont inquiétés du "choc" que constituera dans les prochaines années le départ en retraite d'une "génération" de personnes handicapées employées dans la fonction publique. En effet, 32% de ces personnes avaient 56 ans et plus l'an dernier. L'enjeu : "Va-t-on réussir à donner aux jeunes en situation de handicap leurs chances de rentrer dans l'administration ?", a résumé Marc Desjardins.

Apprentissage

Face à ce défi, les employeurs ne sont pas désarmés. La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a ouvert de nouvelles voies d'accès de recrutement, telle que la titularisation (à titre expérimental) des apprentis qui sont en situation de handicap et ce, directement après leur contrat d'apprentissage. Mais, "le champ des possibles" de l'insertion dans la fonction publique serait encore très mal connu de la part du service public de l'emploi (Cap emploi et Pôle emploi). Une situation qui devrait toutefois évoluer, puisque les conseillers de ces structures devraient recevoir dans les mois prochains des formations de sensibilisation – élaborées notamment par le FIPHFP – centrées sur la question de l'accès dans la fonction publique.
Le fonds mise aussi sur le développement de l'apprentissage pour améliorer l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap. Il permet "une montée en compétences progressive" et offre "un cadre sécurisant pour découvrir ou redécouvrir le monde du travail", souligne Jacques Zeitoun, vice-président du FIPHFP. En 2020, l'établissement public a ainsi accompagné 1.216 apprentis dans le secteur public, dont plus de 90% relevaient d'un employeur public territorial.  Ses aides ont atteint un montant moyen de 4.309 euros par apprenti. Le FIPHFP veut amplifier ses efforts là-dessus. Cela tombe bien : l'apprentissage – et la jeunesse – seront "un sujet phare" de la Semaine européenne de l'emploi des personnes handicapées, qui aura lieu en novembre prochain.

 

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