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Ajustements réglementaires pour l'expérimentation du Pass Culture

Un arrêté du 31 mai 2019 confirme l'extension géographique de l'expérimentation du Pass Culture, qui touche désormais 14 départements dont tous les départements bretons. Il apporte également plusieurs aménagements au mécanisme, sans faire taire les interrogations.

 

Mise en place véritablement par un décret du 1er février dernier et par un arrêté du 5 février (voir nos articles ci-dessous des 4 et 14 février 2019), l'expérimentation du Pass Culture connaît déjà ses premiers aménagements. Franck Riester, le ministre de la Culture, a annoncé le 6 juin l'extension de l'expérimentation à six nouveaux départements et à l'ensemble de la région Bretagne (voir notre article ci-dessous). Un arrêté du 31 mai 2019 concrétise cette extension géographique et apporte plusieurs modifications à l'arrêté initial du 5 février.

Loi Lang oubliée et assouplissements pour les offreurs

Par exemple, il répare l'oubli du respect de la loi Lang du 10 août 1981 sur le prix du livre, en prévoyant que "pour les livres, le tarif proposé doit être égal au prix de vente au public", tel que défini par ce texte.

Pour les acteurs culturels qui déposent des offres sur la plateforme dédiée du Pass Culture, un autre article de l'arrêté du 31 mai 2019 passe de 90% à 95% (au-delà de 20.000 euros) le montant maximal du remboursement par le ministère de la Culture qui peut être consenti au détenteur du compte. L'arrêté assouplit également quelque peu le dispositif pour les offreurs, en prévoyant que "les offres publiées par des comptes 'Pass Culture Pro' dont le référent financier unique n'a pas été désigné et dont les coordonnées bancaires n'ont pas été renseignées dans les deux mois à compter de la publication de l'offre ne font l'objet d'aucun remboursement". Jusqu'à présent, le remboursement était exclu dès lors que ces deux conditions n'étaient pas remplies au moment du dépôt de l'offre. Les offreurs – indispensables au fonctionnement de la plateforme - auront donc désormais deux mois pour régulariser.

Modifications à la marge pour les domaines éligibles

L'arrêt limite le pouvoir du ministre de la Culture – jusqu'alors totalement discrétionnaire – de "suspendre ou supprimer tout compte 'Pass Culture Pro', toute affiliation d'établissement ou de lieu et toute offre" ne correspondant pas au périmètre ou aux objectifs du dispositif. Cette suspension ou suppression éventuelle devra dorénavant ce faire "selon les modalités précisées dans les conditions générales d'utilisation de la plateforme".

Enfin, l'arrêté du 31 mai 2019 apporte plusieurs modifications ponctuelles à l'annexe de l'arrêté du 5 février 2019, qui détaille les différents domaines d'activité éligibles au Pass Culture. Sont ainsi ajoutés, entre autres, les partitions, les livres parascolaires ou encore les ateliers de médiation culturelle.

Le Pass Culture, supplétif de l'Éducation nationale ?

Après plusieurs mois de fonctionnement, le Pass Culture se trouve ainsi légèrement ajusté. Ces aménagements ne suffisent pourtant pas à éteindre les polémiques autour de ce dispositif, critiqué notamment pour sa complexité. Dans une lettre du. 6 juin adressée à Franck Riester, Nadia Ramassamy, députée (LR) de la Réunion et présidente de l'intergroupe parlementaire des Outre-mer, constate que 78% des achats réalisés dans le cadre dispositif sont "focalisés sur l’achat de livres, alors que le cinéma, les concerts, les musées et le théâtre sont inclus dans l’offre culturelle du Pass Culture".

Or, "si les livres ont été plébiscités, ce sont principalement des livres universitaires et scolaires", assure la députée, avançant que "le manque de moyens dans l’éducation et l’enseignement supérieur serait compensé par ce dispositif".
Nadia Ramassamy estime également que "le Pass Culture accentue les disparités territoriales entre les établissements culturels, qui n’ont pas les mêmes moyens pour se faire connaître auprès des jeunes. Dès lors, ce Pass risque de profiter uniquement aux grandes industries culturelles et aux géants du numérique"

La FNCC reste dubitative

Dans le dernier numéro de "La Lettre d'Échanges" (mai 2019), éditée par la Fédération nationale des collectivités pour la culture (FNCC), l'association rapporte une rencontre des élus avec deux responsables du dispositif au ministère de la Culture. La FNCC s'inquiète notamment de l'incertitude du financement d'un dispositif qui, une fois généralisé", devrait coûter 500 millions d'euros, que le ministère s'engage à couvrir seulement à hauteur de 20%. La réponse de représentant du ministère n'apporte guère d'éclaircissements, en reconnaissant que "le fonctionnement du plein régime ne se pose pas encore".

De même, des élus s'inquiètent de l'articulation avec les dispositifs locaux similaires. Selon Martine Publié, vice-présidente en charge de la culture du département du Rhône, il en existe quatre sur son territoire : celui de la ville de Lyon, celui de la métropole lyonnaise et ceux du département du Rhône et de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Or ces dispositifs n'ont pas les mêmes périmètres et ne visent pas forcément les mêmes tranches d'âge...

Enfin, les élus s'interrogent sur la question du pilotage local. Pour Jean-Philippe Lefèvre, président de la FNCC et adjoint au maire de Dôle, "j’ai pour ma part le sentiment d’une véritable faiblesse du dispositif : le Pass Culture n’a pas été envisagé au niveau régional". Conclusion de la réunion : "Les questions restent nombreuses"...

Références : arrêté du 31 mai 2019 modifiant l'arrêté du 5 février 2019 pris en application des articles 2, 3 et 4 du décret n°2019-66 du 1er février 2019 relatif à l'expérimentation du "Pass Culture" (Journal officiel du 6 juin 2019).