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Aménagement du territoire : Jacques Mézard précise sa feuille de route

La création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires et le déploiement du très haut débit seront les deux grands chantiers que Jacques Mézard devra mener dans les semaines et les mois à venir. Intervenant devant la commission de l’aménagement du territoire du Sénat, le 25 juillet, le ministre a indiqué que les opérateurs numériques allaient lui faire des propositions "pour le 31 juillet" afin que le gouvernement puisse définir "les orientations et des objectifs précis pour la fin du mois de septembre". Quant à la création de l’agence, ses contours seront définis "dans les tout prochains mois". Un chantier qui questionnera forcément la place du CGET…

Le ministre de la Cohésion des territoires avance à pas de velours sur un terrain miné. Huit jours après la Conférence des territoires au cours de laquelle le président de la République a demandé aux collectivités de faire un effort de 13 milliards d’euros (en plus du coup de rabot de 9,5 milliards d’euros sur trois ans qu’elles viennent de subir), Jacques Mézard était attendu d'un pied ferme mais amical par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, le 25 juillet, pour dissiper quelques doutes... Mais, pas plus qu’il ne l’avait été devant la délégation aux collectivités le 13 juillet, l'ancien sénateur du Cantal n’a semblé en position de force. "Bercy ne décide pas, mais Bercy a des exigences", a-t-il résumé. "Cela va être très dur", a-t-il même prévenu, rappelant qu’en 2008, le taux d’endettement de la France était comme en Allemagne de 56% du PIB, et qu’il est passé à près de 100% alors que celui de l’Allemagne est resté au même niveau. Le ministre a appelé à faire "des efforts sur les charges générales et sur les frais de fonctionnement". "On peut encore faire des progrès", a-t-il ajouté, laissant le soin à la Direction générale des collectivités locales de trouver des solutions… Si certaines collectivités sont "à l’os" a reconnu le ministre, d’autres "ont des trésors de guerre". Selon lui, il faudra bien répartir l’effort. 

Ne pas créer une nouvelle usine à gaz

Malgré ces fortes contraintes financières, Jacques Mézard veut croire au retour de "l’aménagement du territoire" et dit partager le constat du président de la commission Hervé Maurey (Eure, UDI) qui, dans un récent rapport coécrit avec Louis-Jean De Nicolaÿ (Sarthe, LR), se montrait très sévère sur l’abandon des territoires depuis des décennies. "L’Etat doit impérativement avoir une vision stratégique", a martelé le ministre. Par quels moyens ? Il y a notamment cette "Agence nationale de la cohésion des territoires" voulue par Emmanuel Macron. "Nous pensons aboutir dans les tout prochains mois à mettre en place cette structure dans une forme qui n’est pas déterminée." La création de cette agence pose par ailleurs la question du "cadre du fonctionnement du Commissariat général à l’égalité des territoires", au sujet duquel le rapport sénatorial n’était pas tendre. "Il y a des demandes de plus en plus fortes de nombreuses collectivités hors métropole, hors agglomération qui n’ont pas les moyens d’ingénierie suffisants pour mener nombre de projets", a encore souligné Jacques Mézard, insistant sur le fait qu’il ne fallait "pas créer une nouvelle usine à gaz".
Interrogé par Hervé Maurey sur la place des métropoles, qui concentrent 75% de la croissance, l’ancien sénateur a pris ses distances avec les réformes récentes. Mais "la France métropolitaine est entrée dans les mœurs". "Sans toucher au dynamisme des métropoles, il faut que nous soyons capables (…) de définir un certain nombre de politiques de nature à ramener un équilibre territorial." Il souhaite ainsi promouvoir "une politique spécifique pour les petites villes et moyennes dont beaucoup ont de grandes difficultés en particulier celles qui n’ont pas de noyau métropolitain". Le ministre a ainsi évoqué un travail en commun avec la Caisse des Dépôts sur la revitalisation des centres-bourgs, dans le prolongement de l’opération lancée il y a trois ans dans 50 centres.

Numérique : un devoir

A côté de cette agence des territoires, l’autre grand sujet d’interrogation des élus est le calendrier du déploiement du numérique. Les déclarations d’Emmanuel Macron le 17 juillet ont plutôt semé le trouble (voir ci-dessous notre article du 20 juillet 2017). Sur ce point Jacques Mézard s’est montré très précis sur la "feuille de route". "Notre pays est en retard", a-t-il commencé par dire. "Installer le très haut débit dans tout le territoire est une vraie mesure de lutte contre la fracture territoriale." L’Arcep va communiquer "dans les heures qui viennent" sur la situation, a-t-il précisé. Les opérateurs devront faire des propositions "pour le 31 juillet" afin que le gouvernement puisse définir des "orientations et des objectifs précis pour la fin du mois de septembre".
Le ministre veut agir dans trois directions. Tout d’abord "accélérer le déploiement sur les zones denses" dans lesquelles moins de 3 millions de lignes ont été installées sur un objectif de 12,7 millions. Concernant le déploiement dans les RIP, fin 2016, 800.000 lignes avaient été réalisées en FITH sur un objectif de 7,3 millions d’euros.
Enfin, s’agissant des "15% de la population soit environ 2 à 3 millions de prises qui ne sont actuellement pas concernés par la dynamique de déploiement, nous devons trouver une solution d’ici 2020". "C’est non seulement une préoccupation. Mais c’est un devoir", a souligné le ministre.
Le délai de 2020 conduit à privilégier "une accélération du modèle actuel". La fragilité dans les zones Amii (appels à manifestation d’intentions d’investissement) gérées par SFR et Orange "nécessite qu’on mette en place un suivi beaucoup plus serré contraint et opposable". Le ministre a brandi la double menace du "constat de carence" si les engagements n’étaient pas respectés et de l’entrée des concurrents (Free et Bouygues). Une dernière menace à utiliser cependant "avec précaution".

4G : 10.000 poteaux supplémentaires

Pour les 15%, le ministre propose de passer par un "bouquet de solutions", notamment en recourant à la 4G. Ce qui implique que les opérateurs de téléphonie mobile construisent des poteaux supplémentaires. Plus de 10.000 sont nécessaires, a calculé le ministre, dans les bourgs, les territoires ruraux, mais aussi sur les routes et les voies ferrées.
Enfin, concernant la phase 2 des RIP, consistant notamment à augmenter le taux de fibre, le besoin est évalué entre 1,3 et 1,8 milliard d’euros. Il sera pris en charge par le grand plan d’investissement de 50 milliards d’euros, a garanti Jacques Mézard.