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Assainissement non collectif : la Cour des comptes appelle à revoir en profondeur le fonctionnement des Spanc

Dans un référé publié ce 13 décembre, la Cour des comptes porte un jugement sévère sur le fonctionnement des services publics d'assainissement non collectif (Spanc), qui contrôlent les installations (fosses septiques, etc.) des particuliers non reliées au tout-à-l'égout. N'hésitant pas à les qualifier de "défaillants", elle pointe aussi des "pratiques disparates" et des difficultés liées à une "professionnalisation insuffisante". Elle formule six recommandations pour améliorer leur efficacité.

Souvent critiquée par les associations de consommateurs, la gestion des services publics d'assainissement non collectif (Spanc) placés sous la responsabilité des collectivités territoriales est cette fois dans le collimateur de la Cour des comptes qui a publié ce 13 décembre un référé à la suite d’une enquête menée avec les chambres régionales des comptes de Bretagne, Normandie et Pays de la Loire. "Chargés du contrôle de cinq millions d’installations individuelles de traitement des eaux, soit 20% de la population française, les services publics d’assainissement non collectif (Spanc) rencontrent des difficultés dans l’exécution de leurs missions, difficultés accrues par des organisations et des pratiques disparates", souligne la Cour dans la présentation de son référé daté du 24 septembre dernier, qui a été adressé à Gérard Collomb, alors ministre de l'Intérieur, et à François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire.

Difficultés de contrôle des installations existantes

A l'issue de ses travaux, qui ont porté sur une quarantaine de régies ou de délégataires de communes ou d'intercommunalités, la Cour pointe d'abord les difficultés rencontrées par les Spanc dans l'exercice de leur mission de contrôle des installations existantes. Financés par une redevance de la part des usagers, ils doivent en effet veiller à la protection de l'environnement contre les pollutions liées à d'éventuels dysfonctionnements de ces installations. La Cour relève trois problèmes en particulier pour les Spanc : les incertitudes inhérentes à la délimitation des zones d'assainissement collectif et des zones d'assainissement non collectif, une information dispersée entre des textes nationaux et une multiplicité de documents et d'actes locaux, des problèmes d'exercice de la compétence au niveau intercommunal. Ainsi, les Spanc intercommunaux peuvent avoir à appliquer aux usagers des règles différentes selon leur commune de résidence. "Alors que leur harmonisation devrait procéder de l'exercice des compétences en matière d'assainissement à un niveau intercommunal, un maire a en effet la possibilité de s'opposer, pour sa commune, au transfert des pouvoirs de police administrative spéciale", relève la Cour.
Le contrôle de conception des installations nouvelles ou à réhabiliter n'est guère plus aisé pour les Spanc qui ont cette fois à faire face à la complexité des technologies innovantes telles que les micro-stations, de plus en plus prisées des usagers mais qui peuvent présenter un risque pour l'environnement.

Des Spanc jugés "défaillants"

La Cour pointe aussi nombre de défaillances dans le fonctionnement des Spanc, à l'égard des usagers d'abord. Les mentions obligatoires devant figurer dans le règlement du service et dans le rapport de visite transmis à la suite du contrôle ne sont pas pleinement respectées, pas plus que l'obligation de produire un rapport annuel sur le prix et la qualité du service.
Certains Spanc n'ont en outre qu'une connaissance incomplète du nombre et des caractéristiques des installations sur leur territoire, ce qui peut biaiser les prévisions financières des services, notamment en cas de recours à un prestataire par la passation d'un marché ou de délégations du service public (DSP), note-t-elle. "Des carences dans le suivi de ces délégataires ou des prestataires par les Spanc sont également à déplorer : l’exploitation étant généralement déficitaire, des délégataires, pour limiter leurs pertes, ont par exemple décidé de ne pas affecter les moyens nécessaires, ou même de cesser les contrôles prévus", ajoute-t-elle. De plus, qu’il s’agisse de DSP ou de régie, la périodicité fixée par la collectivité pour le contrôle de bon fonctionnement est "rarement respectée".
De même, la vérification de l’exécution et de la conformité des travaux, prescrits par les Spanc ou engagés par l’usager, est "fréquemment omise, faute, pour le service, de disposer des moyens nécessaires ou d’avoir été averti avant le remblaiement du site". "En cas de défaillance ou de refus des usagers, les leviers qui permettent de mettre fin aux risques liés à une installation relèvent des maires, qui se montrent très réticents à en faire usage, souligne encore la Cour. Il en résulte que la non-exécution par l’usager des prescriptions des Spanc n’est que rarement sanctionnée."

Pratiques "disparates"

La Cour constate aussi que "des différences persistent en matière de disparité des contrôles" (quatre à dix ans observés alors que le maximum réglementaire est fixé à huit puis dix ans) et que "les modulations selon la sensibilité des zones ou des installations restent peu fréquentes". Par ailleurs, "les montants des redevances payées par les usagers sont très variables, tout comme leurs modalités de perception", relève la Cour.
Celle-ci met aussi l'accent sur un besoin d'accompagnement des Spanc à la fois en termes technique et de réorganisation pour pallier la "professionnalisation insuffisante" du secteur. De plus, elle juge nécessaire de faire évoluer aussi bien le statut que les missions des Spanc. En effet, "les services d'eau et d'assainissement sont financièrement gérés comme des services publics industriels et commerciaux (SPIC). Or, certaines des règles qui en découlent apparaissent inadaptées pour des services de taille réduite, dont l'activité principale est proche d'une mission de police sanitaire et environnementale".

Six recommandations

La Cour formule six recommandations pour améliorer le fonctionnement des Spanc. Elle propose d'abord d'élaborer et de tenir à jour, au niveau départemental, un document recensant et cartographiant les différents actes et zonages applicables localement. Elle suggère aussi de définir un cadre méthodologique national pour la définition par les agences de l'eau des zones à enjeu environnemental. Elle recommande également d'autoriser pour les Spanc, selon leur importance, des dérogations aux règles régissant l'exploitation des SPIC, de mettre fin à la faculté d'exercer des missions facultatives d'entretien et de travaux de réalisation et de réhabilitation des installations d'assainissement non collectif (ANC) et de supprimer la faculté pour les maires de s'opposer au transfert des pouvoirs de police spéciale au président de l'EPCI exerçant la compétence ANC. Enfin, elle invite à mettre en place des indicateurs territorialisés et à établir une cartographie nationale de l'évolution de la pression polluante de l'ANC.
Dans une réponse publiée aux côtés du référé, le ministère de la Transition écologique et solidaire a rejeté l'essentiel des recommandations dépendant de son périmètre qui lui ont été adressées par la Cour, assurant qu'elles sont soit peu adaptées, soit que des dispositions permettant de répondre aux inquiétudes de la Cour existent déjà ou sont en cours d'élaboration.