Biodiversité : le déclin "alarmant" des oiseaux des jardins se confirme en France

Malgré une présence plus abondante dans les jardins en hiver, en raison notamment des migrations ou de changements de comportements, la population d'oiseaux communs de France continue de se dégrader, selon le dernier bilan de l'Observatoire des oiseaux des jardins présenté ce 24 janvier.

Entre 2012 et 2022, le top 10 des espèces d'oiseaux les plus fréquemment observées n'a que peu évolué, dominé par les mésanges, moineaux, pigeons et merles, selon l'Observatoire des oiseaux des jardins, une vaste opération de science participative menée sous l'égide de la LPO et du Museum national d'histoire naturelle (MNHN) à partir d'observations de 85.000 particuliers (dont plus de 28.000 en 2022).

L'apparente stabilité recèle toutefois d'importants contrastes saisonniers, montre le bilan de l'Observatoire publié ce 24 janvier. En hiver, 49% des espèces d'oiseaux comme le choucas des tours ressortent en augmentation, 20% sont stables et 11% déclinent (mésanges noires), alors qu'au printemps les tendances s'inversent totalement, avec 41% d'espèces en régression (accenteurs mouchets, hirondelles), 24% stables et 2% en progression (huppes fasciées, linottes mélodieuses).

Une "véritable hécatombe" pour certaines espèces

Mais pour le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg, il ne faut pas s'y tromper : "Même si on peut être surpris par ces chiffres en apparence contradictoires, la faune de France, les oiseaux 'bien de chez nous', c'est au printemps qu'on peut les observer. Et le constat est clair, c'est un déclin alarmant, et pour certaines espèces une véritable hécatombe que l'on observe", a-t-il déclaré mardi lors d'une conférence de presse.

Une tendance qui corrobore de récentes études : en 2021, l'Office français de la biodiversité (OFB) et le MNHN avaient alerté sur le déclin de 30% des oiseaux communs en France, se fondant sur des observations d'ornithologues professionnels. L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) fait, elle, état d'une menace de disparition concernant 32% des oiseaux nicheurs de France.

Phénomènes de report

Comment expliquer des chiffres si opposés entre hiver et printemps ? Tout simplement parce qu'"en hiver, on a plusieurs interférences qui interviennent", explique l'ornithologue Benoît Fontaine. Parmi elles, l'afflux d'oiseaux migrateurs qui repartent au printemps, comme la fauvette à tête noire dont la présence a augmenté de 57% ces 10 dernières années dans les jardins français. Un phénomène amplifié par le changement climatique. Celui-ci a conduit cette espèce qui, autrefois migrait en Espagne, à s'arrêter désormais en France en raison de températures plus clémentes, faisant d'autant gonfler les statistiques. Autre biais, le changement de comportement de certains volatiles qui, touchés par la pollution ou la baisse des insectes liées à l'agriculture intensive, auraient "commencé à exploiter les jardins comme point d'alimentation, à une période où les ressources naturelles viennent à manquer".

Parmi les espèces les plus emblématiques de ces phénomènes de report, on trouve la fauvette à tête noire et le chardonneret élégant, espèce menacée, qui voit sa présence augmenter de 83% dans les jardins français. Comme lui, le moineau domestique, chassé des villes (-73% à Paris entre 2013 et 2016) ou le rouge-gorge familier (-17% en 18 ans) restent pourtant stables dans les jardins.

Tendances de fond

"Les jardins, malgré un écosystème qui leur est propre, ne font que refléter des tendances de fond", explique Benoît Fontaine. Il en va ainsi de l'explosion de certaines espèces opportunistes, comme les pigeons ramier, passés de la dix-septième à la neuvième place des espèces les plus observées en hiver (+ 3 places au printemps) et dont la population hexagonale a grimpé de 78% entre 2000 et 2018. Même chose pour la perruche à collier, qui entre 2013 et 2022, a vu sa présence décuplée dans les jardins hexagonaux. À l'inverse, les jardins ne sont parfois que les témoins impuissants de la lente érosion de certains volatiles, comme le martinet noir (-46%) ou le verdier d'Europe (-46%), victimes de la dégradation de leurs habitats naturels.

"Pour certaines espèces emblématiques d'oiseaux sauvages, comme les cigognes ou les faucons pèlerins", menacés dans les années 70, "on a réussi à les sauver grâce à des programmes de conservation. Mais pour les oiseaux de proximité, ce sont tous nos modes de vie qu'il va falloir changer si on veut avoir une chance d'endiguer le déclin", conclut Allain Bougrain-Dubourg.

 

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