Archives

Collectivité candidate à un marché public : les conditions sont fixées

Dans un arrêt du 14 juin 2019, le Conseil d’État a définitivement tranché une affaire concernant la légalité de la candidature d’une collectivité à un marché public. Déjà examinée par la Haute Juridiction administrative en 2014, l’affaire, renvoyée à la CAA, était de retour devant le Conseil d’État. En l'occurrence, un département avait attribué un marché de travaux à un autre département.

En l’espèce, le département de la Vendée avait attribué au département de la Charente-Maritime le marché de travaux de dragage de l’estuaire du Lay. Candidate évincée, la société Armor SNC avait saisi le juge administratif, estimant qu’une collectivité publique ne pouvait se voir attribuer un contrat de la commande publique. Le tribunal administratif (TA) de Nantes puis la cour administrative d’appel (CAA) de Nantes avaient successivement rejeté sa demande. La société s’était alors tournée vers le Conseil d’État qui avait annulé l’arrêt de la CAA, cette dernière ayant à tort dispensé le département attributaire de justifier que sa candidature constituait le prolongement de l'une de ses missions de service public. La demande de la société ayant de nouveau été rejetée par la CAA de renvoi, elle s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État. 

Définition de l’intérêt public local

Les juges de cassation ont tout d’abord rappelé les conditions permettant à une personne publique de se porter candidate à un marché public. A ce titre, ils ont notamment indiqué que "si aucun principe ni aucun texte ne fait obstacle" à ce qu’une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération candidate à un marché public, cette candidature doit nécessairement répondre à un intérêt public local. Pour satisfaire un intérêt public local, le Conseil d’État précise que la candidature de la personne publique doit constituer "le prolongement d’une mission de service public dont [elle] a la charge, dans le but notamment d’amortir ses équipements, de valoriser les moyens dont dispose le service ou d’assurer son équilibre financier".
Examinant si la candidature du département de la Charente-Maritime répondait bien à un intérêt public local, la CAA de renvoi s’était contentée de prendre en compte "la durée d’amortissement comptable de la drague". Le Conseil d’État n’a pas validé cette position, estimant que l’amortissement devait être apprécié plus largement "comme traduisant l’intérêt qui s’attache à l’augmentation du taux d’utilisation des équipements de la collectivité". L’arrêt de la CAA de renvoi a donc été annulé. Pour autant, le Conseil d’État n’a pas fait droit à la demande de la société évincée. Il a effectivement jugé que la candidature du département de la Charente-Maritime répondait bien à un intérêt public local en ce qu’elle s’inscrivait dans "le prolongement du service public de création, d’aménagement et d’exploitation des ports maritimes de pêche". 

Maintien de la concurrence

L’intérêt public local n’est pas la seule condition permettant à une personne publique de candidater à un marché public. En effet, l’acheteur devra aussi s’assurer qu’une telle candidature ne fausse pas les conditions de la concurrence. En l’espèce, la société évincée soutenait que le prix de l’offre du département candidat, nettement inférieur au montant des offres des autres candidats et des estimations du département acheteur, faussait la concurrence.
Dans une telle situation, le Conseil d’État a indiqué que le pouvoir adjudicateur devait s’assurer que "l’ensemble des coûts directs et indirects" aient été pris en compte pour fixer le prix. 
Pour s’en assurer, le département de la Vendée avait demandé au département candidat le sous-détail des prix. Il avait ainsi pu considérer que la différence de prix s’expliquait par une meilleure technologie de la part du département candidat, offrant ainsi des rendements nettement supérieurs.
Dès lors, le Conseil d’État a rejeté la demande de la société évincée, validant ainsi l’attribution du marché au département de la Charente-Maritime.

Référence : CE, 14 juin 2019, n°411444

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis