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Comment la data renouvelle les politiques vélo

De la production de cartes détaillées sur les équipements vélo au signalement de dysfonctionnements, le numérique est devenu un outil incontournable des politiques vélo. Mais c’est avec le développement de vélos connectés et partagés que "le pilotage par la data" s’impose véritablement.

"Les cyclistes ont toujours été très organisés. Au milieu du XIXe siècle, quand le cyclisme était encore une pratique bourgeoise, des récoltes de fonds privés permettaient de financer des infrastructures adaptées. Désormais, les associations de cyclistes influencent les politiques vélo mises en œuvre par les villes. Elles ont su très tôt s’emparer du numérique pour mobiliser leur communauté et sont très actives sur les réseaux sociaux", explique Manon Eskenazi auteure d’une thèse sur "Voir, vivre et construire la ville pour le vélo" .

De la carte participative à la plateforme

Une mobilisation en ligne qui sert de plus en plus à faire remonter les difficultés rencontrées par les cyclistes au quotidien : zones dangereuses, signalétique défaillante, etc. A Dignes-les-Bains, le pays dignois a ainsi organisé une "cartopartie" où les habitants, cyclistes ou non, étaient invités à recenser les équipements vélo sur la plateforme ouverte OpenStreetMap (OSM). Un recensement, comme il s’en produit une trentaine par an dans toute la France, destiné à faciliter le quotidien des cyclistes et à aider la collectivité à repérer les infrastructures manquantes. Cette mise en relation entre les cyclistes connectés de la "multitude" et les collectivités, la jeune société Géovélo en a fait son cœur de métier. Son modèle est biface : d’un côté un calculateur d’itinéraires cyclistes ouvert à tous, de l’autre une plateforme de remontée d’incidents accessible sur abonnement pour les collectivités. "Nous avons 80 à 90.000 utilisateurs de notre application. Parmi ceux-ci, plusieurs milliers de contributeurs qui peuvent signaler un itinéraire cycliste non référencé, des travaux ou un carrefour non sécurisé", explique Gaël Sauvanet, directeur technique de Géovelo. La société travaille aujourd’hui avec une quinzaine de collectivités (Blois, Caen, Orléans, La Rochelle, Rouen…), à qui elle propose un suivi des remontées utilisateur et un enrichissement constant des données vélo du territoire, publiées en open data sur OSM.

Piloter l’offre de vélos partagés par la data

Le monde du vélo a ensuite été bouleversé par l’arrivée des offres de vélos en libre-service (VLS). Des services fortement numérisés, et ce dès l’origine avec les premiers Vélib où les stations fournissaient en temps réel le nombre de vélos disponibles. Un indicateur mis à disposition des usagers via une application mobile (par la suite publié en open data) mais qui bénéficie aussi au gestionnaire du parc pour garantir la disponibilité de VLS dans toutes les stations. La technologie tend cependant à être embarquée dans le vélo lui-même, le plus souvent sous forme d’une puce GPS associée à un cadenas connecté. Cette "avancée" est au cœur des offres en free floating (lire notre article sur la récente étude de l’Ademe) mais aussi à l’origine de nouveaux problèmes tels que la multiplication des vélos, et parfois des épaves, encombrant trottoirs et bas-côtés. Pour éviter ces travers et tenter de réguler ces offres, l’accès aux données de géolocalisation des véhicules devient déterminant pour les municipalités.  Aux États-Unis, la ville de Los Angeles a été jusqu’à imposer aux opérateurs de vélos, trottinettes et scooters, un format d’échange de données spécifique, baptisé MDS . En France, ce sujet de l’accès aux données des opérateurs de mobilité sera débattu dans le cadre de la discussion, en cours, du projet de loi d’orientation des mobilités.

Ouvrir la technologie pour démocratiser le vélo partagé

Les services de partage de vélo ont aussi pour inconvénient de reposer la plupart du temps sur des technologies propriétaires. En d’autres termes, lorsque la collectivité opère le service, elle devient dépendante d’une technologie et se retrouve obligée de changer de système lorsqu’elle change de prestataire. Une situation parfaitement illustrée par le très onéreux passage de l’offre VLS de JCDecaux à Smoove à Paris en 2018. Le coût des VLS - et la difficulté à trouver un équilibre économique même dans les grandes villes - a conduit la Fabrique des mobilités, incubateur soutenu par l’Ademe dédié aux mobilités innovantes, à lancer en novembre dernier le challenge "Partageons plus de Vélos" co-organisé avec la Fing, le Club des villes et territoires cyclables et Maker Faire France. Son objectif est de faire émerger des solutions (libres) permettant d’augmenter le nombre de vélos mis à disposition et/ou en partage avec des citoyens ou des professionnels dans tous les territoires. Parmi les projets incubés figure ainsi un cadenas connecté conçu avec des composants et logiciels open source.  Celui-ci, explique le Wiki du projet, donnerait "la possibilité à un particulier de partager son vélo, aux horaires de son choix, une application mobile permettant de connaître la disponibilité des vélos et de les sécuriser dans des lieux d’intérêts comme les gares, les places de centre-ville ou les parcs". Les équipes participant au challenge doivent s’engager à proposer des solutions "robustes, ouvertes et documentées". Le résultat du challenge sera connu en juillet 2019 à lors de la Maker Faire de Roubaix. 

Un format de données pour les VLS

Les données des vélos et deux roues partagés (géolocalisation des vélos et trottinettes) intéressent utilisateurs et municipalités. Face à une grande diversité d’opérateurs leur normalisation est indispensable. C'est ainsi qu'une association de cyclistes américain a créé le format GBFS (General Bikeshare Feed Specification) qui s’inspire du format, devenu standard, de Google pour les transports en commun (GTFS). Ce flux permet à des applications comme Google Maps, City Mapper ou encore certains calculateurs multimodaux de collectivités d’afficher en temps réel la localisation et la disponibilité des véhicules.
 

 

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