Commerce spécialisé : 2023, année "de tous les dangers"

Le commerce spécialisé peine à retrouver ses couleurs d'avant crise sanitaire. En 2022, les ventes progressent de 1,3% par rapport à 2019 mais plusieurs secteurs sont à la peine. La fréquentation reste très inférieure à l'avant-crise, et la fin des très grands projets commerciaux semble être actée. Procos prévoit une année 2023 "de tous les dangers" et demande un plan commerce au gouvernement pour que les investissements de transformation du secteur puissent être maintenus.

 

Le commerce spécialisé a du mal à se remettre de la crise sanitaire. C'est ce qui ressort du bilan présenté le 8 février 2023 par Procos, la fédération des enseignes du secteur. En 2022, si les ventes magasins du commerce spécialisé augmentent de 1,3% par rapport à 2019 (sans toutefois tenir compte des hausses de prix intervenues durant 2022), avec des secteurs en hausse comme l'alimentaire spécialisé (+9,7%), l'équipement de la maison (+5,5%) et la beauté-santé (+2,3%), plusieurs secteurs sont à la peine. Il s'agit notamment de la restauration (-15,9%), des cadeaux-jouets (-9,7%), de la chaussure (-8,5%) et de l'habillement (-2,6%).  Dans ce dernier secteur, le nombre de magasins a tendance à se réduire, avec une baisse estimée à 11% par l'Alliance du commerce entre 2019 et 2022.

Alors que les consommateurs s'étaient retournés vers les centres-villes durant la période du covid, les centres commerciaux sont maintenant à nouveau plébiscités. Leurs ventes augmentent de 16,8% en 2022, celles des zones commerciales et retail parks de 13,9% contre +9,3% pour les centres-villes. L'inflation actuelle pousse aussi les consommateurs à chercher le moindre prix dans la grande distribution. "A l'inverse, les centres-villes ont été handicapés par les changements d'habitudes avec une préférence pour le prix et moins pour la proximité contrairement à la période covid", souligne le bilan.

La fréquentation restera durablement très inférieure à la celle de l'avant covid

Les ventes sur internet ont quant à elles repris leur cours d'avant la crise : si les ventes de services (billets d'avion, train…) ont explosé, pour les enseignes, les ventes de produits sur le web ont baissé (-12% en moyenne) sauf dans certaines activités, comme la beauté-santé (+7,5%).

La fréquentation des magasins n'arrive pas à se remettre de la crise. Elle "restera durablement très inférieure à celle de l'avant covid", assure Procos, "le consommateur a changé de comportement, il se déplace moins souvent dans les magasins non alimentaires". La fréquentation est ainsi inférieure de près de 20% par rapport à 2019. Une baisse qui est partagée par nos voisins européens.

L'évolution de la vacance commerciale n'a quant à elle pas été aussi forte que pendant la période covid, du fait des mesures de protection mises en œuvre par l'Etat et les régions. Mais la guerre en Ukraine et les problèmes liés à l'énergie peuvent laisser penser que la vacance se développera davantage dans les prochains mois. Elle est passée de 11,8% en 2019 à 14% en 2022 dans les centres commerciaux. Les augmentations sont très légères en moyenne dans les centres-villes et dans les zones commerciales de périphérie. Elle augmente en revanche fortement à Paris du fait de l'explosion du télétravail et du déménagement d'une partie des habitants vers la banlieue ou les régions et de l'absence des touristes pendant plusieurs mois.

La fin des très grands projets

En matière d'immobilier commercial, les choses évoluent aussi et a priori de manière durable. En 2022, Procos constate ainsi la confirmation de la fin d'un cycle. Les permis de construire et les mises en chantier augmentent (respectivement 4,4 millions de m2 soit 29% de plus qu'en 2021 et 2,9 millions de m2 soit 17% de plus), mais l'activité des commissions d'aménagement commercial (CDAC) reste inférieure à l’avant-covid : en 2022, plus de 800.000 m2 ont été autorisés, soit 50% de plus qu'en 2021, mais ce volume correspond seulement à 25% de son niveau de 2011. Le stock de projets à cinq ans continue à diminuer, avec un nouveau plancher de 2,5 millions de m2, soit à peine le tiers du niveau enregistré en 2011, et le plus bas observé depuis vingt ans.

Autre phénomène marquant : les très grands projets tendent à disparaître au profit de projets plus petits, plus mixtes ou mieux insérés dans l'urbain. De nombreux grands projets ont été stoppés ces trois dernières années comme Europacity, Gare du Nord, Ode à la Mer (Montpellier), Rennes-Pacé, Val Tolosa (Toulouse), 3 Pays (Bâle-Mulhouse), Fleury-sur-Orne (Caen).

L'impact du zéro artificialisation nette (ZAN) commence aussi à se faire sentir, les promoteurs immobiliers étant incités à recycler le foncier. Une transformation qui remet au-devant de la scène les entrées de ville et les zones commerciales, délaissées depuis des dizaines d'années. Elles sont maintenant "perçues comme des lieux de densification et donc comme la solution pour implanter d'autres besoins immobiliers dans la ville, y compris le logement et l'industrie", signale Procos. Dans sa phase 2 précisée en février 2022, le plan Action Cœur de Ville va justement se concentrer sur ces zones, les entrées de villes, avec les quartiers de gares (voir notre article du 15 février 2022). A noter que la ministre déléguée au commerce Olivia Grégoire a également annoncé un plan pour les zones commerciales de périphérie doté de 24 millions d'euros cette année.

Procos reste inquiet pour 2023, perçue comme "une année de tous les dangers tant la conjonction des paramètres est défavorable". La fédération estime qu'il est plus que jamais nécessaire de mettre en place une politique publique du commerce pour stopper l'hémorragie et éviter une "décommercialisation" avec la multiplication des fermetures des points de vente, les défaillances de réseaux et la vacance commerciale. Procos réclame un plan commerce pour s'assurer que les investissements de transformation ne soient pas stoppés.