Conférences de citoyens tirés au sort : des retours d'expérience du Grand Débat

Une "convention" de 150 citoyens tirés au sort planchera dès le mois de juin sur les aides aux transports et au logement dans le cadre de la transition climatique, a annoncé le président de la République le 25 avril. Pour assurer "légitimité" et "utilité" à cette démarche, il importe de respecter certaines conditions, ont fait valoir les "gilets citoyens" qui avaient porté cette idée. Le gouvernement pourra s'appuyer sur des retours d'expérience en la matière, dont les conférences citoyennes menées dans le cadre du Grand Débat national.   

"Dès le mois de juin nous tirerons au sort 150 citoyens pour constituer ce début de conseil de la participation citoyenne", a annoncé le président de la République le 25 avril 2019 (voir ci-dessous notre article du 26 avril 2019). Préfigurant la réforme du Conseil économique, social et environnemental (Cese) qui sera conduite dans le cadre de la réforme constitutionnelle, cette première "convention citoyenne" sera chargée de "redessiner toutes les mesures concrètes d’aides aux citoyens sur la transition climatique dans le domaine des transports, de la rénovation des logements". "Ce qui sortira de cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement soit à référendum soit à application réglementaire directe", a ajouté Emmanuel Macron.

Disposer d'une "chambre du futur" ou encore d'une "assemblée citoyenne du long terme" : la demande est portée depuis plusieurs années notamment par la Fondation pour la nature et l'homme (voir ci-dessous notre article du 22 octobre 2018). Après avoir relancé l'idée dans le cadre du Grand Débat national, le "collectif des gilets citoyens" initié par Démocratie ouverte a détaillé dans un communiqué du 24 avril cinq "fondamentaux méthodologiques" jugés nécessaires pour garantir "la légitimité, la qualité et l’utilité des conclusions d’une telle démarche de délibération citoyenne". Ce collectif compte plusieurs élus (voir ci-dessous notre article du 24 janvier 2019), dont Yvan Lubraneski, président des maires ruraux de l'Essonne et auteur de l'appel des maires ruraux pour les municipales de 2020 "Des Communes et des Citoyens, engagez-vous".

"À quoi va servir notre travail ?" Une préoccupation partagé entre les citoyens tirés au sort et les membres traditionnels du Cese  

Côté Cese, le président Patrick Bernasconi a salué dans un communiqué du 29 avril les annonces du président de la République, rappelant que la délibération de citoyens tirés au sort venait d'être expérimentée dans son institution, aboutissant à une contribution spécifique dans le cadre de l'avis "Fractures et transitions : réconcilier la France" (voir ci-dessous notre article du 12 mars 2019).

Venu témoigner de cette expérimentation jugée "extrêmement positive" à Grenoble le 13 mars, lors des Rencontres nationales de la participation, Patrick Bernasconi avait souligné la "fierté" des citoyens ayant participé, mais aussi leurs "interrogations" sur la manière dont serait prise en compte leur contribution par les décideurs. "C'est aussi une préoccupation du Cese", avait-il ajouté, avant de souligner la nécessité de "clarifier le rôle de chacune des assemblées" à l'occasion de la réforme constitutionnelle.

Pour le collectif piloté par Démocratie ouverte, l'utilité de telles délibérations citoyennes passe par un débouché clair - engagement du chef de l'Etat notamment à "soumettre une ou plusieurs propositions de l’assemblée à l’ensemble des Français par la voie d’un référendum" -, mais aussi par la visibilité donnée à ces travaux. Sur la transition écologique, des clarifications sont également attendues sur le calendrier d'ensemble et l'articulation entre les différentes instances mandatées sur le sujet - dont le Haut Conseil pour le climat (voir notre article du 2 mai 2019) ou le futur "Conseil de défense écologique" annoncé également le 25 avril par le chef de l'Etat.    

Prévoir un "cadre facilitant" pour inciter les personnes tirées au sort à accepter de participer 

Autre retour d'expérience à considérer : celui des 16 conférences citoyennes régionales qui ont eu lieu en mars 2019 dans le cadre du Grand Débat national. "1.404 citoyens tirés au sort [y] ont participé", témoignent dans une tribune du 27 avril les dirigeants de missions publiques et Res publica, cabinets missionnés par le gouvernement sur ces conférences. "Le tirage au sort permet la participation de personnes qui, dans leur très grande majorité, n’ont jamais participé à ce type d’expériences", soulignent-ils.

Comme le collectif des gilets citoyens, les experts de la participation citoyenne formulent plusieurs recommandations en prévision de la prochaine conférence citoyenne nationale, dont la définition d'un "cadre clair et engageant" précisant notamment "les invariants des décisions à venir et les marges de discussion". Ou encore la mise en place d'un "cadre facilitant" – "défraiement, aide à la garde d’enfants, prise en charge des journées de salaire, obligation pour les employeurs d’accepter l’absence pour participation à de telles conférences, etc." - pour inciter le plus grand nombre de citoyens tirés au sort à accepter de participer. Pour les conférences du Grand Débat, 1 à 2% des personnes contactées avaient répondu favorablement à la proposition qui leur était faite.

Ceser, conseils de développement, conseils citoyens… le tirage au sort dans les assemblées locales pérennes

Parmi les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser), seul celui du Centre-Val de Loire se dit favorable au fait d'"associer des citoyens tirés au sort sur une liste de volontaires pour participer ponctuellement à leurs travaux", dans la contribution des Ceser au Grand Débat national.

Quant aux membres des conseils de développement, ils peuvent être, au moins pour partie, désignés sur la base d'un tirage au sort ; un tiers du conseil de développement de la métropole de Bordeaux aurait été désigné ainsi. Les membres des conseils de développement exercent toutefois un mandat bénévole, à la différence des membres des Ceser, ce qui peut rendre hasardeuse la sélection par tirage au sort. L'investissement requis par l'exercice suppose en effet une certaine assiduité dans le temps, et donc une motivation particulière de la part des participants.

L'enjeu a été bien cerné en ce qui concerne les conseils citoyens. Inscrite dans la loi de 2014 sur la politique de la ville, la désignation d'une partie des membres par tirage au sort s'est avérée complexe à mettre en œuvre, ce qui a conduit à une diversité de pratiques dont le tirage au sort sur liste de volontaires. Dans un récent rapport (voir notre article du 22 février 2019), la Commission nationale du débat public appelait pourtant bien à proscrire cette pratique, mais à prévoir plutôt un solide accompagnement des personnes sélectionnées par le hasard, pour que le tirage au sort conserve sa vocation d'associer des personnes qui ne se seraient pas portées volontaires.