Congrès des maires – Économies d'eau : un chantier au long cours

Un point info organisé ce 24 novembre dans le cadre du Congrès des maires a permis de dresser un état des lieux des démarches déjà entreprises ou à développer pour répondre à l'objectif de réduction des prélèvements par les services d'eau potable, fixé par les Assises de l'eau en 2019 et que le chantier eau de la "planification écologique" va devoir décliner.

Premier chantier lancé par le gouvernement au titre de la "planification écologique" (voir notre article du 29 septembre 2022), la gestion de l'eau doit d'urgence s'adapter au changement climatique et à ses répercussions sur la disponibilité des ressources comme l'ont montré la sécheresse et les pénuries qui ont affecté la quasi-totalité du territoire ces derniers mois. Le partage de l'eau et la fourniture d'une eau de bonne qualité à un coût maîtrisé sont devenus un enjeu de premier plan pour les services d'eau et les usagers. La deuxième séquence des Assises de l'eau, en 2019, a déjà fixé la trajectoire, avec 10% d'économies d'eau à réaliser d'ici 2025 et 25% dix ans plus tard.

Prise de conscience des usagers

Chez les consommateurs, la prise de conscience est bien là, a souligné Marillys Macé, directrice générale du Centre d'information sur l'eau (CIEau) en dévoilant ce 24 novembre, lors d'un point info du Congrès des maires, les premiers résultats d'un sondage mené début octobre auprès de 4.000 personnes pour évaluer la manière dont les Français avaient vécu les problèmes d'eau rencontrés cet été. "Ce sont des bouleversements qui ont frappé l'opinion, tout le monde se sent concerné, relève Marillys Macé. La crise a développé les attentes sur les économies d'eau. Les usagers se disent prêts à avancer mais attendent que tout le monde se mette en mouvement." Plus de 9 personnes sur 10 ont découvert les arrêtés de restrictions d'eau qui ont, selon la directrice générale du CIEau, un "effet pédagogique". 96% disent avoir mis en œuvre au moins en partie une action d'économie d'eau et 75% souhaitent un effort collectif pour ne pas gaspiller la ressource. L'enquête annuelle que mène le CIEau apporte aussi des éléments intéressants, poursuit la directrice générale de l'organisme. "On sait qu'au moins un geste d'économie d'eau est mis en place et que parmi les gestes techniques, la réutilisation d'eaux usées arrive en première position, suivie du remplacement des canalisations, indique-t-elle. Les consommateurs demandent aussi à être encouragés, par un gain sur leur facture et par des équipements tels que des compteurs intelligents pour piloter leur consommation."

Autre enseignement : l'échelle communale reste non seulement la source d'information privilégiée face aux pénuries d'eau mais le niveau de reconnaissance vis-à-vis des services d'eau pour la qualité de leur gestion est élevé et a atteint un pic lors de la crise du Covid. Et cela ne semble pas devoir s'arrêter. "Plus de 9 Français sur 10 considèrent la gestion de l'eau comme prioritaire dans les politiques communales et intercommunales", a insisté Marillys Macé.

Initiatives territoriales

Face à la nécessité d'économiser l'eau, de nombreux territoires ont déjà pris les devants. C'est le cas du syndicat intercommunal des eaux de Beaufort, en Ille-et-Vilaine, qui a été lauréat en 2021 des trophées décernés par le Club des économies d'eau créé à l'initiative du ministère de la Transition écologique et animé par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Ce syndicat, qui regroupe 35 communes le long de la baie du Mont-Saint-Michel et de la vallée de la Rance (61.500 habitants au total) doit répondre au défi de l'alimentation en eau potable d'un territoire uniquement alimenté par des eaux de réserve dépendant de trois ruisseaux. "Nous allons être déficitaires de quatre millions de m3 pour les 20 ans à venir", a souligné son président, Jean-François Richeux, également maire de Saint-Père-Marc-en-Poulet. Le syndicat a donc engagé une palette d'actions pour réduire la consommation des usagers.

Trois axes de travail ont été privilégiés : repérer les fuites chez les consommateurs à partir des enquêtes de fuites sur le réseau public, accompagner le grand public aux économies d’eau et avertir les populations en période de stress hydrique. La détection de fuites après compteurs a permis en 2019 et 2020 d’économiser 7.000 m3 sur la ressource, en complément des réductions de fuites sur le réseau. Pour les dispositifs de sensibilisation du grand public (comme des sabliers de douche), le nombre de sollicitations et d’interventions augmente chaque année, relève le syndicat. La consommation moyenne sur le territoire a été ramenée à 45 m3 par an et par habitant, avec une campagne lancée pour atteindre l’ambitieux objectif de 19 m3 par an et par habitant, soit 52 litres par jour. "Ce dispositif d’information et de sensibilisation régulière des usagers a également montré toute sa pertinence lors de situations ponctuelles de stress hydrique, souligne le syndicat. Par exemple, le 16 février 2021, une importante casse de canalisations a généré des manques d’eau pour 8.700 foyers ; ceux-ci ont été informés en temps réel de l’avancement des travaux et de nombreuses remontées de satisfaction ont été adressées aux communes." Les actions entreprises ont permis cette année de "gagner 90 jours sur la sécheresse" et de réduire de 25% la consommation d'eau des touristes pendant l'été, estime Jean-François Richeux.

Maurice Debrand, maire de Culin, une commune d'un peu plus de 700 habitants dans l'Isère, croit lui aussi aux actions pédagogiques auprès des usagers, y compris les plus jeunes. "Nous sommes très attachés aux petits pas qui montrent l'exemple", souligne-t-il. Mais sa commune engage aussi une réflexion sur la restructuration des bâtiments vieillissants et voudrait à cette occasion les doter d'équipements de récupération d'eaux pluviales, notamment. Il souhaiterait aussi pouvoir réutiliser les eaux traitées par une station d'épuration à macrophytes pour l'arrosage du stade de la commune. "Mais en l'état actuel des choses, il est interdit de le faire en dispersion", regrette-t-il. Autre difficulté soulignée par l'élu isérois, pour les petites communes comme la sienne : "le manque d'ingénierie pré-opérationnelle accessible, performante et si possible prise en charge".

Christian Métairie, maire d'Arcueil, dans le Val-de-Marne (22.000 habitants) et vice-président de l'Association des maires de France (AMF), a pour sa part souligné les difficultés propres à l'habitat vertical. Dans sa ville, celui-ci représente 80% des logements. "Nous faisons tout un travail de communication sur les économies d'eau, notamment dans les écoles, relate-t-il. Mais dans les immeubles, le fait que les habitants ne reçoivent pas de facture d'eau puisque la consommation est noyée dans le décompte des charges donne l'impression que l'eau n'a pas de prix."

Une tarification à revoir

Pour Hervé Paul, maire de Saint-Martin-du-Var (Alpes-Maritimes), vice-président de la FNCCR et du Club des économies d'eau, on ne pourra pas faire l'économie d'un débat sur la tarification de l'eau à l'aune des contraintes qui pèsent sur la ressource. "Qu'elle soit choisie ou subie, la baisse de consommation d'eau pose un problème d'équilibre économique pour les services d'eau dont une grande partie des coûts sont fixes, a-t-il souligné. Il y a notamment une forte inertie du patrimoine (installations de pompage) dimensionné sur la consommation de pointe." En outre, prévient-il, la hausse des températures et du temps de séjour dans les canalisations oblige à faire davantage de traitements pour garantir la qualité de l'eau." Il pourrait donc y avoir selon lui une "hausse de la recette moyenne facturée par m3 consommé", avec "une possibilité de tarification différenciée par tranches en fonction du volume consommé" ou selon la saison – l'eau pourrait être plus chère l'été que l'hiver, ou, dans les lieux touristiques, varier selon la fréquentation. Mais cela nécessite aussi d'introduire des correctifs pour les petits consommateurs, en fonction du nombre de personnes dans le foyer ou du type de résidence (principale ou secondaire), estime-t-il.

Venue conclure ce point info, la secrétaire d'État chargée de l'écologie, Bérangère Couillard, a en tout cas assuré que "le sujet du financement sera remis sur la table" à l'occasion du chantier eau de la planification écologique" et affirmé vouloir "ouvrir toutes les solutions permettant d'améliorer les solutions à court et moyen termes." "On a besoin de repenser les projets, a-t-elle souligné, et on doit être en capacité de prendre les décisions sur les territoires", reconnaissant que des "points étaient à améliorer", notamment sur la réutilisation des eaux usées ou les réparations de canalisations pour lutter contre les fuites.