Conseil national de la refondation : ça ne se bouscule pas au portillon

Le Conseil national de la refondation voulu par Emmanuel Macron et dont le secrétariat général sera assuré par François Bayrou, doit être lancé le 8 septembre. Élisabeth Borne a confirmé les grands thèmes qui seront abordés : "le plein emploi, l'école, la santé, le bien-vieillir et la transition écologique". La plupart des formations politiques ont décliné l'invitation. Le président de l'Association des maires de France, David Lisnard, vient d'écrire au chef de l'État pour s'interroger sur sur "l’opportunité de la création" de cette instance et sur ses modalités de fonctionnement.

Le Conseil national de la refondation sera lancé dans une semaine à Marcoussis dans l'Essonne. "Nous aurons le chantier de l'école, de la santé, nos grands services publics, avec ce dialogue qu'on lancera dès le Conseil national de la refondation du 8 septembre", avait en effet fait savoir Emmanuel Macron le 19 août depuis Bormes-les-Mimosas. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, avait expliqué en juillet que ce CNR viserait à "partager les diagnostics à l'échelle de la nation sur des grands enjeux" et qu'il associerait "les responsables des partis politiques, les responsables des groupes parlementaires, des représentants d'associations d'élus des territoires, des représentants des corps intermédiaires, les syndicats en partenariat avec le Conseil économique, social et environnemental". Le même Olivier Véran a par ailleurs expliqué le choix symbolique du lieu : Marcoussis, c'est le centre d'entraînement de l'équipe de France de rugby qui, à moins d'un an de la Coupe du monde, "montre l'esprit collectif, l'esprit d'ouverture et les valeurs qui sont celles du rugby".

Ce 1er septembre sur France Inter, Élisabeth Borne a confirmé les grands thèmes qui seront abordés : "le plein emploi, l'école, la santé, le bien-vieillir et la transition écologique". Le CNR "rassemblera une cinquantaine d'acteurs représentatifs de notre société et des experts pour éclairer le débat", notamment la présidente du Haut-Conseil pour le climat, le premier président de la Cour des comptes et le gouverneur de la Banque de France. Viendront ensuite des séances thématiques et des réunions globales pilotées par la Première ministre. Il n'est plus fait mention de la présence de citoyens tirés au sort évoquée en juin par le chef de l'État.

On sait aussi désormais que le Haut-Commissariat au Plan confié à François Bayrou assurera le secrétariat général du CNR. Le président du MoDem l'a indiqué ce 1er septembre à l'AFP, confirmant une information de L'Opinion. "J'ai toujours défendu cette idée selon laquelle il faut trouver des zones de consensus pour faire avancer un certain nombre de diagnostics qui n'avancent jamais", a expliqué François Bayrou, se disant "prêt à aider par tous les moyens pour garantir la bonne tenue de cette démarche et pour que personne ne se sente instrumentalisé".

"Objet politique non identifié"

Il faut dire que le CNR, qui se voulait le vecteur de la "nouvelle méthode" du président de la République après sa réélection, suscite avant même d'exister bien des interrogations et résistances. Sur l'échiquier politique, du Rassemblement national à La France insoumise en passant par Les Républicains, les socialistes, les écologistes et les communistes, aucun parti d'opposition ne souhaite participer au rendez-vous inaugural. Le président du Sénat, Gérard Larcher, s'est inscrit en tête des réfractaires en signifiant son refus par lettre, appelant le chef de l'État au "respect des prérogatives institutionnelles de chacun". Le sénateur PS Patrick Kanner parle d'un "objet politique non identifié", tandis que la présidente intérimaire de LR, Annie Genevard, évoque "une confusion de légitimité entre démocratie participative et démocratie représentative". Au sein de la majorité, l'ancien Premier ministre Édouard Philippe, maire du Havre et président du mouvement Horizons, ne sera pas non plus présent au lancement.

Élisabeth Borne a déploré ce jeudi ces annonces de boycott : "Je m'interroge. Est-ce que, dans la période actuelle où on fait face à des défis considérables (...), est-ce que c'est naturel de refuser la discussion avant même qu'elle n'ait commencé ? Je trouve cela un peu paradoxal. C'est important que l'on puisse partager les diagnostics, discuter des objectifs", a-t-elle déclaré, tout en assurant que "la porte resterait ouverte" à ceux qui voudraient finalement participer.

Du côté syndical, l'enthousiasme est mesuré. Si la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC seront bien présents, la direction de la CGT proposera à sa commission exécutive de boycotter cette "mascarade de dialogue" et FO n'a pas encore tranché.

Parmi les nombreux arguments brandis : le Conseil économique, social et environnemental (Cese) "a précisément été réformé lors du précédent quinquennat pour être cette nouvelle chambre de la participation citoyenne", tel que le rappelle la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina.

Ne pas "amplifier la dépolitisation"

"On n'a pas, en France, cette tradition de la colégislation", souligne en outre la juriste, évoquant les diverses tentatives faites dans le passé, dont celle de la convention citoyenne sur le climat. Parce que "constitutionnellement, au niveau du résultat, cela ne peut que revenir au gouvernement et au Parlement", mieux vaudrait "bien expliquer dès le départ" que ce type d'organes ont "simplement vocation à prendre le pouls du pays", poursuit Anne-Charlène Bezzina. Élisabeth Borne a d'ailleurs pris soin de préciser que le CNR "interviendra en amont du travail législatif, et en aval dans la mise en oeuvre".

Ce 31 août, c'est le président de l'Association des maires de France, David Lisnard, qui a conditionné sa participation à l'obtention de précisions de la part de l'Élysée. Sachant qu'il devait y "représenter les maires et présidents d’intercommunalité", David Lisnard s'interroge clairement, dans un courrier de deux pages adressé à Emmanuel Macron, sur "l’opportunité de la création" du CNR. Selon le maire de Cannes, la recherche de consensus "passe notamment par le débat parlementaire au sein des deux chambres, composées de représentants du peuple élus au suffrage universel, et dont l’une, le Sénat, est spécifiquement chargée de porter la voix des collectivités" – et non par "une amplification de la dépolitisation" ou par un "gouvernement des experts, qui (...) semble au cœur de la conception de l’outil proposé".

David Lisnard regrette en outre que l'objet du CNR ait été limité à certains sujets, excluant par exemple du périmètre "les enjeux de sécurité, de finances, de pouvoir d’achat, de logement, de bureaucratisation, de services publics de proximité, de compétitivité du pays, et d’instruction publique". Autres griefs : le fait qu'"aucun ordre du jour [n'ait] été communiqué aux participants", que le diagnostic ne sera pas "réalisé de manière conjointe, que des "exposés" réalisés par "des experts institutionnels" risque de privilégier une "approche très conformiste et verticale"… L'AMF attend donc de connaître "les modalités de fonctionnement" et "les suites réservées" aux travaux du CNR pour décider si elle prendra part, ou pas, à la réunion du 8 septembre.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis