Conseil national de la refondation : place aux travaux pratiques

Le Conseil national de la refondation (CNR) va maintenant se décliner en CNR "thématiques" et en CNR "territoriaux", dont les deux premiers ont été lancés ce 3 octobre : l'un sur l'école, l'autre sur la santé. Les élus locaux seront directement impliqués dans ces concertations locales destinées à faire émerger des solutions nouvelles. Un site internet dédié a également été lancé ce lundi, Emmanuel Macron appelant chacun à s'en saisir pour "apporter ses idées" sur "l'écologie, l'école, la santé, la démographie, le travail".

Le Conseil national de la refondation (CNR) lancé par Emmanuel Macron le 8 septembre dernier à Marcoussis entre dans une "nouvelle phase" avec la tenue de deux "CNR territoriaux" – l'un sur l'école, l'autre sur la santé – et l'ouverture d'un site internet dédié pour enclencher une "grande consultation" auprès des Français.

L'ensemble de ce processus du CNR voulu par le chef de l'Etat est à plusieurs étages et plusieurs briques. Pour y voir plus clair :

  • Le CNR "plénier", sur le modèle de celui de Marcoussis qui avait réuni une quarantaine de participants – élus nationaux et locaux, représentants syndicaux et patronaux, associations… (voir notre article). La prochaine réunion de ce type est prévue "d'ici décembre". Ce sera une nouvelle journée d'échanges tous azimuts, l'Elysée évoquant pêle-mêle "les inégalités, la biodiversité, la dépense publique" et estimant que cela permettra de faire "un premier point d'étape à la fois sur les chantiers thématiques, mais aussi sur les innovations, les solutions, les expérimentations territoriales dans la santé, dans l'éducation, l'emploi ainsi que sur la transition écologique à l'échelle des territoires".
  • Les CNR thématiques. Il y en aura sept au total. D'une part, quatre CNR "sur les grandes transitions", qui avaient été identifiées dès le départ : transition écologique, transition démographique (vieillissement, lancement le 10 ou 11 octobre), "transition de notre modèle productif et de notre modèle social" et "le futur du travail" (télétravail, évolution du salariat…). D'autre part, trois CNR thématiques ont été ajoutés au menu "à la demande des participants de Marcoussis" : logement, jeunesse (avec une approche transversale : insertion, engagement, bien-être, précarité…) et numérique.
  • Les CNR "territoriaux" qui, à l'instar de ceux lancés ce 3 octobre sur l'école et la santé (voir encadré ci-dessous), doivent essaimer sur l'ensemble du territoire à une échelle parfois très fine –  "ça peut être un établissement scolaire, un bassin de santé, un bassin d'emploi", dit l'Elysée – afin d'amener les acteurs locaux à "se concerter" autour "de pistes d'amélioration, de projets concrets, de solutions, d'innovations". La transition écologique et le "plein emploi" devraient eux aussi donner lieu à des CNR territoriaux.
  • Et puis il y a, donc, le site internet conseil-refondation.fr devant permettre à tout citoyen d'apporter sa contribution. Chaque internaute, après inscription nominative, commencera par "choisir ses thèmes de prédilection" et répondra à de "premières questions basiques qui alimenteront les prochains CNR thématiques". Le site permet aussi aux acteurs locaux, dont les collectivités, de faire connaître leur souhait d'"initier un projet local" (un débat) dans sa commune. Le site s'enrichira au fil du temps, avec par exemple des cartes et infographies devant montrer comment certaines solutions se déploient sur le terrain. Il doit aussi servir de support à l'émergence de "communautés d'acteurs" localement.

Dans une vidéo d'un quart d'heure postée ce 3 octobre, Emmanuel Macron a lui-même appelé à "participer" aux débats du CNR pour "trouver de manière intelligente, tous ensemble, les bonnes solutions, loin des postures, des conservatismes, loin des débats qui sont parfois caricaturaux", en s'inspirant "d'idées, d'initiatives et de changements" parfois "très locaux". Le chef de l'Etat appelle donc chacun à se connecter à la plateforme pour "apporter ses idées" sur "l'écologie, l'école, la santé, la démographie, le travail". "Dès le début de l'année prochaine, il y aura des réponses concrètes et des choses qui changeront", promet-il

Education : Marseille, le cas d'école

Sur l'éducation, Emmanuel Macron cite en exemple "Marseille en grand", l'opération lancée en septembre 2021 auprès des établissements scolaires de Marseille. Selon l'entourage du chef de l'Etat, "Marseille en grand" est même un modèle pour l'ensemble de la démarche du CNR : "Dans 59 écoles primaires, il y a eu une concertation avec les professeurs des écoles, les directeurs, les élus locaux, les associations qui participent à la vie périscolaire, notamment la musique, le sport, etc." "L'idée, c'est de redonner du pouvoir à ceux qui sont sur le terrain, à ceux qui produisent le service public, pour trouver des solutions, des innovations au plus près du terrain. L'idée c'est d'étendre cette méthode (…) à l'échelle du territoire national. On va le faire sur l'éducation, on va aussi le faire sur la santé, sur le travail avec la préfiguration de France Travail dans un certain nombre de territoires pilotes, et on va le faire aussi en transition écologique", explique-t-on.

Ce lundi 3 octobre, le démarrage du CNR éducation a consisté en une session de formation organisée au ministère pour "l'ensemble des représentants des académies qui vont accompagner les équipes sur le terrain". Le ministre Pap Ndiaye visitera dans la foulée des écoles en Eure-et-Loir et en Martinique. Le ministère de l'Education nationale a d'ores et déjà diffusé sur le site Educsol toute une série de ressources, dont un vade-mecum expliquant comment, pour un établissement scolaire (école, collège, lycée) "engager en local des concertations avec l'ensemble des parties prenantes, aussi bien les équipes éducatives que les différents partenaires de l'école : partenaires associatifs, partenaires économiques, parents d'élèves, élus". Des supports de communication sont également proposés. Selon l'Elysée, il s'agit pour ces parties prenantes de "se réunir pour réfléchir aux difficultés qu’elles rencontrent, voir en local quels sont les leviers qu’elles peuvent précisément faire jouer pour lever ces freins". Les référents académiques auront dans un second temps pour mission d'aider les équipes à faire "maturer" leurs projets. Le ministère précise en effet que la concertation a vocation à déboucher sur l'élaboration d'un "projet pédagogique". Celui-ci viendra "nourrir le projet d’école ou d’établissement", sans s'y substituer, et sans qu'aucun "cahier des charges" ne soit "imposé aux équipes".

De possibles financements

Des projets… et des financements ? Oui, puisque l'Elysée précise que le "fonds d’innovation pédagogique" pourra être mis à contribution. Ce fonds, doté de 500 millions d'euros sur la durée du quinquennat, dont 150 inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023, n'est autre que celui qui avait été annoncé le 25 août par Emmanuel Macron à la Sorbonne lors de son discours devant les recteurs (voir notre article). Il avait d'ailleurs alors déjà parlé de concertations au niveau des établissements scolaires. Citant là encore ce qui a pu se faire à Marseille, son entourage indique que ces crédits pourront par exemple servir à financer des "innovations pédagogiques", des "dispositifs spécifiques" – matériel, intervenants extérieurs, "classes flexibles"…

Sur toutes les thématiques, l'Elysée continue de mettre l'accent sur la volonté d'"amener les acteurs à sortir de leur couloir de nage", de "réinventer l'action publique par le terrain, par capitalisation", "d'inventer une sorte de coresponsabilité à la française"… Et souligne que la démarche sera complémentaire des diverses consultations plus traditionnelles engagées par tel ou tel ministère. Elisabeth Borne a récemment réuni le gouvernement sur le sujet et il devrait en être question ce mercredi 5 octobre en conseil des ministres. "Nous avons des échanges avec les élus, les associations d'élus aussi, qui vont jouer un rôle très important", souligne-t-on : "Avec le démarrage des chantiers école et santé, les élus concernés sont associés. Il y en a déjà énormément qui se manifestent, qui fourmillent d’idées, qui ont envie de participer aux démarches".

Qu'émergera-t-il de tout cela ? Des "expérimentations territoriales" des "allers-retours entre le local et le national" lorsque "les blocages identifiés ne peuvent être traités que par le niveau national"… Et ensuite ? Clairement pas "une grande loi" fourre-tout, assure l'Elysée. Mais une kyrielle de "produits de sortie très différenciés" : d'éventuels textes de loi "quand c'est nécessaire", des évolutions réglementaires, des réponses "en termes d'investissement public ou de financement"…

  • François Braun lance la grande consultation du CNR santé

Le ministre de la Santé, François Braun, a donné ce lundi 3 octobre au Mans le coup d'envoi du CNR santé, avec l'ambition fixée par Emmanuel Macron de répondre au "défi de l'accès aux soins".
L'heure est venue d'opérer. "Le diagnostic, on le connaît, il est partagé", a-t-il lancé en ouvrant les débats en présence de quelque 400 personnes - soignants, élus locaux et usagers du système de santé, invités à "discuter librement sur les solutions, pas sur les problèmes". Les urgences sont nombreuses, entre d'une part "des citoyens qui ont du mal à obtenir des rendez-vous, ou à trouver un médecin traitant" et d'autre part des professionnels de santé "épuisés après deux ans de crise sanitaire" et qui ont eux aussi "du mal à trouver du sens à leurs métiers", a-t-il résumé.
Depuis le coeur de la Sarthe, département devenu l'emblème des déserts médicaux, il a affirmé que le traitement ne se fera "pas depuis l'avenue de Ségur", car selon sa formule fétiche, "les problèmes sont dans les territoires, les solutions aussi".
Après Le Mans, les réunions sont appelées à se multiplier "en métropole et en outre-mer", dès la semaine prochaine et "jusqu'à la fin de l'année", avec pour première priorité "que chaque Français trouve, s'il le souhaite, un médecin traitant d'ici la fin du quinquennat". Ces réunions auront lieu "à l'initiative des élus, avec un périmètre qui peut être variable", a précisé l'Elysée : "Ça peut être le périmètre d'un bassin de vie, d'un EPCI, par exemple. Ça peut être le niveau d'un département. Ce sont aux représentants locaux de le déterminer et ça se fera avec l'appui de l'ARS et du préfet".

Les réformes déjà engagées sous le quinquennat précédent seront encore amplifiées, avec notamment un objectif de 10.000 assistants médicaux en 2025 - contre un peu moins de 4.000 aujourd'hui - pour permettre aux praticiens de recevoir davantage de patients, a assuré le ministre. Les Communautés professionnelles territoriales de santé devront en outre mailler "tout le territoire d'ici fin 2023" - environ 300 sont actives à ce jour, et 200 autres encore en projet, encore loin du millier initialement prévu. Le "service d'accès aux soins", qui associe Samu et médecins libéraux, a lui aussi vocation à être "généralisé dès l'année 2023 - alors qu'une vingtaine de départements sont à ce stade en phase pilote. Le ministre entend aussi appliquer enfin la loi plafonnant les tarifs de l'intérim médical à l'hôpital. Quant à la régulation de l'installation des médecins, elle "n'est pas hors du débat" mais ça "ne marche pas", a estimé François Braun lors d'un point presse.
"Il nous faut maintenant aller au-delà des postures et travailler main dans la main", a renchéri sa ministre déléguée Agnès Firmin Le Bodo, vantant aussi le "rôle central" des élus locaux.
François Braun a dit prévoir de suivre "au fil de l'eau" les conclusions des concertations locales et a précisé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 qui doit être examiné la semaine prochaine à l'Assemblée, aura "vocation à être enrichi par les propositions issues du CNR santé" - une instance "complémentaire" de "la démocratie parlementaire".
   Avec AFP