Conséquences de la crise sur la fiscalité locale : les premières estimations de Bercy

Le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin et son secrétaire d'Etat, Olivier Dussopt, ont livré mercredi 15 avril au Sénat leur analyse de l'impact de la crise sur les recettes de fiscalité locale. Bercy estime que pour l'année 2020, "entre 7% et 10% du total des recettes des collectivités" pourraient être "dégradées".

 

Le ministre de l'Action et des Comptes publics s'est dit, mercredi, "certain" que la crise sanitaire et le ralentissement de l'économie auront "des conséquences fiscales" sur les collectivités locales. Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dont bénéficient principalement les départements, seront "sans doute" – "avec l'octroi de mer" (une taxe perçue par les collectivités d'outre-mer) – "l'impôt le plus sensible à la conjoncture", a estimé Gérald Darmanin, lors de son audition par la commission des finances du Sénat sur le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) et le programme de stabilité pour 2020. "On est en train" de "travailler" sur le sujet, a-t-il confié.

"Sur les budgets annexes et, singulièrement, sur le versement transport [devenu versement mobilité, ndlr] ou les déchets, il peut y avoir des difficultés assez immédiates", a-t-il considéré aussi. Le ministre a estimé que l'impossibilité pour certaines entreprises de payer le versement transport et la chute des déplacements en transports en commun pouvaient créer des difficultés pour le secteur des transports publics. "Nous regardons ça de manière extrêmement rapprochée avec, notamment, France urbaine" et "nous serons capables de prendre des dispositions s'il le faut", a-t-il indiqué.

S'agissant des "impôts de production" - dont la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) fait partie - "il y aura sans doute des difficultés, mais pas immédiatement", car "ils sont payés avec un peu de décalage", a aussi indiqué Gérald Darmanin. De même, les régions ne connaîtront un "problème" qu'en "2021" avec la fraction de TVA qu'elles perçoivent. Elles ne ressentiront "pas avant au moins un an" la baisse de la TVA en 2020, que Bercy estime pour l'instant au total à 10 milliards d'euros. En sachant qu'après l'audition, le cabinet du secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics a rectifié : la part de TVA des régions sera en fait, affectée dès "2020", à la différence de la "TVA des autres collectivités" (départements et EPCI à fiscalité propre) qui, elle, sera impactée "en 2021" (puisque ce sera la première année de mise en œuvre de la réforme de la fiscalité locale). Gérald Darmanin a également rappelé que les régions bénéficient d'un système de "cliquet" en cas de recul des recettes de TVA : les montants qui leur sont versés une année ne peuvent être inférieurs à 4,1 milliards d’euros.

Des avances de fiscalité pour moins de dix collectivités

En revanche, la conjoncture ne devrait pas affecter l'évolution des "principaux" impôts locaux. En effet, "malgré la crise", l'Etat continue de "compenser" la taxe d'habitation. De plus, la taxe foncière sur les propriétés bâties n'est pas sensible "pour l'instant" aux difficultés.

A ce stade, Bercy estime que "pour l'année 2020, ce sont entre 7 et 10% du total des recettes des collectivités qui pourraient être, non pas supprimées, mais dégradées", a révélé le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics, également présent lors de la réunion. Cela signifie que ces recettes pourraient, "soit progresser moins rapidement que prévu", soit "connaître une légère érosion" (à l'exemple du versement mobilité, a précisé Olivier Dussopt).

Avec une trésorerie de 39 milliards d'euros actuellement, les collectivités locales "ont les moyens de faire face à ces difficultés", a jugé Gérald Darmanin. En reconnaissant qu'ici ou là, il y a "des exceptions". Pour celles qui "ont vraiment un problème de trésorerie", la Direction générale des finances publiques (DGFIP) peut consentir "des avances de fiscalité sur les douzièmes provisoires, ou des avances de dotations de DGF [dotation globale de fonctionnement]". Pour l'heure, "moins de dix" collectivités ont été obligées de recourir à ces solutions, selon le ministre. Dans une note de conjoncture qu'elle vient de mettre en ligne, la commission des finances du Sénat indique que ces collectivités seraient au nombre de quatre. Pour Gérald Darmanin, les choses sont plutôt claires : le secteur public local "n'est pas dans l'urgence absolue".