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Finances et fiscalité : l'AdCF appelle à "ne pas tout figer"

Au-delà de la défense du fait intercommunal à l'heure du projet de loi Engagement et proximité, la convention nationale de l'Assemblée des communautés de France (AdCF) qui s'est achevée ce 31 octobre à Nice a naturellement permis de réinterroger la réforme fiscale. Olivier Dussopt a à ce titre apporté des précisions intéressantes aux élus. Il s'agissait aussi d'esquisser les enjeux du prochain mandat. Parmi eux, l'association des habitants aux politiques intercommunales.

A l’occasion de leur 30e congrès, qui s'est tenu du 29 au 31 octobre à Nice, les présidents d'intercommunalité ont consacré une partie de leurs travaux à une urgence : celle de défendre l'intercommunalité contre les "coups de griffe" portés par les sénateurs lors de l'examen du projet de loi "Engagement et proximité" (lire notre article du 30 octobre). Pour les rassurer, le Premier ministre a effectué jeudi soir un voyage éclair sur la Riviera. Edouard Philippe a rappelé la ligne que s'est fixée le gouvernement : s'il faut donner "un peu de marge de manoeuvre et de liberté" aux maires, il "n'est pas question de détricoter l'intercommunalité". De quoi rassurer les 1.600 congressistes.

On le sait, l'autre question du moment concerne la réforme de la fiscalité locale. Sur ce dossier, les présidents d'intercommunalité ont là encore exprimé des craintes, notamment quant à la robustesse de la compensation et la dynamique des nouvelles ressources affectées aux communes et à leurs groupements. Présent ce jeudi matin, Olivier Dussopt, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics a assuré qu'ils ne seront pas lésés.

Pouvoir corriger le coefficient correcteur...

"Sur longue période", la TVA a évolué de 2,89% par an, a-t-il précisé. Soit un taux supérieur à l'évolution de la taxe d'habitation dont ont bénéficié en 2018 les EPCI à fiscalité propre (2,5 %). Parce que cet impôt "n'est pas territorialisé", sa dynamique profitera de manière identique à l'ensemble des intercommunalités, a-t-il aussi soutenu. Les territoires fragiles ayant aujourd'hui peu de marges de manœuvre sur la taxe foncière sur les propriétés bâties devraient donc apprécier.

Olivier Dussopt a par ailleurs fait assaut d'arguments en faveur du coefficient correcteur qui sera appliqué pour permettre une répartition équitable entre les communes de la part départementale de taxe sur le foncier bâti. Selon lui, le dispositif ne reproduit pas les défauts du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) mis en place lors de la suppression de la taxe professionnelle. Contrairement à ce dernier, qui est "figé dans le temps", le mécanisme inscrit dans le projet de loi de finances pour 2020 "tient compte a minima de l'évolution des valeurs locatives (…) de manière à ce que la compensation soit dynamique". Répondant à l'inquiétude d'un élu qui pointait la possibilité pour Bercy de prendre en mains le dispositif, Olivier Dussopt a assuré que les modalités de calcul du coefficient ne pourront être fixées que par le Parlement. Enfin, les collectivités qui auront recours à leur pouvoir de taux sur la taxe foncière "percevront la totalité de la recette induite". Le coefficient correcteur "ne s'appliquera que sur la première année de compensation et non sur la recette générée par une augmentation de taux", a expliqué le secrétaire d'Etat.

L'AdCF n'a pas été entièrement satisfaite. Tout en reconnaissant l'intérêt d'avoir "les règles du jeu" avant les élections municipales, Charles-Eric Lemaignen, premier vice-président de l'AdCF, a appelé à "ne pas tout figer". Il a demandé l'ouverture d'une fenêtre de discussions au printemps prochain entre le gouvernement et les associations d'élus locaux. Objectif : définir des modalités qui "faciliteront les relations entre les communes et les communautés". L'AdCF revendiquait le partage des nouvelles ressources (part départementale de la taxe foncière et TVA) entre les communes et les EPCI au prorata de leurs produits actuels de taxe d'habitation. Mais sur ce point, le gouvernement a d'ores et déjà adressé une fin de non-recevoir à l'association. L'option présentait deux défauts, selon le secrétaire d'Etat : "sa complexité et une forme de manque de lisibilité". Pour autant, lors d'une intervention devant la presse, il a assuré que le gouvernement sera "ouvert", en 2020, aux "propositions de modifications" sur la réforme. De quoi laisser un peu d'espoir à l'AdCF. Dans sa résolution générale, l'association formule le vœu que soit laissée la possibilité d’"ajuster la clef de partage" des nouvelles ressources affectées au bloc communal "dans le cadre des pactes financiers et fiscaux".

Une feuille de route pour le prochain mandat

Des évolutions seront également possibles sur l'autre gros dossier d'actualité en matière de finances locales : la contractualisation entre l'Etat et les grandes collectivités territoriales. Le gouvernement, qui prévoit de reconduire le dispositif, se dit prêt à discuter de certaines évolutions avec les associations d'élus locaux. Par exemple, ne doit-on pas prendre en compte les budgets annexes qui sont aujourd'hui tenus à l'écart ? Le secrétaire d'Etat a posé la question. En annonçant que les modifications devraient être inscrites dans un projet de loi de programmation des finances publiques, prévu pour le printemps prochain ("autour d'avril, mai, juin 2020").

Le représentant de Bercy a également voulu rassurer quant à la volonté du gouvernement de ne pas toucher aux impôts de production (voir notre article du 17 octobre), notamment la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Alors que le Medef fustige ces impôts qui, selon lui, pénaliseraient la compétitivité des entreprises françaises, "il n'est pas dans l'intention du gouvernement de [les] supprimer", a-t-il souligné.

Au-delà des questions d'actualité, les présidents d'intercommunalité ont eu à cœur, au fil de leur convention nationale, d'esquisser une feuille de route pour le prochain mandat. Signe qu'ils ont retenu les enseignements de la crise des "gilets jaunes", la participation des habitants à l'élaboration des politiques publiques y figure en bonne place.  L'élaboration des projets de territoires devra être "plus participative", a considéré Jean-Luc Rigaut, président de l'AdCF, dès l'ouverture. Une exhortation suivie du conseil de Frédéric Gilli, directeur associé de l'agence Grand Public, spécialisée dans la "coconstruction" des projets de territoire : la concertation prend tout son sens lorsqu'elle est effectuée "en amont", sur "les enjeux stratégiques". L'expert a appelé les élus à "chercher auprès des gens les questions qu'ils se posent", plutôt que de "chercher des solutions, puis de les présenter". Les élus ont réellement intérêt à prendre le temps de la concertation sur les projets de leur collectivité, a plaidé Frédéric Gilli. "Les projets plantés sont ceux dans lesquels il n'y a pas eu assez de discussions."

Les Français attendent des projets "concrets", "ambitieux" et construits avec eux, a souligné Emmanuelle Wargon, la secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire. Pour répondre à leur aspiration, pourquoi ne pas dupliquer à l'échelle locale la convention citoyenne pour le climat, formée de 150 personnes tirées au sort, qui planche sur des mesures permettant de lutter contre le réchauffement climatique ? C'est en tout cas la suggestion qu'a faite Emmanuelle Wargon. Il n'aura en revanche pas été question en tribune du fait que le projet de loi Engagement et proximité prévoit de rendre facultative la constitution d'un outil existant de démocratie participative, le conseil de développement.

Pour une contractualisation "globale"

Les élus ont aussi plaidé pour que l'intercommunalité soit "plus lisible" pour les citoyens. Pour y parvenir, ils ont appelé à l'organisation, d'ici les prochaines élections municipales, d'une "grande campagne de communication". Une proposition dont la ministre de la Cohésion des territoires a reconnu l'utilité, sans  toutefois promettre un soutien logistique ou financier de l'Etat.

Ce congrès a été aussi l'occasion pour les présidents de communautés et métropoles d'afficher leur ambition sur les politiques contractuelles avec l'Etat et les régions. "Nombre de programmes ont vocation à se territorialiser" à l'échelle de l'intercommunalité, a plaidé le président de l'AdCF. En rappelant que l'association appelle à une contractualisation "globale" entre l'Etat et les territoires. Cette perspective séduit le gouvernement. La ministre de la Cohésion des territoires a confirmé qu'elle engagerait des travaux sur le sujet dans les prochains mois, "en lien" avec la réflexion sur le projet de loi de décentralisation et la mise en place début 2020 de l'Agence nationale de la Cohésion des territoires (ANCT).

Les politiques du ministère en charge de l'Enseignement supérieur ont engagé le virage de la territorialisation, a pour sa part indiqué sa représentante, Frédérique Vidal, qui participait jeudi matin à une table ronde. Et la ministre n'était pas venue les mains vides. Avec le secrétaire général du Grand Plan à l'investissement, elle lancera en janvier prochain une nouvelle vague de "campus connectés", dans le cadre d'un appel à projets de 25 millions d'euros, sachant que le gouvernement vise la création à cette occasion d'une centaine de ces campus connectés (voir encadré ci-dessous).

25 millions d’euros pour une centaine de "campus connectés" d’ici 2022

Un nouvel appel à projets doté de 25 millions d’euros va être lancé afin de soutenir la création d’une centaine de nouveaux campus connectés, qui concerneront 4.000 étudiants, a fait savoir Frédérique Vidal lors de la convention de l'AdCF. De quoi compléter la première partie du plan Campus connecté qui avait été dévoilé le 3 mai (lire notre article ). Le plan prévoyait l’ouverture de 13 premiers "campus connectés" à la rentrée universitaire 2019. A l’époque, déjà, l'objectif annoncé était d'en créer 100 en quatre ans. Pour cette première vague, l’État avait annoncé une subvention d’amorçage de 50.000 euros et une dotation de 1.000 euros par étudiant pendant trois ans, soit un investissement de 1,5 million d’euros.
L'appel à projets évoqué le 31 octobre sera lancé à la fin de l'année et ouvert à toutes les collectivités qui souhaitent proposer un projet de campus connecté. “C'est un geste significatif du gouvernement afin de donner à chaque territoire, à chaque collectivité, à chaque agglomération des leviers pour former sa jeunesse et construire son avenir économique et industriel”, a souligné Frédérique Vidal.
Ce dispositif, destiné à des jeunes qui sans cela seraient privés d'études pour raisons financières ou qui souhaitent ne pas s'éloigner de leur famille, est déjà expérimenté depuis la rentrée dans 13 villes françaises*.  "L'objectif est d'empêcher que subsistent ou se créent de nouvelles barrières à la formation (...), avec un encadrement individualisé et sans être forcés à quitter leurs territoires d'origine", explique le ministère de l'Enseignement supérieur dans un communiqué. Les jeunes auront un emploi du temps et passeront les mêmes examens que les autres, qui donneront le même diplôme. Les contenus seront identiques aux cours dispensés en fac mais "avec une pédagogie adaptée" à l'enseignement à distance. Les formations proposées seront majoritairement des BTS, des licences de littérature, de droit, de langues étrangères, de mathématiques. Les droits d'inscription seront les mêmes que pour les autres étudiants de l'université qui fournit le contenu pédagogique. Les boursiers en sont exemptés, comme c'est le cas pour toute inscription universitaire.

VF

* les 13 premiers campus connectés sont situés entre autres à Saint-Brieuc, Redon, Bar-le-Duc, Cahors, Le Vigan, Carcassonne, Saint-Raphaël, Lons-le-Saunier, Autun…

 

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