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Coopération décentralisée et ESS : une dynamique à consolider

La dimension économique, et notamment l'économie sociale et solidaire, pourrait être davantage présente dans les projets de coopération internationale portés par les collectivités. À l'occasion de ses rencontres annuelles, le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire a mis en avant des partenariats jugés prometteurs pour les territoires engagés et pour progresser vers les objectifs de développement durable.

En présence de délégations du Cameroun, du Mali, du Sénégal, du Maroc, ou encore de la Corée, les huitièmes rencontres des collectivités autour de l’ESS ont eu lieu le 4 juillet à Nanterre sur le thème de la coopération et de la solidarité internationale. Organisée par le Réseau des territoires pour une économie solidaire (RTES) avec plusieurs partenaires dont l’Association internationale des maires francophones (AIMF) et Cités unies France, la matinée d’échange a permis de valoriser plusieurs démarches de coopération décentralisée dotées d’un volet ESS, décrites en détail dans une publication du RTES.

"Les ODD, c’est la décolonisation de nos esprits"

Un partenariat entre la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) et la ville de Porto-Novo (Bénin) a par exemple permis la réhabilitation des places vodùn faisant partie du patrimoine de Porto-Novo. "Le projet a boosté l’activité économique", a témoigné Rose-Marie Saint Germès Akar, conseillère déléguée à la fois à l’ESS et à la coopération décentralisée à la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise. Artisanat, création de commerces, d’activités de guides touristiques, distribution d’eau, formation au multimédia pour créer des supports de valorisation : autant d’activités qui ont été pensées et mises en place avec les habitants et acteurs du quartier. De l’avis de Rose-Marie Saint Germès Akar, le projet a été également bénéfique pour Cergy-Pontoise, notamment pour des jeunes venus dans ce cadre se former dans le chantier-école informatique auprès de jeunes Béninois et ayant trouver un emploi à leur retour en France. 
 
Dans ce type de projets, une forme de réciprocité est ainsi recherchée pour que les deux collectivités partenaires puissent chacune apprendre du partenariat, enrichir leurs propres pratiques et contribuer à leur mesure à l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD). "Les ODD sont une révolution, c’est la décolonisation de nos esprits : nos territoires sont en développement et nous avons à apprendre des autres", a estimé Tony Ben Lahoucine, président de la Conférence interrégionale des réseaux régionaux multi-acteurs (Cirrma). Dans le cadre de la future loi sur la politique française de développement (voir notre article du 22 janvier 2019), le Cirrma plaide pour faire sortir la coopération décentralisée du périmètre de hausse budgétaire de 1,2% imposée aux collectivités.

Développement de l'ESS et décentralisation : des défis en commun

L’engagement en faveur de la coopération décentralisée est plutôt en repli selon Henri Arévalo, élu à Ramonville-Saint-Agne (Haute-Garonne) et vice-président du RTES ; à noter que les chiffres de 2017 démontraient toutefois un certain rebond (voir notre article du 19 novembre 2018). Henri Arévalo a insisté sur le rôle que les collectivités locales pouvaient jouer dans les dynamiques de développement. "Animatrices du territoire, elles sont en posture de créer ou d’accompagner les initiatives citoyennes pour que les territoires se mettent en mouvement", a-t-il considéré. 
Un positionnement que les maires du Cameroun cherchent à renforcer, à l’heure d’un mouvement de décentralisation initié par le gouvernement. Fondé en 2016, le Réseau des maires du Cameroun pour l'économie sociale et solidaire (Remcess) réunirait déjà près de 200 des 360 maires du pays. Au Cameroun, le développement de l’ESS, la création d’emplois et l’affirmation des pouvoirs locaux sont ainsi perçus comme des défis communs. La création d’opportunités par des projets de coopération permettrait aussi de "maintenir sur place des habitants qui voulaient partir de territoires non viables", a observé Tobias Ndije Mveng, maire de Ngomedzap et président du Remcess. 

S'arrimer à la finance solidaire pour aller plus loin

Si ces partenariats produisent des effets dans la durée, leur pérennisation s’avère souvent difficile, notamment lorsque les majorités municipales changent. Cela a été le cas à Porto-Novo. "Le projet a été vécu comme une concurrence politique par la nouvelle équipe, ce qui a mis grandement en péril l'évolution de cette dynamique", a témoigné Rose-Marie Saint Germès Akar. "S’il manque la finance sociale et solidaire, tout ce que vous mettez en place ne se pérennise pas", a alerté Carlos de Freitas, conseiller spécial du fonds mondial pour le développement des villes. Selon lui, pour passer à la vitesse supérieure, "le lien entre ESS, finance et climat doit être travaillé davantage" et, pour cela, les élus sont invités à partager leurs expériences au niveau des instances de dialogue internationales.