Coopération transfrontalière : un rapport prône "une organisation plus efficace"

Les collectivités locales françaises sont très investies en matière de coopération transfrontalière. Mais elles avancent souvent "en ordre dispersé", déplore un rapport de l'inspection générale de l'administration qui vient d'être rendu public. Ce constat appellerait un "effort de coordination" entre les différents acteurs. Dont l'État, qui est invité à se mobiliser davantage.

Le "millefeuille territorial" limite l'efficacité des politiques de coopération transfrontalière initiées par les pouvoirs publics français, critique un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA), qui préconise "une meilleure articulation" des initiatives locales et un renforcement de la formation tant des élus locaux que des cadres de l'administration déconcentrée de l'État.

"Très investis" dans les projets transfrontaliers, les élus locaux français sont en compétition les uns avec les autres pour devenir "l’interlocuteur privilégié de la frontière", pointe le rapport (à télécharger ci-dessous), qui a été demandé en mars 2022 par le ministre en charge de la Cohésion des territoires d'alors, Joël Giraud. De fait, "chaque niveau de collectivité (…) tient à son positionnement spécifique et à l’outil [groupement européen d’intérêt économique, ou de coopération territoriale…] qui lui permet d’agir dans son champ de compétence propre".

Cette concurrence avivée par les "rivalités personnelles" qui existent parfois entre les élus serait l'une des "faiblesses" de la France en matière de coopération transfrontalière. "Le 'chacun pour soi' est extrêmement périlleux face à des États ou des collectivités étrangères mieux coordonnées", alerte le rapport. Lequel fait cependant remarquer que "la subtilité" de "l’organisation des pays voisins (…) n’a parfois rien à envier à la nôtre".

"Le simple maire ne sait plus à qui s’adresser"

Le paysage de la coopération transfrontalière ne ressemble donc pas vraiment à un jardin à la française. D'autant que, relève le rapport, "bien peu de thèmes transfrontaliers relèvent de la compétence d'un seul niveau de collectivité".

"L’évolution incessante de la répartition des compétences entre État, collectivités, autorités administratives telles que les diverses agences" est aussi pointée du doigt. Tout comme ses conséquences : "Le simple maire ne sait plus à qui s’adresser pour répondre à un besoin lié à la coopération transfrontalière". Il en irait de même de nos voisins européens désireux de trouver des partenaires publics en France.

Pour améliorer "l'articulation" et la "cohérence" des diverses initiatives locales, le rapport recommande d'étendre aux autres frontières le comité de coordination transfrontalier, présidé par le préfet de région, qu'a prévu le traité d'Aix-la-Chapelle pour la France et l'Allemagne.

Pour l'IGA, la solution se trouve aussi dans les "cadres souples qui favorisent un dialogue mieux structuré entre les différents échelons". Et ceux-ci existent déjà à travers les contrats de plan et les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) mis en place en 2021, le plus souvent à l'échelle des intercommunalités. C'est en effet par la voie contractuelle que peut être clarifiée la répartition des responsabilités, estiment les hauts fonctionnaires de l'État.

Cadres de l'État insuffisamment mobilisés et formés

Le manque d'expertise des élus des petites communes et communautés de communes sur les questions liées à la coopération transfrontalière est une autre limite soulevée par le rapport. Il préconise par conséquent de développer la formation des élus et fonctionnaires territoriaux et les échanges d'expérience et de bonnes pratiques sur ce sujet.

Par ailleurs, le rapport appelle l'État, et en particulier le préfet de région, à "s'investir" pleinement dans les questions de coopération transfrontalière. Ce que la plupart des élus locaux attendent. Les marges de progrès sont dans ce domaine très importantes. En effet, les préfets et sous-préfets font preuve d'une "relative impréparation" et leur fréquente mobilité n'arrange rien. Autre point noir : les services préfectoraux comportent de faibles effectifs dédiés à ces dossiers. La formation des préfets et sous-préfets avant toute affectation en département frontalier et l'organisation d'une réunion annuelle dédiée, qui verraient les préfets de département et les chefs de service déconcentrés autour du préfet de région, sont deux solutions simples mises en avant par le rapport. En outre, ses auteurs souhaitent qu'une réflexion soit lancée sur une éventuelle localisation des 13 conseillers diplomatiques auprès des préfets de région dans des préfectures proches de la frontière (par exemple à Pau, plutôt qu'à Bordeaux).

À l'échelon des administrations centrales de l'État, il est nécessaire de créer "un vrai pilotage interministériel des questions transfrontalières", avec au minimum une réunion interministérielle par an sur le sujet, préconise l'IGA. Elle recommande par ailleurs que soit préparée une convention-cadre pluriannuelle précisant les objectifs de la mission opérationnelle transfrontalière (MOT). Créé il y a 25 ans par l'État, le principal opérateur technique de la coopération transfrontalière en France compte parmi ses membres de nombreuses collectivités.

En métropole, 22 départements regroupant plus de 20% de la population ont des frontières terrestres avec un État voisin.