Cour des comptes : l'immobilier préfectoral doit rejoindre le patrimoine de l’État

Une part majoritaire des locaux occupés par les services préfectoraux est la propriété des conseils départementaux. La Cour des comptes plaide pour qu'au gré des opportunités, les immeubles en question soient intégrés au patrimoine "plein et entier" de l'État.

Dans de nombreux chefs-lieux de département (Lille, Melun, Besançon…), les services préfectoraux sont localisés à proximité directe des services du conseil départemental, voire sous le même toit. Héritée de l'histoire politico-administrative de notre pays, cette "cohabitation" des deux institutions fait partie du paysage. Le statut de la majorité de ces bâtiments préfectoraux est beaucoup moins connu : les conseils départementaux, qui en sont propriétaires, les mettent gratuitement à la disposition de l'État. Ce dernier prend à sa charge les travaux d'entretien et de grosses réparations. Des conventions, conclues en 1982, précisent les surfaces affectées à chaque entité et la répartition des charges liées à l'entretien des parties communes. Cette situation concerne plus de 930.000 m², soit 58% de la surface du parc immobilier préfectoral (bureaux, locaux techniques…).

Retour dans le giron de l'État

C'est ce "statut complexe" que la Cour des comptes évoque dans un rapport sur la gestion de l'immobilier préfectoral, qu'elle vient de rendre public. Un document au ton critique. Pour cause : malgré les évolutions des surfaces occupées respectivement par les services préfectoraux et les services départementaux, les conventions ont rarement été révisées. Leur mise à jour serait "le préalable indispensable à une plus grande responsabilisation des gestionnaires", juge la Rue Cambon. Qui entend aussi "rendre obligatoire un pilotage régulier, au moins annuel" de ces conventions.

Au-delà, les magistrats préconisent d'"étudier l’opportunité et les modalités (…) d’une intégration dans le patrimoine de l’État des bâtiments dont il a l’usage". Selon eux, cette évolution ne devrait pas concerner l'ensemble du parc immobilier des préfectures, mais plutôt "certains biens", "à la faveur des projets des conseils départementaux et des évolutions éventuelles des marchés locaux de l’immobilier". Ainsi, la renégociation devrait être étudiée "au cas par cas, en fonction des situations locales".

Expérimentation pour les locaux des sous-préfectures

Pour la Cour, la "reprise des locaux des sous-préfectures dans le patrimoine plein et entier de l’État" serait plus simple à effectuer que celle des préfectures. Elle recommande donc de lancer une "première expérimentation" qui concernerait les bâtiments des sous-préfectures, lorsque ceux-ci sont mis à disposition.

Selon le rapport, le ministère de l’Intérieur "se montre très réservé" sur la question de la mise à jour des conventions de mise à disposition. La Place Beauvau redouterait les "conséquences politiques et financières" d'une telle option. Le ministère estime que la remise en cause de la mise à disposition des locaux du réseau préfectoral par les conseils départementaux n'est possible "qu’avec des collectivités volontaires et pour un montant symbolique".

  • "Décohabitation" à Rennes

À Rennes, les recommandations de la Rue Cambon ont en quelque sorte déjà été mises en pratique. En septembre dernier, 360 agents de la préfecture d’Ille-et-Vilaine ont emménagé dans un immeuble neuf, selon le rapport. L'expérience a valeur d'illustration. Jusque-là, les services préfectoraux étaient installés dans un immeuble appartenant au conseil départemental, et dans lequel celui-ci accueillait certains de ses services. Construit dans les années 1970, le bâtiment était vétuste et son adaptation difficile. De plus, la mise à disposition "était présentée comme défavorable à l'État". Le projet de construction d'une nouvelle préfecture a concordé avec le souhait du conseil départemental de "récupérer les espaces mis à disposition afin d’engager une vaste rénovation et y accueillir ses propres services". À l'occasion de cette opération, le département a versé à l'État une soulte de 3,5 millions d'euros, soit la contrepartie des "charges d’entretien de fonctionnement assumées par l’État durant la période de mise à disposition".