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Covid-19 et fonds de cohésion : comment vont être réalloués les 37 milliards d'euros promis par la Commission ?

Le Coreper a validé le deuxième volet du plan de réallocation de 37 milliards de fonds de la politique de cohésion pour lutter contre les conséquences du Covid-19. Une enveloppe qui reste toutefois théorique et qu'il n'est pas aisé de mobiliser dans l'urgence, en dépit des assouplissements certains décidés par l'Union européenne. Des difficultés qui, fort heureusement, n'entravent pas l'action des régions, autorités de gestion des programmes Feder et FSE régionaux.

Sans surprise et sans modification – c'était la règle, afin de ne pas perdre de temps – le Coreper (comité des représentants permanents) a validé ce 8 avril le deuxième étage du plan de réallocation des fonds de la politique de cohésion proposé par la Commission pour lutter contre les conséquences du coronavirus (baptisée Initiative d'investissement en réaction au coronavirus Plus ou CRII+). Ce nouveau volet vise – entre autres mesures (voir notre article) – à faciliter la réorientation de 37 milliards d'euros de fonds structurels (Feder, FSE, IEJ et fonds de cohésion) encore disponibles dans les programmes 2014-2020, adoptée dans le cadre du premier volet de ce plan (Initiative d'investissement en réaction au coronavirus ou CRII – voir notre article).

Pour mémoire, ces 37 milliards se décomposent en 8 milliards de liquidités dégagés des préfinancements non dépensés et en 29 milliards d'euros correspondant à des crédits non encore affectés. Pour la France, l'enveloppe atteint en théorie 650 millions d'euros : 312 millions d'euros de préfinancements et 338 millions d'euros de fonds encore disponibles. En théorie.

Préfinancements : un simple prêt à taux zéro

S'agissant des 312 millions de préfinancements, "concrètement, il s'agit d'un prêt à taux zéro pendant quatre ans", décrypte Philippe Cichowlaz, chef du pôle Politique de cohésion européenne au sein de l'Agence nationale de cohésion des territoires, à l'œuvre aux côtés des régions – autorités de gestion en France des programmes Feder-FSE régionaux – pour mobiliser ces fonds. "Au lieu d'être reversés à la Commission d'ici la fin du mois de juin comme initialement prévu, ils devront l'être d'ici juin 2024", explique-t-il. Si la mesure n'est pas neutre, sa mobilisation paraît cependant d'autant moins certaine que le CRII+ permet désormais un taux de cofinancement des actions de 100% pour les fonds Feder. Une solution qui pourrait être in fine privilégiée.

Programmes non dépensés : quelle enveloppe réellement disponible ?

Du côté des programmes non dépensés, encore faut-il que subsistent effectivement des fonds disponibles. "Au 31 décembre dernier, le taux de consommation en France était de 91% pour les fonds Feder et de 93% pour les FSE. Cela ne signifie pourtant pas qu'il reste respectivement 9 et 7% de fonds disponibles", avertit Philippe Cichowlaz, qui poursuit la démonstration : "En effet, ces chiffres ne renseignent pas sur une éventuelle surprogrammation, ne tiennent pas compte des dossiers en cours mais non encore programmés ou, à l'inverse, des projets qui ne verront finalement pas le jour du fait de la crise. Sans compter que les taux de consommation sont très différents d'un programme à l'autre." Dit autrement, l'enveloppe pourrait être bien moins conséquente que les 338 millions annoncés. Pour la connaître, les autorités doivent se livrer à une recension fine de l'état des différents dossiers. Un véritable travail d'apothicaire, peu compatible avec l'urgence de la situation. "De manière générale, urgence et fonds européens sont antinomiques ; le maniement de ces derniers ne tolère pas l'erreur", pointe Philippe Cichowlaz, qui souligne néanmoins les efforts importants conduits par la Commission pour simplifier les procédures pendant la crise, particulièrement en matière de marchés publics [JOUE C108I] et d'aides d'État [JOUE C112I]. Ce 8 avril, la Commission a également temporairement assoupli ses critères d'appréciation des pratiques anticoncurrentielles (JOUE C116I).

De multiples interrogations…

Une demande de simplification qui était d'ailleurs à l'origine de ce CRII+, comme le souligne un mémo de l'Association française du Conseil des communes et régions d'Europe mettant en relief le lobbying conduit notamment par le président de Régions de France, Renaud Muselier. Pour autant, les incertitudes sont légion. "Les États membres ont depuis adressé plus de 300 questions à la Commission. Pour y faire face, cette dernière a mis en place une task force chargée d'apporter des réponses réglementaires, qui ont déjà permis de lever de nombreuses interrogations", révèle Philippe Cichowlaz. Parmi elles, il en est une propre à la France, qui tient au redécoupage des régions : si l'Alsace a consommé tout son programme, pourrait-elle par exemple bénéficier de ceux non utilisés par la Champagne-Ardenne ou la Lorraine ? Pour l'heure, le doute demeure.

… qui n'entravent pas l'action

Autant de difficultés qui n'entravent fort heureusement pas l'action. Les régions multiplient les initiatives, que cela soit pour répondre à la crise sanitaire – en se rapprochant notamment des agences régionales de santé – ou économique, le cumul étant possible, par exemple en aidant une entreprise à transformer ses chaînes de production pour fabriquer des respirateurs. "Plus de 65 millions de masques ont été commandés [au 7 avril] par nos 18 régions", fait valoir Régions de France, pour un budget estimé à plus de 40 millions d'euros. 
"Elles verront dans un second temps si elles les financeront via leur budget propre ou les fonds de cohésion, la Commission permettant de prendre en compte des mesures rétroactivement. Ce n'est somme toute qu'une question de stratégie budgétaire", souligne Philippe Cichowlaz. Dans tous les cas, il est d'ores et déjà certain que les différentes actions dépasseront largement les 650 millions évoqués. Toujours d'après Régions de France, "plus d’un milliard d’euros ont d’ores et déjà mobilisé en propre par les régions au profit des acteurs économiques sur tous les territoires" dans le cadre de la crise.

Référence : proposition de règlement CRII+
 

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