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Covid-19 : la Commission propose un nouveau train de mesures

La Commission européenne vient de proposer un nouveau train de mesures tous azimuts. Parmi elles, un nouvel instrument financier visant à aider les États à financer les dispositifs de chômage partiel, un assouplissement des conditions de recours aux fonds structurels et d'investissement ou encore de nouveaux moyens pour les systèmes de santé.

Si la Commission européenne n'est pas parvenue à coordonner en amont les actions des 27 face à la crise sanitaire, mais seulement à en atténuer les méfaits – au point de s'en excuser* –, elle se démène en aval pour faciliter et appuyer leurs actions d'urgence. "Nous avons mis en place le cadre d'aides d'État le plus flexible de tous les temps. C'est sans précédent. Et nous avons déclenché pour la toute première fois la clause d'échappement générale, qui a permis une injection massive de liquidités dans l'économie européenne", a souligné ce 2 avril la présidente de la Commission, Ursula von der Layen, en présentant un nouveau train de mesures, tous azimuts.

Sure, nouvel instrument au soutien des dispositifs de chômage partiel 

Afin d'éviter les licenciements – et permettre non seulement aux salariés de maintenir leurs revenus, mais aussi aux entreprises de conserver leur main-d'œuvre afin d'être opérationnelles "lorsque l'économie mondiale redémarrera" –, la Commission a proposé un nouvel instrument de solidarité, baptisé Sure (Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency, en français : Soutien pour atténuer les risques de chômage en cas d'urgence), destiné à aider les États membres à couvrir les coûts liés à la création ou à l'extension de dispositifs nationaux de chômage partiel.

Concrètement, la Commission emprunterait sur les marchés financiers pour financer les prêts – jusqu’à 100 milliards d'euros – qu'elle accorderait ensuite aux États membres à des conditions favorables. Ces prêts seront adossés à un système de garanties volontaires fournies par les États membres et engagées auprès de l'UE. Petit bémol : l'instrument ne commencerait à fonctionner qu'une fois que tous les États membres auront souscrit à ces garanties, qui devront atteindre un montant minimum de 25 milliards d'euros (25% du montant maximum). À noter également qu'aucune pré-allocation par État membre n'est prévue.

Soutien aux secteurs de santé

La Commission a également présenté un projet de budget rectificatif, dans lequel elle propose de réorienter une partie des dépenses de l'Union de l'année, afin d'affecter :
- 300 millions d'euros à la réserve de matériel médical rescUE – afin d'acquérir et de distribuer des équipements médicaux supplémentaires dans l'ensemble de l'UE – qui viendraient s'ajouter aux 80 millions d'euros déjà alloués le mois dernier ;
- 2,7 milliards d'euros directement à l'instrument d'aide d'urgence de l'Union, par ailleurs modifié afin de pouvoir être utilisé dans le contexte de la pandémie de coronavirus (voir notre article).

Une proposition d'autant plus bienvenue que sept capitales européennes – dont Paris – viennent dans un communiqué d'appeler "solennellement [leurs] gouvernements et les institutions européennes à tout mettre en œuvre, sans délais, pour mobiliser les moyens de production et de distribution nécessaires et disponibles pour mettre à disposition tous les équipements de protection dont nos soignants ont impérativement besoin (masques, lunettes, blouses..), le matériel médical qui manque aux services de réanimation, les médicaments et traitements nécessaires".

Faciliter les transferts entre les fonds de cohésion

Après un premier train de mesures de 37 milliards d'euros (voir notre article), la Commission entend à nouveau renforcer la flexibilité des fonds structurels et d'investissement européens afin de les mobiliser plus facilement. 

La Commission propose ainsi d'autoriser les États membres à transférer leurs ressources disponibles pour la programmation relative à l'objectif "Investissement pour la croissance et l'emploi" entre les trois fonds de la politique de cohésion (Feder, FSE et fonds de cohésion). Elle autoriserait également les transferts entre les différentes catégories de régions, à condition de ne pas entraver les investissements essentiels dans la région d'origine ni d'empêcher l'achèvement d'opérations sélectionnées antérieurement (ces transferts sont limités aujourd'hui à 3% des fonds alloués). 

Les États membres ne seront en outre plus tenus par les exigences de concentration thématique, afin de permettre une réorientation des ressources vers les domaines les plus touchés par la crise. La Commission propose également un taux de cofinancement de l'Union de 100% pour les programmes relevant de la politique de cohésion pour l'exercice financier 2020-2021 (sous réserve de l'approbation de la Commission). 

Simplification des procédures

Le tout en simplifiant les étapes de la procédure liées à la mise en œuvre des programmes, à l'utilisation des instruments financiers et à l'audit.

Ainsi, les États membres n'auront pas à modifier les accords de partenariat des Fesi conclus pour la période 2014-2020 en vue de modifier leurs programmes de développement rural, ce qui allégera certaines procédures administratives pour les États membres.

Par ailleurs, les agriculteurs et autres bénéficiaires ruraux pourront bénéficier de prêts ou de garanties pouvant aller jusqu'à 200.000 euros à des conditions favorables, telles que des taux d'intérêt très bas ou des échéanciers de paiements au titre du Feader. De même, les fonds de développement rural pourront être utilisés pour investir dans des installations médicales et des infrastructures à petite échelle dans les zones rurales, telles que l'adaptation de centres de santé afin de pouvoir traiter un nombre croissant de patients ou la mise en place d'installations de santé mobiles pour effectuer des tests et fournir des traitements aux agriculteurs et habitants des zones rurales (voir notre article).

Les États membres seront autorisés à réaffecter les fonds inutilisés dans le cadre de leurs programmes de développement rural (PDR), plutôt que de les renvoyer au budget de l'Union. Ces fonds devront toujours être utilisés dans le cadre des PDR respectifs.

Le Feamp bénéficierait lui-aussi d'une procédure simplifiée, et serait modifié afin de permettre de soutenir pêcheurs et aquaculteurs contraints de suspendre ou de réduire leur activité ainsi que les organisations de producteurs pour le stockage temporaire de la pêche et de l'aquaculture. 

Par ailleurs, les règles applicables au fonds européen d'aide aux plus démunis (Fead) seraient elles aussi revues afin de permettre une aide alimentaire et une assistance matérielle de base au moyen de bons électroniques et de fournir des équipements de protection, le tout dans le but de réduire les risques de contamination. Du jamais vu ! De quoi donner un sérieux au coup de vieux aux classiques programmes de simplification (Refit et autres)… 

* Dans une lettre publiée au quotidien italien La Repubblica le 1er avril et intitulée "Désolé, maintenant l'UE est avec vous", Ursula von der Leyen écrit : "Aujourd'hui, l'Europe se mobilise aux côtés de l'Italie. Malheureusement, cela n'a pas toujours été le cas. Il faut reconnaître qu'au début de la crise, face à la nécessité d'une réponse européenne commune, trop de gens n'ont pensé qu'à leurs propres problèmes domestiques. Ils ne se rendaient pas compte que nous ne pouvions vaincre cette pandémie qu'ensemble, en tant qu'Union." Avant de plaider sa cause : "Nous avons fait tout notre possible pour amener les pays européens à penser en équipe et assurer une réponse coordonnée à un problème commun. Et nous avons vu plus de solidarité ici en Europe que partout ailleurs dans le monde."