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Crise des "gilets jaunes" : des maires veulent organiser la concertation avec les citoyens

Sans attendre le grand débat de trois mois voulu par l'exécutif pour trouver des réponses aux revendications des "gilets jaunes", des maires se sont dit prêts à organiser le dialogue avec les citoyens en colère, dès ce samedi 8 décembre. Alors que le moratoire sur la fiscalité écologique doit finalement s'appliquer pour toute l'année 2019, Edouard Philippe a affiché son ouverture à des mesures supplémentaires en faveur des bas salaires devant le Sénat ce 6 décembre.

Avant la nouvelle journée de mobilisation des "gilets jaunes" samedi 8 décembre, des maires tentent d'organiser le dialogue avec les citoyens en colère en leur ouvrant leurs mairies, et ont appelé à l'apaisement ce jeudi. "Le temps du dialogue et de l'échange est venu. Tout le monde doit y prendre part", estime l'Association des maires de France (AMF) dans un communiqué. Elle a demandé aux élus de relayer dans toutes les communes "un appel au calme, au dialogue et à l'arrêt des violences".

Appel à ouvrir les mairies samedi

La crise actuelle fait écho aux critiques sur l'abandon des territoires et l'absence de concertation que les élus locaux expriment depuis le début du quinquennat. Confrontés au mécontentement des Français, en particulier dans les territoires ruraux et les petites communes, les maires veulent favoriser la concertation locale et participer à la prise de décisions. L'Association des maires ruraux (AMRF) et celle des petites villes de France (APVF) ont ainsi demandé à leurs élus d'ouvrir leurs mairies samedi, pour permettre à chacun "d'exprimer verbalement" sa colère.
Face à "la surdité" de ceux qui gouvernent, le rôle du maire et du conseil municipal sera samedi "d'écouter, d'enregistrer et de faire remonter l'information, sans prendre parti, sans juger, sans contredire..." "Charge ensuite à l'Etat de récolter, d'écouter et de synthétiser les remontées", précisent les deux associations qui regroupent environ 11.000 maires.
Aux réseaux sociaux "qui excluent et attisent les tensions", les maires veulent opposer "le contact humain" en utilisant "la proximité des mairies pour déboucher la surdité de nos gouvernants". Les associations invitent notamment les élus à faciliter "l'expression de celles et ceux qui sont empêchés (exclusion numérique, analphabétisme, etc)". Une synthèse départementale des "doléances et propositions" devrait, selon elles, être ensuite diffusée "au gouvernement, au Parlement et aux médias".

"Cahier de doléances" à Saint-Etienne

Dans les grandes villes, le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau (LR) a également décidé d'ouvrir à partir de lundi "une consultation citoyenne" dans sa mairie, sous la forme d'un "cahier de doléances", et appelé tous ses collègues à faire de même. "Ancrés dans les préoccupations quotidiennes de leurs administrés", les maires sont seuls capables "de renouer le dialogue et de rétablir le lien avec les Français", écrit-il dans un communiqué.
Plutôt bienveillante à l'égard de l'exécutif, Villes de France, qui regroupe les villes moyennes, a appelé pour sa part à ce que les décisions du gouvernement soient "prises en étroite collaboration avec les maires", "puisqu’ils restent les élus auxquels les Français font le plus confiance".

Modalités du grand débat voulu par l'exécutif

Le gouvernement entend quant à lui organiser un grand débat pour trouver des réponses aux revendications des "gilets jaunes". Edouard Philippe en a précisé les modalités lors du débat sur la fiscalité écologique ce 5 décembre à l'Assemblée nationale. L'organisation de ce débat, qui doit durer du 15 décembre 2018 au 1er mars 2019 sera confiée à l'ancienne secrétaire d'Etat à l'écologie Chantal Jouanno qui préside aujourd'hui la Commission nationale du débat public (CNDP). Un "comité de garants constitué de personnalités d’horizons divers", "superviseront le bon déroulement" du débat. Le Premier ministre a appelé à un "débat de qualité" dont il souhaite assumer "le foisonnement" et qui sera à la fois "national et local", "institutionnel et informel". Il devra permettre "d’identifier les mesures d’accompagnement les plus justes et les plus efficaces" en matière de transition écologique.
L’un des principaux sujets débattus à partir de la mi-décembre sera selon lui "le rythme de la transition écologique". Cette dernière "reste un impératif", assure le Premier ministre. "Nous devons améliorer la qualité de l’air dans nos villes, nous devons nous adapter au changement climatique, nous devons même prendre des mesures qui préviennent ce changement climatique."

Moratoire sur la fiscalité écologique étendu à un an

Auditionné ce 6 décembre par les commissions des affaires économiques et du développement durable de l'Assemblée nationale sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), François de Rugy est également revenu sur la crise des "gilets jaunes" et sur le grand débat local à venir. "Nous souhaitons que tout le monde s'implique, il ne faut pas que ce soit trop institutionnel sinon ce sont toujours les mêmes qui participent. Il faut que les sujets soient ouverts", a dit le ministre de la Transition écologique et solidaire.
Il a aussi commenté le moratoire de six mois sur plusieurs mesures de fiscalité écologique annoncé par Edouard Philippe le 4 décembre, qui a finalement été allongé à un an le 5 décembre. "Ce n'est pas facile de gérer tout cela dans la situation qui est celle de la France. Nous prenons nos responsabilités. Il n'y a pas de hausse prévue en 2019. Pour la suite, nous verrons une fois que l'apaisement sera venu (…). Notre pays n'a rien à gagner à vivre de façon insurrectionnelle. Nous verrons ce qui émerge des débats, je serai preneur de toutes les suggestions. Notre politique, ce n'est pas la politique de l'immobilisme et du statu quo." Du fait du moratoire, qui devrait coûter environ 4 milliards d'euros à l'Etat, "il y aura des recettes en moins pour les collectivités pour financer des projets", a encore précisé le ministre.

Vers des mesures supplémentaires pour les bas salaires

En ouvrant le débat devant le Sénat ce 6 décembre sur les mesures d'urgence prises par l'exécutif pour répondre aux "gilets jaunes", Edouard Philippe a affiché son ouverture à des mesures supplémentaires pour les bas salaires. "Je suis prêt à examiner toutes les mesures qui permettraient d'augmenter les rémunérations au niveau du Smic sans pénaliser excessivement la compétitivité de nos entreprises", a déclaré le Premier ministre. Le Premier ministre a confirmé la hausse du Smic de 1,8% au 1er janvier et la hausse de 30 euros au 1er avril de la prime d'activité pour les bas salaires. Ainsi que la future suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, prévues pour septembre 2019, mais dont certains dans la majorité veulent avancer le calendrier.
Edouard Philippe a par ailleurs confirmé avoir demandé à ses ministres Muriel Pénicaud (Travail), Jacqueline Gourault (Collectivités) et Elisabeth Borne (Transports) de conduire une "concertation" avec les organisations syndicales et les élus afin de trouver des "solutions" supplémentaires pour les trajets domicile/travail. Parmi les pistes sur la table, l'exécutif envisage également une prime de fin d'année versée par les entreprises à leurs salariés, qui serait défiscalisée.

 

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