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David Lisnard élu à la tête de l'Association des maires de France

Arrivé en tête face à la liste conduite par Philippe Laurent, David Lisnard devient président de l'Association des maires de France (AMF). Aux côtés de son colistier, André Laignel - qui demeure premier vice-président de l'association -, le maire de Cannes a d'emblée posé ses premiers jalons.

L'Association des maires de France a un nouveau président, dont le nom a été dévoilé ce mercredi 17 novembre dans le cadre du 103e Congrès des maires. C'est désormais David Lisnard qui présidera l'association. Le maire de Cannes a été élu avec 62,3% des voix. Soit 6.913 voix sur les 11.577 votants, contre 4.160 pour le maire de Sceaux, Philippe Laurent. En notant au passage que les deux tiers des 34.155 maires habilités à voter n'ont pas pris part au vote, malgré la possibilité d'un vote à distance, par internet (les maires, pas toujours exemplaires en termes de participation ?).
Outre la présidence, le scrutin qui s'est déroulé entre mardi et mercredi devait aussi permettre de renouveler le bureau et le comité directeur de l'AMF. Sur les 36 membres du bureau (élus au suffrage proportionnel selon la règle de la plus forte moyenne), 23 maires figuraient sur la liste de David Lisnard, liste intitulée sans ambiguïté "Union soutenue par François Baroin", qui a obtenu 63,76% des voix. Et 13 autres maires qui siégeront au bureau faisaient partie de la liste "Avec Philippe Laurent, une équipe au service de tous les maires" (36,24 % des voix).
Quant aux 100 membres du comité directeur, ils se répartissent entre 63 élus rangés derrière David Lisnard (sur une liste cette fois dénommée "Une AMF rassemblée et dynamisée avec David Lisnard et André Laignel") et 37 élus proches de Philippe Laurent.

Tandem

La victoire de David Lisnard est aussi celle d'André Laignel, l'indéboulonnable numéro deux de l'association, la liste s'étant dès le départ affichée comme celle d'un binôme LR-PS. Dès la proclamation du résultat, le maire de Cannes a d'ailleurs confirmé qu'il proposera ce jeudi le nom du maire d'Issoudun à la première vice-présidence.
Face à ce tandem, la candidature du maire UDI de Sceaux et secrétaire général sortant de l'AMF avait souvent été présentée comme celle d'un centriste plus enclin à dialoguer avec la majorité présidentielle, une image renforcée par la présence d'élus "macronistes" sur sa liste.
David Lisnard n'avait pas le soutien unanime de sa famille politique, à l'image de Renaud Muselier, le président de la région Paca, qui avait appelé les maires à voter pour Philippe Laurent, lequel comptait d'ailleurs d'autres élus LR sur sa liste, tel que le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau. À gauche, la liste Lisnard-Laignel avait globalement le soutien du PS, à l'exception du maire du Mans, Stéphane le Foll.

"Indépendance"

Ces dernières semaines, on a beaucoup parlé des deux listes – on ne saurait parler de deux camps – comme reflétant deux manières d'appréhender les relations avec l'exécutif. Mais dans les faits, c'est bien des deux côtés que l'on a mis en avant sa volonté de garantir "indépendance" de l'AMF.
Philippe Laurent, qui aurait réalisé un score supérieur aux attentes, a souhaité "bonne chance" et adressé ses félicitations au nouveau président de l'AMF, tout en exprimant auprès de l'AFP sa "déception" quant au taux de participation. Et a réaffirmé sa volonté de "garantir le respect de l’esprit de l’AMF : une association pluraliste, indépendante, utile et efficace pour chacune et chacun des maires de France".
Élu pour trois ans, le maire de Cannes s'est pour sa part engagé dès sa première allocution à être… "le garant de l'indépendance de l'AMF". David Lisnard et André Laignel ont dans la foulée tenu une conférence de presse pour dessiner la ligne qui sera la leur lors des prochaines années à la tête de l'AMF : "Plus que jamais libre et indépendante", l'Association des maires de France (AMF) continuera à défendre la nécessité d'une décentralisation plus grande, notamment au sein de Territoires unis, l'alliance avec Régions de France et l'Assemblée des départements de France.
"La France a besoin d'un nouveau souffle en matière de démocratie, et en particulier en matière de démocratie locale", a déclaré le premier vice-président de l'association et maire d'Issoudun. "Nous serons, a-t-il poursuivi, les porteurs de cette volonté d'aération de la démocratie, de cette volonté de mieux prendre en compte ce que nos concitoyens attendent."

Avec l'exécutif, des relations en progrès

Plus tard, dans une déclaration écrite, le maire de Cannes a mentionné, parmi ses priorités, "la nécessité d’une grande loi de décentralisation au service des libertés locales et du principe de subsidiarité". Mais son premier chantier sera d'"essayer de mieux faire entendre la voix des maires, notamment les maires de la ruralité dans l'élaboration des textes d'organisation des pouvoirs publics, qu'ils soient législatifs ou réglementaires", a-t-il révélé devant la presse.
Invité à commenter les relations des maires avec le pouvoir exécutif depuis le début du quinquennat, David Lisnard a jugé qu'elles étaient en progrès depuis la crise des "gilets jaunes". Celle-ci a marqué une étape : "Il y a eu (…), au moins dans les mots, et dans certaines dispositions, une volonté de mieux respecter les communes." Mais le pouvoir exécutif actuel demeure d'essence jacobine, selon le nouveau président de l'AMF : "Les textes de lois, y compris [le projet de loi] 3DS sont une somme de dispositions 'patchwork' dont certaines vont dans le bons sens (…), mais dont d'autres marquent une recentralisation et, dans cette hypothèse, ne correspondent pas au souffle décentralisateur dont notre pays a besoin", a-t-il critiqué.

"Le chef de l'État sera accueilli avec respect"

"Le rôle de l'AMF, a-t-il dit, est d'être vigilante, de défendre la liberté communale et d'être un partenaire loyal de l'État, quel que soit le président de la République." Mais "la condition de la loyauté, c'est la liberté", a complété David Lisnard. Le président de la République, qui doit prononcer devant les maires une allocution lors de la clôture du congrès, jeudi après-midi, sera accueilli "avec respect" et "le souci du respect mutuel et réciproque", a encore indiqué le président de l'AMF.
David Lisnard s'est aussi attaché à défendre l'unité de l'AMF. "Notre association est bien celle de tous les maires de France", a-t-il souligné. Philippe Laurent avait lui aussi, dans un communiqué, mis en avant "l'esprit de rassemblement" qui sera le sien dans ses futures fonctions à l'AMF.
Deux associations d'élus liées au bloc local ont félicité le nouveau président dès mercredi soir : Intercommunalités de France (ADCF), dont le président, Sébastien Martin, a fait part de son souhait "d’un travail en bonne intelligence" avec l'AMF, "au service des intérêts des élus municipaux et intercommunaux, et de leurs équipes" ; et France urbaine qui, "refusant les discours d’opposition stérile entre urbains et ruraux au sein des bassins de vie", appelle elle aussi à "renforcer les coopérations" avec l’AMF, "au service de l'action publique dans tous les territoires".

  • Qui est David Lisnard ?

Le maire Les Républicains de Cannes, David Lisnard, est un libéral accompli qui s'est bâti une réputation d'élu énergique. L'élu de 52 ans se revendique comme un héritier de l'ancien maire RPR de Lons-le-Saunier Jacques Pélissard, qui a présidé l'association de 2004 à 2014 et avec lequel il a fait ses premières armes comme directeur de cabinet entre 1996 et 1999.
Au cours de sa campagne, l'élu de Cannes a reçu les critiques les plus virulentes de la part de son propre camp, à l'image de Renaud Muselier, le président de sa région, qui l'a accusé "d'être niché dans son palais des Festivals" et de ne pas comprendre les problèmes quotidiens des maires.
Contempteur de la "folie bureaucratique française", cet ancien porte-parole du candidat François Fillon passait au printemps pour l'un des possibles prétendants à l'investiture de la droite pour la présidentielle de 2022 sur une ligne libérale et conservatrice.
Réélu en 2020 avec 88% des voix, il dirige Cannes depuis 2014, après en avoir été le premier adjoint (2008-2014) et l'adjoint au tourisme (2001-2008) dans l'équipe du sénateur LR et ancien publicitaire Bernard Brochand. "Un village monde", aime à dire David Lisnard de sa ville de 75.000 habitants au rayonnement international, où sa famille paternelle est enracinée depuis quatre générations.
Durant la crise, David Lisnard s'est fait remarquer en critiquant l'enchaînement de consignes sanitaires changeantes. Quand la seule libraire indépendante de Cannes a bravé le deuxième confinement en novembre 2020, il est allé acheter un livre en soutien, et quand la vaccination a démarré, il a fait polémique en anticipant sur les consignes gouvernementales pour accélérer le mouvement dans sa ville. Il avait aussi mis en avant les conséquences économiques et particulières de la crise pour un territoire tel que le sien tourné vers le tourisme et l'accueil d'événements internationaux (voir notre interview du 27 novembre, en encadré).
Ce plaidoyer pour une administration moins omniprésente et recentrée sur ses vraies missions, couplé à une image moderne, un discours anti-immigration et un éloge de la culture comme axe politique pour refonder le vivre ensemble, lui a valu de nouvelles sympathies à droite et de nombreux passages médias.
De formation classique - droit, Sciences-Po Bordeaux - David Lisnard, revendique des origines familiales modestes, qui l'ont amené à gérer des commerces et à travailler dans le privé parallèlement à la vie publique.
Né le 2 février 1969, chiraquien de toujours, David Lisnard a adhéré au RPR à 25 ans. Il cite volontiers les penseurs qu'il lit, cultivant une image d'intello aimant le punk (mention spéciale pour les Clash) et le sport (il court le marathon).
Avec AFP

 

 

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