De nouvelles règles pour la France reconfinée

Les "modalités de fonctionnement et de déploiement" du reconfinement annoncé la veille par Emmanuel Macron ont été précisées ce jeudi 29 octobre par Jean Castex, entouré de quatre ministres, quelques heures avant ce baisser de rideau prévu pour un mois au moins. Motifs de déplacements, activités autorisées, services et commerces concernés, gestion des établissements scolaires, télétravail... Le point sur toutes les nouvelles règles, qui diffèrent en partie de celles du printemps dernier. Et sur les nouvelles mesures de soutien aux entreprises qui en subiront les conséquences.

Comme prévu, Jean Castex a précisé ce 29 octobre en fin de journée lors d'une conférence de presse "les modalités de fonctionnement et de déploiement" du reconfinement annoncé la veille par Emmanuel Macron. Il avait déjà, au cours de la journée, présenté cette nouvelle "stratégie" aux parlementaires. À l'Assemblée nationale d'abord, dans le cadre d'un débat suivi d'un vote. À l'issue de ce débat – que le Premier ministre n'a pu écouter totalement, informé entre-temps de l'attaque meurtrière de Nice –, les députés ont apporté un large soutien, par 399 voix contre 27, au choix du reconfinement. Les sénateurs s'y sont en revanche opposés (178 voix contre, 130 voix pour et 27 abstentions), parlant d'"un vote inutile". "Les jeux sont faits, tout est décidé", a regretté Bruno Retailleau, chef de file de l'opposition de droite.

Le chef du gouvernement a débuté sa conférence de presse en revenant sur l'attentat de Nice, qui a tué trois personnes, en redisant que le plan Vigipirate avait été porté au niveau maximal, le niveau "urgence attentat", partout en France. Et en évoquant l'opération Sentinelle pour la protection des lieux de cultes, écoles et autres bâtiments publics. Un conseil de défense se réunira ce vendredi. Presque au même moment, Emmanuel Macron était sur place, à Nice, pour dénoncer une nouvelle "attaque terroriste islamiste" contre la France.

C'est donc dans ce double contexte de crise aiguë qu'a été détaillé le "confinement adapté" qui devait être instauré quelques heures plus tard "sur l'ensemble du territoire" métropolitain, sachant que pour l'outre-mer, seule la Martinique est soumise à ce régime. "Toutes nos régions sont touchées" par la deuxième vague de l'épidémie de Covid, "il n'y a pas d'autre solution", a martelé Jean Castex. En confirmant que la mesure était prise "jusqu'au 1er décembre", avec une "évaluation de la situation" à mi-parcours, dans deux semaines.

Continuité pour les guichets des services publics

Les "adaptations" se justifient par le fait que "nous avons appris de la première vague" de l'épidémie et du premier confinement. Il s'agirait aujourd'hui de "mieux préserver l'essentiel : notre droit à se soigner, travailler, s'éduquer, se former".

Les règles ressemblent pour une bonne part à celles instaurées en mars dernier. "Vous ne pourrez quitter votre domicile que pour certaines raisons, et munis d'une attestation pour le prouver", a résumé Jean Castex. Comme lors du premier confinement, ces raisons, ce sont les courses alimentaires, l'activité professionnelle, les motifs médicaux et "familiaux impérieux", une activité d'intérêt général (du type maraudes ou aide alimentaire, a illustré le Premier ministre)… et la fameuse heure pour l'activité physique ou "pour prendre l'air" (désormais sans gong à 21 heures), y compris cette fois dans les "parcs, jardins, plages et forêts" qui "resteront ouverts".

À peu près tout le reste est donc interdit : "aller chez des amis ou recevoir de la famille à la maison", y compris en journée, aller se promener "au-delà d’un kilomètre" de son domicile... et encore moins "voyager au sein du territoire national". Et ce, "y compris d’une résidence principale vers une résidence secondaire", a tenu à souligner Jean Castex, mentionnant toutefois la "tolérance" prévue ce week-end pour le retour des vacances de la Toussaint. Les déménagements resteront possibles, sur justificatif.

Une nouveauté en revanche : "se rendre dans un service public ou chez un opérateur assurant une mission de service public" sera désormais considéré comme un motif légitime de sortie. "Caisses d'allocation familiales, assurance maladie, Pôle emploi, protection maternelle et infantile, maisons départementales des personnes handicapées, rendez-vous à la mairie ou à la préfecture, déplacement à la Poste", a énuméré Jean Castex. Ce qui signifie de facto que ces services de "guichet" devront rester opérationnels et que leurs agents sont invités à continuer à travailler sur site. Les tribunaux resteront eux aussi ouverts et toute l'activité juridictionnelle sera maintenue, a annoncé dans la soirée le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti.

La nouvelle attestation

La nouvelle attestation a été mise en ligne un peu après 21 heures sur le site du ministère de l'Intérieur. Un délai plutôt court, donc, pour tous ceux ayant besoin de ce document pour aller travailler ce vendredi matin. Les motifs de sortie du domicile sont listés en ces termes (nous signalons en gras les éléments nouveaux par rapport au modèle du premier confinement) :

  • Déplacements entre le domicile et le lieu d'exercice de l'activité professionnelle ou un établissement d'enseignement ou de formation, déplacements professionnels ne pouvant être différés, déplacements pour un concours ou un examen.
  • Déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle, des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées, le retrait de commande et les livraisons à domicile.
  • Consultations, examens et soins ne pouvant être ni assurés à distance ni différés et l'achat de médicaments.
  • Déplacements pour motif familial impérieux, pour l'assistance aux personnes vulnérables et précaires ou la garde d'enfants.
  • Déplacement des personnes en situation de handicap et leur accompagnant.
  • Déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile, liés soit à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d'autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie.
  • Convocation judiciaire ou administrative et pour se rendre dans un service public
  • Participation à des missions d'intérêt général sur demande de l'autorité administrative
  • Déplacement pour chercher les enfants à l'école et à l'occasion de leurs activités périscolaires

À cette attestation de "déplacement dérogatoire" s'ajoutent deux "attestations permanentes" : le "justificatif de déplacement professionnel", rempli par l'employeur... et le "justificatif de déplacement scolaire".

Un nouveau protocole pour les écoles

La deuxième grande nouveautés, donc, par rapport au confinement du printemps : l'école. Les établissements scolaires resteront ouverts. Raison invoquée par Jean-Michel Blanquer, présent aux côtés de Jean Castex ? Le précédent confinement a accru le risque de décrochage scolaire pour les enfants, en particulier pour les élèves les plus défavorisés.

Pour rendre possible l'ouverture des crèches, écoles, collèges et lycées, le protocole sanitaire sera adapté et renforcé dès lundi 2 novembre (il a été mis en ligne en toute fin de soirée, à télécharger ici), avec un nettoyage et une désinfection des locaux quotidiens, et plusieurs fois par jour à certains endroits (poignées de porte…). Parmi les nouvelles mesures, le port du masque sera étendu aux enfants du primaire, dès l’âge de six ans. Le principe est que les familles équipent leurs enfants, mais des masques seront mis à disposition de celles les plus en difficulté.

Si l'accueil de tous les élèves sur l'ensemble du temps scolaire est maintenu, leur brassage sera aussi limité que possible. Les départs et arrivées pourront être étalés dans le temps. Les déplacements des élèves seront limités au sein des établissements, les récréations se prendront par groupes et les cantines seront maintenues, pour des raisons sociales notamment, en respectant une distanciation autant que cela sera possible. Il est à noter que dans une réponse à une question parlementaire publiée au JO Sénat du 15 octobre, le ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports anticipait le retour du dispositif 2S2C (sport, santé, culture, civisme) en "concertation au niveau des territoires […] pour répondre de manière adaptée aux ressources et contexte locaux".

Au lycée, une certaine souplesse sera laissée aux établissements pour permettre à des publics vulnérables de suivre des cours à distance ou l'organisation de cours en demi-groupes.

Des tests de dépistage seront en outre pratiqués sur les personnels de l'Éducation nationale et des collectivités exerçant dans les établissements scolaires.

Enfin, les établissements scolaires devront délivrer une attestation permanente aux parents, accompagnants ou aux mineurs eux-mêmes afin de leur permettre d'effectuer les déplacements domicile-école.

Les mêmes règles d'ouverture s'appliquent aux établissements périscolaires assurant la garde des enfants le soir et le mercredi. En revanche, les établissements assurant des activités extrascolaires (conservatoires, associations sportives…) seront fermés.

À l’université et dans les établissements d’enseignement supérieur, tous les cours magistraux et les travaux dirigés se feront à distance. Seuls les travaux pratiques nécessitant un outillage particulier pourront, dans des conditions spécifiques, être maintenus dans les établissements.

ERP : qu'est-ce que "l'essentiel" ?

Comme l'avait déjà dit Emmanuel Macron, "l’essentiel des établissements recevant du public seront fermés" : bars et restaurants, commerces, salles polyvalentes, salles de conférence, salles de spectacle et cinémas, salles de sport, parcs d’attraction, etc. Tous les commerces et restaurants pourront en revanche "continuer de fonctionner pour les activités de livraison et de retrait de commande". Les librairies n'ont visiblement pas obtenu gain de cause : pour elles aussi, le salut passera par le "click and collect".

La liste des commerces dits "essentiels" autorisés à rester ouverts qui avait été établie en mars (annexe du décret du 23 mars) reste valable : commerces alimentaires, stations-services et garages, laveries, marchands de journaux et tabacs, opticiens, équipement informatique... Là encore, quelques nouveautés viendront s'y ajouter : les commerces de gros, les jardineries et les "magasins de matériaux et d’outillages", "afin que les professionnels puissent continuer de s’approvisionner", Bruno Le Maire précisant qu'ils seront ouverts "y compris pour les particuliers".

Les lieux de culte resteront ouverts. Les enterrements pourront se tenir et réunir jusqu'à 30 personnes. Les mariages pourront être célébrés, mais pas plus de six personnes pour célébrer l'événement.

Dans le domaine du sport, seuls les entraînements et compétitions des sportifs professionnels et de haut niveau pourront se poursuivre. Les équipements sportifs, couverts ou en plein air, vont donc de nouveau fermer, sauf ceux permettant la pratique du sport professionnel. Enfin, la pratique sportive individuelle et en plein air est possible dans la limite d'une heure par jour et dans un rayon d'un kilomètre autour du domicile (cf. attestation). Toute pratique collective est proscrite.

Même chose pour la culture et le spectacle. Baisser de rideau général. "La création continue", a toutefois tenu à souligner Roselyne Bachelot, expliquant qu'en coulisses, tournages, répétitions, enregistrements, captations ou organisation d'expositions pourront se poursuivre. Tout comme les librairies, les bibliothèques pourraient proposer un système de retrait sur place.

Au (télé)travail

Afin d'"éviter un choc économique aussi fort qu'au printemps" et parce que depuis, tous les secteurs ont élaboré des protocoles, le mot d'ordre est cette fois d'assurer une continuité maximale dans le monde du travail, a souligné Élisabeth Borne. Dès lors que l'activité le permet, "le télétravail n'est pas une option" et doit être mis en place "cinq jours sur cinq". Cette obligation est inscrite dans la nouvelle version du protocole national en entreprise qui a été mise en ligne dans la soirée sur le site du ministère. Pour certains métiers, on pourra envisager une alternance entre télétravail et présentiel, la ministre citant l'exemple des architectes ou des ingénieurs en bureaux d'études.

Enfin, pour les activités qui ne peuvent être réalisées en télétravail, "l'employeur organise systématiquement un lissage des horaires de départ et d'arrivée du salarié afin de limiter l'affluence aux heures de pointe", selon le protocole : commerces restant ouverts, BTP, agriculture et pêche, "tous les intervenants à domicile"... Jean Castex avait auparavant relevé que "tous les professionnels du soin, ceux du service à la personne, notamment de l’aide à domicile ou de la garde d’enfant, pourront poursuivre leur activité".

Même chose côté secteur public : "À compter de vendredi, les agents dont les fonctions peuvent être exercées totalement ou principalement à distance doivent impérativement être placés en télétravail cinq jours par semaine", précise une nouvelle circulaire de la ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, également mise en ligne ce jeudi soir.

Les Français pourront continuer leurs projets de travaux durant la période de reconfinement, a pour sa part fait savoir lors d'un autre point presse la ministre en charge du logement, Emmanuelle Wargon, qui a déclaré que de manière plus générale, l'activité du bâtiment sera bien maintenue : "L'objectif est de dire aux Français qu'ils peuvent continuer leurs projets de travaux, que ce soient des projets de rénovation énergétique ou autres, et que les artisans savent organiser ces travaux, même si les gens sont chez eux." En ce qui concerne les permis de construire, "les délais ne changent pas, les administrations (...) continueront à les instruire et après, chaque administration met en place une continuité d'activité", a-t-elle poursuivi. "Les mairies doivent rester ouvertes pour recueillir et accorder les demandes de permis de construire", avait auparavant insisté Bruno Le Maire.

15 milliards par mois de confinement

Le ministre de l'Économie est surtout intervenu pour présenter les nouvelles mesures de soutien destinées aux entreprises qui vont immanquablement faire les frais de ce reconfinement. Dont les "200.000 commerces qui vont être obligés de fermer".

Premier soutien, le fonds de solidarité, désormais "renforcé" :
- Toute entreprise de moins de 50 salariés devant fermer ses portes dès ce vendredi percevra une indemnisation mensuelle allant jusqu'à 10.000 euros.
- Les entreprises de moins de 50 salariés des secteurs du tourisme, événementiel, culture, sport et "secteurs liés" qui restent ouvertes mais qui subissent une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50% bénéficieront également de cette indemnisation mensuelle.
- Dans les autres secteurs, les entreprises impactées de la même manière (baisse de 50% du CA) pourront bénéficier de l’aide du fonds de solidarité, cette fois jusqu’à 1.500 euros par mois. Les indépendants sont notamment visés.

Les exonérations de cotisations sociales interviendront pour ces trois mêmes catégories d'entreprises :
- Entreprises de moins de 50 salariés fermées administrativement : exonération totale de leurs cotisations sociales.
- PME du tourisme, de l’événementiel, de la culture et du sport ouvertes mais qui perdant 50% de CA : exonération totale.
- Travailleurs indépendants : prélèvements automatiquement suspendus.

Troisième levier, les prêts garantis par l'État :
- Bruno Le Maire avait déjà annoncé que les entreprises peuvent désormais contracter un prêt jusqu’au 30 juin 2021 au lieu du 31 décembre 2020....
- ...et que l’amortissement pourra être étalé entre une et cinq années supplémentaires, "avec des taux pour les PME négociés avec les banques françaises compris entre 1 et 2,5%".
- Désormais, si besoin, les entreprises pourront bénéficier de deux années au total de différé de remboursement.
- Pour les entreprises n'accédant à aucun prêt bancaire, des prêts directs de l'État (jusqu'à 10.000 euros pour les entreprises de moins de 10 salariés, jusqu'à 50.000 euros si moins de 50 salariés) pourront être accordés.

Enfin, sur la question des loyers :
Bruno Le Maire compte introduire dans le projet de loi de finances pour 2021 un crédit d’impôt pour "inciter les bailleurs à annuler une partie de leurs loyers". Concrètement, "tout bailleur qui sur les trois mois d’octobre, novembre et décembre 2020, accepte de renoncer à au moins un mois de loyer, pourra bénéficier d’un crédit d’impôt de 30% du montant des loyers abandonnés".

Bercy évalue le coût de l'ensemble de ces mesures à "15 milliards d’euros par mois de confinement" (6 milliards pour le fonds de solidarité, 7 milliards pour l’activité partielle, 1 milliard pour les exonérations, 1 milliard pour les loyers). Ainsi, "au total, par précaution et pour prendre en compte l’ensemble des dépenses liées à la crise jusqu’à la fin de l’année, nous inscrirons dans le projet de loi de finances rectificatif de fin d’année, un montant supplémentaire de 20 milliards d’euros", a fait savoir le ministre de l'Économie.

 

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