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De plus en plus de maires s'attaquent à la mode du "gaz hilarant"

Face à l'ampleur du phénomène de la consommation du "gaz hilarant" chez les jeunes, une dizaine de maires, essentiellement dans les Hauts-de-France et en Occitanie, ont pris ces dernières semaines des arrêtés visant à interdire la consommation sur la voie publique ou à en interdire la vente aux mineurs. Une façon d'alerter le gouvernement sur la progression de cette pratique et les risques encourus pour la santé.

Le maire de Nîmes, Jean-Paul Fournier, a récemment pris un arrêté visant à interdire la consommation de "gaz hilarant" sur la voie publique. Le texte daté du 3 septembre interdit ainsi "l’utilisation de cartouches de protoxyde d’azote (N20) dans l’espace public de l’ensemble du territoire de la commune, par des personnes mineures ou majeures, sous forme d’inhalation ainsi que l’abandon de celle-ci".

De nombreuses mairies ont pris de telles mesures ces dernières semaines face à ce qui est devenu un véritable phénomène de société. Car ces petites capsules de protoxyde d’azote gris métallisé sont devenues une drogue à la mode chez les jeunes, notamment dans les soirées étudiantes. Rien n’est plus simple pour s’en procurer : elles sont en vente libre pour quelques euros dans les supermarchés. On s’en sert pour les bombes à chantilly ou pour des aérosols d’air sec. Le gaz est aussi utilisé en bonbonne en médecine (pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques) ou dans l’industrie. Mais inhalé avec l’aide d’un ballon de baudruche, il provoque un effet euphorisant qui dure une à deux minutes. "L’effet d’une capsule est immédiat et dure une minute, ce qui fait que les jeunes en prennent 7 ou 8 à la file", explique Richard Tiberino, adjoint à la sécurité de la ville de Nîmes.

38 euros d'amende

Si l’approche de la Fête des vendanges ce week-end n’est pas à l’origine de l’arrêté nîmois, les policiers municipaux seront vigilants et se tiennent prêts pour verbaliser les contrevenants qui encourent une amende de 38 euros. "Je viens de rencontrer une jeune étudiante en médecine qui me dit qu’on a une guerre de retard, car cela fait sept ou huit ans que les cartouches circulent dans les soirées étudiantes", confie l’élu, encore étonné par l’ampleur du phénomène.

Apparue dans les "free parties" à la fin des années 1990, cette pratique s’est répandue dans les soirées étudiantes depuis deux ans environ. "Pour être honnête, il y a six mois, je n’étais pas du tout au courant de ce problème, mais depuis le mois d’août je reçois de nombreux témoignages d’habitants qui tombent sur ces capsules de 'proto' traînant par terre. J’en ai moi-même trouvé une vingtaine dans un quartier de Nîmes", explique Richard Tiberino. L’élu a tout d’abord pensé faire interdire dans l’arrêté la vente aux mineurs. Ce que le service juridique de la ville a "fortement déconseillé", vu la difficulté de mettre en œuvre une telle mesure, d’abord parce qu’elle ne toucherait pas les étudiants majeurs, puis parce qu’il est aisé de s’en procurer via les réseaux sociaux, et enfin parce qu’il serait difficile d’"interdire à une mère d’envoyer son enfant chercher des cartouches pour faire de la chantilly"…

Interdire la vente aux mineurs

C’est pourtant ce qu’ont décidé plusieurs maires, dont celui de Wattrelos (Nord), premier à prendre un arrêté, le 29 mai, qui prévoit explicitement l’interdiction de la vente aux mineurs. Il a été suivi par le maire d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), celui de Pont-Saint-Maxence (Oise) qui ont tous deux signé un arrêté d’interdiction de vente aux mineurs courant août.

On dénombre déjà une bonne dizaine d’arrêtés anti-gaz hilarant. Près de Nîmes, les maires de Palavas-les-Flots et de Montpellier (Hérault) ont aussi réagi courant août avec des arrêtés interdisant la consommation sur la voie publique. C’est dans les Hauts-de-France que la mobilisation semble la plus importante avec les arrêtés d’Arras (Pas-de-Calais), de Gravelines, Loos, La Madeleine (Nord)… Pour ces élus, il faudrait que le gouvernement s’empare du sujet qui pose un problème de santé publique. "Il m'apparaît nécessaire qu’à la suite des différents rapports et constats portés par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, notamment, des interventions de collègues élus, l'accès à ce produit puisse être réglementé à l'échelle nationale", avait ainsi posé le maire de Montpellier et président de la métropole, Philippe Saurel, dans un courrier adressé à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le 21 août. Dans son dernier rapport, sur les "drogues et addictions", l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies pointe en effet les dangers de la consommation de protoxyde d’azote qui "peut entraîner des maux de tête et des vertiges". "Répété à intervalles trop rapprochés et sans reprise suffisante d’oxygène, l’usage par inhalation fait courir un risque d’asphyxie. Un décès a été signalé depuis 2016", met-il en garde.

Deux propositions de loi

Les parlementaires ont commencé à monter au créneau en début d'année. "Nouvelle drogue tendance et récréative, le protoxyde d'azote, gaz hilarant, fait donc fureur chez les jeunes, avec une véritable dépendance à l'effet euphorisant, et ce d'autant qu'il est en vente libre, à un coût très modique et sans restriction. Aucun visuel ou pictogramme sur l'emballage n'alerte sur les dangers d'inhalation de ce produit", avait alerté la sénatrice du Nord Valérie Létard (UDI) en février, allant jusqu’à évoquer 17 cas mortels en Grande-Bretagne. Depuis elle a déposé une proposition de loi visant à interdire l'incitation à la consommation et celle de la vente aux mineurs. Une autre initiative a lieu parallèlement à l’Assemblée avec une proposition de loi d’Ugo Bernalicis (LFI) visant à encadrer la vente de protoxyde d’azote et à renforcer les actions de prévention.

Mais le gouvernement ne semble pas vouloir toucher à la loi. "Compte tenu de l'usage détourné de ces produits de consommation courante, il nous apparaît vain de chercher à modifier la loi, pour chacun d'entre eux, afin de mettre un terme à ces pratiques, avait répondu le secrétaire d’État, Adrien Taquet, à Valérie Létard. Seules des approches de prévention globale auprès des jeunes pourront, nous semble-t-il, porter leurs fruits, même si, et nous le reconnaissons, nous ne pourrons prétendre à éradiquer complètement certaines pratiques de nos jeunes."

 

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