Débits de boissons en zone rurale : la proposition de loi Kasbarian adoptée, avec plus de pouvoir pour les maires

Les députés ont adopté ce 10 mars la proposition de loi de l'ancien ministre Guillaume Kasbarian destinée à faciliter l'installation de bistrots titulaires d'une licence IV dans les villes de moins de 3.500 habitants qui en sont dépourvues. Plusieurs amendements ont toutefois renforcé le pouvoir des maires sur le transfert de ces licences IV.

Simplifier l'installation des bistrots et cafés servant des alcools forts dans les villes de moins de 3.500 habitants qui en sont dépourvues… C'est l'idée de la proposition de loi de Guillaume Kasbarian, député Ensemble pour la République d'Eure-et-Loir, qui a été adoptée le 10 mars 2025 par l'Assemblée nationale. "Les deux tiers des communes françaises aujourd'hui ne disposent plus de commerces, en toute logique, plus encore ne disposent ni d'un bistrot ni d'un café", a expliqué l'ancien ministre du gouvernement Barnier, dénonçant un cadre législatif ancien et obsolète, en l'occurrence le mode d'obtention de la licence IV. À l'heure actuelle, un établissement qui souhaite en obtenir une doit l'acquérir auprès d'un autre établissement du département ou du département limitrophe, lorsque celui-ci ferme, et cela après autorisation du préfet. Les licences IV sont donc relativement rares et leur prix élevé. "Ouvrir un café en zone rurale relève souvent du parcours du combattant", a souligné l'ancien ministre. L'idée de Guillaume Kasbarian, adepte d'une vision libérale de la société, est au contraire de faciliter leur installation. Il faut dire que les débits de boissons sont passés de près de 200.000 il y a 50 ans à moins de 35.000 en 2020.

Lors de l'examen du texte en commission, une partie des débats avait tourné autour d'une éventuelle hausse de la consommation d'alcool avec cette loi. "Les médecins manquent dans les campagnes françaises, 62% des communes n'ont plus de commerces, un bureau de poste ferme par semaine. Mais vous voulez qu'on boive pour oublier votre bilan?", avait lancé le député LFI Hadrien Clouet. "Je ne crois pas que les bistrots et cafés constituent un problème sanitaire. Ils sont au contraire des acteurs formés et responsables de la santé publique", avait rétorqué Guillaume Kasbarian, soulignant que la majorité de l'achat d'alcool se faisait au supermarché. "Nous connaissons tous des établissements qui vivent très bien sans licence IV, sans vendre d'alcool fort", avait pour sa part avancé Cyrille Isaac-Sibille (MoDem).

L'approbation du maire en question

"Le constat est particulièrement inquiétant pour nos territoires ruraux", a insisté Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce. "Chaque Français doit y avoir accès, où qu'il vive", a défendu le député d'Eure-et-Loir, estimant que les cafés étaient des "lieux de vie et de partage" avec une fonction sociale et économique essentielle. La proposition de loi, inspirée d'une expérimentation menée entre 2019 et 2022, permettant de créer une licence IV par simple déclaration auprès du maire, sur une commune de moins de 3.500 habitants si celle-ci n'en comptait pas auparavant, a été adoptée quasiment à l'unanimité.

Elle a toutefois été modifiée par plusieurs amendements, principalement dans le sens d'un renforcement du pouvoir des maires dans ce transfert des licences IV. Premier point : la création ne sera pas seulement du fait d'un régime déclaratif, il faudra l'approbation du maire de la commune. L'amendement socialiste n°4 octroie ainsi au maire un pouvoir de véto. Autre changement par rapport au texte initial, via un amendement Modem (n°52 rect.) : la possibilité pour le conseil municipal de permettre l'ouverture d'un nouvel établissement supplémentaire, alors que la dérogation initialement prévue par la loi n'était censée servir qu'une fois pour créer une licence IV dans une commune qui n'en a pas. Certains députés ont appelé à affiner la rédaction de l'amendement pour ne pas laisser penser que les dérogations peuvent être sans limite.

Éviter que les nouvelles licences IV soient captées par d'autres communes plus grandes

Un autre amendement (n°36) interdit que les licences créées puissent être cédées dans une autre commune, l'idée étant d'éviter que les nouvelles licences IV soient captées par d'autres communes plus grandes ou plus attractives. Une disposition qui n'a pas plu à l'ancien ministre, qui a regretté la création de deux régimes différents : les propriétaires d'une licence IV traditionnelle et les détenteurs d'une licence IV rurale, réservée au territoire de la commune. "Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?", a-t-il demandé, tandis que Véronique Louwagie plaidait pour une limitation du transfert à l'intercommunalité.

Enfin, un amendement (n°10) communiste conditionne le transfert d'une licence IV d'une commune à une autre à l'approbation du maire de la commune de départ. "Permettre aux maires de s'opposer à tout moment à un tel transfert, et leur donner en conséquence la possibilité de racheter les licences, permettrait aux collectivités de préserver et de mieux maîtriser leur économie locale", indique l'amendement. Un point contre lequel Guillaume Kasbarian s'est opposé, puisque la mesure viendrait s'appliquer "à tous ceux qui tiennent des bars aujourd'hui". Aujourd'hui, un maire peut s'opposer au départ d'une licence IV mais uniquement si c'est la dernière de sa commune. La proposition de loi doit maintenant être examinée par le Sénat.

Référence : proposition de loi visant à simplifier l'ouverture des débits de boisson en zone rurale n°904 rectifié, déposée à l'Assemblée nationale le 4 février 2025.
 

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