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Déconfinement : Jean-Michel Blanquer présente une rentrée à la carte sous strictes conditions sanitaires

Le ministre de l'Éducation nationale a présenté son plan de retour à l'école à partir du 11 mai 2020. Les élèves rentreront par classe d'âge et suivront en demi-groupes un enseignement variable selon les possibilités d'accueil. De strictes conditions sanitaires devront être respectées avant toute réouverture d'école.

C'est un plan de reprise de l'école qu'il a lui-même qualifié de "pragmatique et sérieux" que le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a présenté mardi 21 avril devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale.
Alors que les établissements scolaires sont fermés depuis le 16 mars en raison de l'épidémie de coronavirus, le ministre a confirmé l'annonce faite par le président de la République d'un retour des élèves à l'école à partir du 11 mai, tout en apportant les premiers éléments concrets en termes d'organisation.
"Cette rentrée sera progressive et sociale", a assuré Jean-Michel Blanquer. Progressive, car "on ne va pas avoir tous les élèves en classe le 11 mai, c'est même l'inverse". Sociale, car l'objectif est qu'il n'y ait pas de décrochage. "Chaque mois d'école perdu est un problème social", a justifié le ministre.
Pour établir son plan de déconfinement, le ministre de l'Éducation nationale s'est appuyé sur des concertations menées récemment avec les syndicats, les représentants des parents d'élèves, les élus locaux, le Conseil national de la vie lycéenne, mais aussi sur des comparaisons internationales. À cet égard, l'exemple allemand, cité à plusieurs reprises, l'a visiblement impressionné.

Calendrier à tiroirs

De ces concertations et de ces comparaisons, le ministre a tiré une triple doctrine : d'accueil, sanitaire et pédagogique. L'accueil des élèves concerne d'abord le calendrier. À partir de la semaine du 11 mai – mais pas le 11 mai lui-même, qui sera consacré à la prérentrée des enseignants –, les élèves de grande section, CP et CM2 rentreront. Il y aura "des marges de souplesse localement", a pointé Jean-Michel Blanquer, avant d'ajouter que les petites classes de CP et CE1 en REP+ ou dans les écoles rurales pourraient être concernées. Les élèves de 6e et 3e au collège, de première et terminale au lycée ainsi que les ateliers industriels des lycées professionnels retrouveront le chemin de l'école à partir du 18 mai. Enfin, à partir du 25 mai, ce sera au tour de toutes les autres classes. En tout état de cause, "la vitesse de croisière sera atteinte en juin", a affirmé le ministre, qui ne prévoit pas de prolonger l'année scolaire au-delà du 4 juillet.
L'accueil des élèves ne sera néanmoins possible que par petits groupes ne dépassant pas quinze élèves. Un nombre qui pourra différer selon les âges : moins de dix élèves par groupe pour les petites et moyennes sections de maternelle, par exemple.

Le périscolaire à la rescousse

Pour y arriver, une organisation inédite sera mise en œuvre, à travers quatre situations possibles. Ainsi, un élève pourra se trouver, soit en classe, soit à la maison pour travailler à distance, soit à l'étude pour étudier en autonomie, à condition que l'établissement puisse limiter le nombre d'élèves à quinze dans une salle, soit en activités périscolaires. "L'élève va donc alterner entre ces quatre situations dans des proportions variables, a expliqué Jean-Michel Blanquer. Un élève ne sera jamais en dehors de l'obligation scolaire." Toutefois, il a admis qu'il serait possible de ne pas envoyer son enfant à l'école. Dans ce cas, l'enseignement à distance s'imposera. 
Pour affiner cette organisation, un travail sera mené avec les collectivités locales dans les semaines à venir. Il portera notamment sur l'aspect le plus original du dispositif : les activités périscolaires que le ministre a baptisées 2S2C pour "sport, santé, civisme et culture". Ce dispositif, mis en place avec les ministères de la Culture et des Sports, sera "à travailler commune par commune". Les acteurs associatifs du périscolaire, "qu'il faut remettre en selle", selon Jean-Michel Blanquer, y seront étroitement associés.

"S'il n'y a pas de savon, on n'ouvrira pas"

Le second point de la doctrine concerne les conditions sanitaires. "Il y aura un protocole sanitaire écrit noir sur blanc", a martelé le ministre. Autre précision d'importance : il sera possible de maintenir le confinement dans certaines zones pour des raisons sanitaires.
Le protocole sanitaire, établi selon les recommandations des autorités de santé, pourra par exemple fixer les conditions de mise à disposition dans les établissements scolaires de savon, de gel hydroalcoolique, de points d'eau, voire de masques. "S'il n'y a pas de savon, on n'ouvrira pas", a extrapolé Jean-Michel Blanquer.
Le protocole sanitaire s'appliquera à l'ensemble de la vie scolaire : transports, internats, cantines. Prenant l'exemple de ces dernières, le ministre a redit son exigence : "Nous allons fixer des règles strictes et l'on pourra fermer la cantine si l'on ne parvient pas à les respecter." Il sera également possible d'imaginer une plus grande amplitude horaire dans les cantines, ou encore de proposer une simple sandwicherie.

Vers une pédagogie "innovante"

La doctrine pédagogique va, elle, s'appuyer sur la taille réduite des groupes d'élèves. À ce sujet, Jean-Michel Blanquer a répété à trois reprises durant son intervention que "ces temps peuvent présenter des innovations majeures en matière pédagogique".
Une priorité sera en outre donnée à certains publics. Ainsi, un travail personnalisé sera mené pour atteindre les "élèves perdus", les 4 à 5% de décrocheurs. Une attention particulière sera également portée à l'ensemble de REP et REP+. Enfin, les élèves porteurs d'un handicap feront l'objet d'un suivi appuyé.
Jean-Michel Blanquer a enfin précisé que le plan définitif du déconfinement en matière scolaire sera présenté par le Premier ministre à la fin du mois d'avril. Quant à l'information aux familles, elle arrivera en amont de la rentrée par le biais des acteurs de l'Éducation nationale.

Un plan Marshall pour le bâti scolaire

Interrogé par les députés sur la position de certains maires rétifs à rouvrir les écoles dès le 11 mai, le ministre de l'Éducation a affirmé qu'il travaillait avec l'AMF (voir les propositions de l'AMF dans notre article du jour) et toutes les associations d'élus : "Il n'y a pas de raison [pour un maire] de refuser l'ouverture d'une école. C'est par le dialogue que nous aiderons les maires à se mettre en conformité avec le protocole sanitaire."
Enfin, questionné sur le fait de savoir si les collectivités locales pouvaient s'attendre à bénéficier d'une dotation spéciale dans le cadre de la remise en marche du système éducatif, le ministre a précisé  qu'une réunion devait prochainement avoir lieu au ministère de la Cohésion des territoires avec les associations d'élus. "Cela doit être regardé à la lumière des enjeux", a commenté Jean-Michel Blanquer, avant d'élargir la réflexion sur l'avenir : "Je plaide à l'échelle européenne pour un plan Marshall du bâti scolaire." Il a ainsi ouvert la porte à un grand plan d'investissements qui pourrait notamment prendre en compte la dimension environnementale du bâti scolaire. Cette idée devrait se traduire "à court terme" par des réponses aux collectivités.