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Demandes d'asile : le Conseil d'État somme l'État de respecter le délai d'enregistrement en Île-de-France

Dans un arrêt du 30 juillet 2021, le Conseil d'État revient sur une affaire sur laquelle il s'est déjà prononcé à deux reprises en 2018 et 2019. Mais surtout, la haute juridiction hausse le ton et menace désormais l'État de lui imposer une astreinte s'il ne prend pas, dans un délai de quatre mois, les mesures susceptibles d'améliorer la situation. L'objet du litige : le non-respect, en Île-de-France, du délai d'enregistrement des demandes d'asile.

Fixé par l'article L.741-1 - du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), le délai d'enregistrement des demandes d'asile est normalement de trois jours. Il peut être porté à dix jours lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément. Ces deux délais figurent aussi à l'article 6 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale.
Les deux décisions précédentes de 2018 et 2019, prises sur recours de la Cimade, annulaient précisément le refus du ministre de l'Intérieur et du  directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) de prendre toutes mesures utiles afin de garantir le respect, sur l'ensemble du territoire national, des délais d'enregistrement des demandes d'asile.

Dans cette troisième décision de juillet 2021, le Conseil d'État revient sur la question, mais cette fois-ci en qualité de juge de l'exécution. Il rappelle que ces différentes dispositions "font peser sur l'État une obligation de résultat s'agissant des délais dans lesquels les demandes d'asile doivent être enregistrées". Le ministre de l'Intérieur et ses services doivent être regardés "comme ayant pris les mesures nécessaires pour que cette obligation soit satisfaite si au vu des données d'enregistrement des demandes, les délais moyens d'enregistrement dans la plupart des guichets uniques pour demandeurs d'asile (Guda) sont conformes à ces dispositions, à moins que, si ce délai n'est pas atteint dans une part substantielle de ceux-ci, il soit établi que le non-respect de ces délais est dû à des circonstances purement locales propres à l'organisation ou au fonctionnement de chaque guichet".

Le Conseil d'État, se fondant sur le nombre de demandes d'asiles déposées en France depuis le mois de février 2020, considère que ce délai de trois jours est globalement respecté sur le territoire. Mais "il n'en va pas de même en Île-de-France et en outre-mer, compte tenu du nombre élevé d'étrangers demandant simultanément l'asile dans ces territoires, où le délai applicable peut être porté à dix jours ouvrés". Pourtant, des recrutements supplémentaires ont bien eu lieu pour renforcer les Guda. Sous l'effet de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie – et après l'interruption des confinements – le Conseil d'État constate au niveau national  "une amélioration des délais moyens d'enregistrement".

Une astreinte de 500 euros par jour

La situation est différente en Île-de-France, qui concentre la moitié des demandes d'asile et où une plateforme téléphonique dédiée mise en œuvre par l'Ofii délivre les rendez-vous dans les structures de premier accueil, qui elles-mêmes délivrent les rendez-vous en Guda pour l'enregistrement des demandes d'asile. Or le Conseil d'État constate que "le ministre de l'Intérieur n'a pas produit les éléments permettant d'établir qu'en moyenne un délai de dix jours est respecté entre la présentation et l'enregistrement des demandes d'asile en Île-de-France", ce qui ne permet pas de considérer que l'obligation de résultat à laquelle est soumis l'État est satisfaite.

Dans ces conditions, le Conseil d'État prononce à l'encontre de l'État une astreinte de 500 euros par jour "s'il n'est pas justifié, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision, du respect en Île-de-France du délai d'enregistrement des demandes d'asile de dix jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente". Il est par ailleurs enjoint au ministre de l'Intérieur de communiquer à la section du rapport et des études du Conseil d'État copie des actes justifiant des mesures prises. À noter : avec un délai de quatre mois laissé à l'État pour se mettre en conformité, le Conseil se montre plus sévère que son rapporteur, qui préconisait de laisser un délai de six mois.

Référence : Conseil d'Etat, 2e et 7e chambres réunies, décision n°447339 du 30 juillet 2021.
 

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