Déménager à 60 ans ou à 85 ans : des étapes de vie différentes

La mobilité résidentielle des seniors connaît deux pics qui correspondent au passage à la retraite – entre 55 et 64 ans – et au vieillissement et à la perte d’autonomie – après 85 ans. Une étude de la Caisse des Dépôts publiée ce 10 novembre analyse ces flux qui bénéficient notamment aux départements situés au sud d’une ligne Cherbourg-Chambéry. En écho à ces mobilités contrastées d’un âge à l’autre, une enquête complémentaire révèle que si elles souhaitent majoritairement vieillir à domicile, les personnes de plus de 50 ans s’informent peu sur les possibilités d’hébergement dans le cas où elles ne pourraient pas rester chez elles. 

Le départ à la retraite et le vieillissement au-delà de 85 ans, souvent accompagné d’une perte d’autonomie, sont les deux moments de la vie des seniors où la mobilité résidentielle est la plus importante. C’est ce que met en évidence une étude de la direction des politiques sociales de la Caisse des Dépôts, publiée ce 10 novembre 2022. Entre janvier 2017 et janvier 2018, 5% des 55-64 ans et 6% des personnes âgées de plus de 85 ans ont changé de lieu de résidence, alors que ce taux est autour de 3% pour les 70-84 ans, selon cette étude qui s’appuie sur les recensements de l’Insee. La mobilité des plus de 85 ans est liée le plus souvent à une entrée dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou un autre type de résidence pour personnes âgées.  

La mobilité des jeunes retraités profite aux départements littoraux et méridionaux   

Au profit de quelles communes cette mobilité résidentielle s’effectue-t-elle ? "Quelle que soit la tranche d’âge considérée, parmi ceux qui déménagent, il y en a environ un tiers qui restent dans la même commune, un tiers qui vont dans une commune différente mais de densité comparable et un tiers qui vont dans une commune différente et de densité différente de la commune d’origine", a expliqué Ronan Mahieu, directeur des études et statistiques Politiques sociales à la Caisse des Dépôts et auteur de l’étude, lors d’une conférence de presse.

Concernant ce dernier tiers, "après 70 ans cela s’équilibre, avec à peu près autant de mouvements vers des communes moins denses que plus denses", poursuit-il. À l’inverse, "entre 55 et 69 ans, il y a nettement plus de mouvements vers des communes moins denses que vers des communes plus denses". Ainsi, des personnes qui ont vécu dans une agglomération notamment du fait de leur travail "tendent à aller vers des zones plus rurales ou moins denses au moment de la retraite". Ces mobilités sont globalement plus importantes chez les personnes diplômées.

Des départements concentrant de grandes agglomérations – dont ceux d’Île-de-France et le Rhône –, présentent donc un solde migratoire négatif concernant les 55-64 ans, alors que les départements de la moitié méridionale de la France et de la côte atlantique ont quasiment tous un solde positif. Les départements les plus attractifs pour cette tranche d’âge "sont tous au sud-ouest d’une ligne Cherbourg-Chambéry", observe Ronan Mahieu.  

Selon l’étude, les départements les plus attractifs pour les plus de 85 ans ont souvent "une capacité d’accueil des personnes âgées élevée" – c’est le cas de la Saône-et-Loire, la Haute-Loire et la Lozère – ou "des coûts d’hébergement des personnes âgées en Ehpad assez faibles (notamment par rapport à des départements géographiquement proches)" – comme la Seine-et-Marne et l’Essonne.  

Une connaissance encore approximative des alternatives à l’Ehpad

"Les mobilités résidentielles paraissent dans l’ensemble peu motivées par la volonté de bénéficier d’un meilleur accès aux soins médicaux : on constate que les déménagements de seniors se traduisent aussi souvent par une dégradation que par une amélioration de leur accès aux soins", peut-on lire dans l’étude. Si ce critère n’apparaît donc pas déterminant dans le choix de la destination, "en pratique, les conséquences en termes d’accessibilité des soins sont très différentes", relève l’auteur de l’étude.

Cette accessibilité reste ainsi inchangée pour les personnes déménageant dans le même département. Elle diminue pour les personnes qui changent de département, et davantage encore si le département n’est pas limitrophe… sauf si le département de destination est à la fois littoral et non limitrophe du département de départ. Dans ce dernier cas, l’accessibilité des services de santé augmente significativement, en particulier s’agissant des soins infirmiers.

Selon une enquête complémentaire menée par l’Ifop pour Arpavie – groupe associatif de résidences pour personnes âgées dont la Caisse des Dépôts est membre fondateur –, "92% des seniors souhaitent vieillir à leur domicile après 75 ans" mais "38 % jugent probable de devoir le quitter un jour pour une résidence pour personnes âgées". Parmi les 1.001 répondants âgés de 50 ans et plus, seuls 6% "ont commencé à se renseigner sur les possibilités d’hébergement pour le cas où ils ne pourraient pas rester chez eux". Selon Ronan Mahieu, l’enquête révèle par ailleurs "une connaissance encore un peu approximative" des formules alternatives à l’Ehpad – résidences service seniors, résidences autonomie, béguinages –, que les pouvoirs publics et certains opérateurs cherchent actuellement à développer pour dépasser "le clivage un peu binaire entre le logement ordinaire et l’Ehpad".