Dispositif de revitalisation des bassins d'emploi : vingt ans et toujours d'actualité

Le dispositif de revitalisation des bassins d'emploi a vingt ans. L'occasion pour le ministère du Travail de rappeler les bienfaits de cette "coconstruction" État-entreprise, lors d'une conférence organisée le 1er décembre 2022. Et de préciser qu'il reste d'actualité, malgré un chômage à la baisse. Pour le délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), "il faut travailler à une diversification plus grande des actions".

"C'est important de marquer la vingtième année de ce dispositif", a affirmé Olivier Dussopt, ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, en ouverture de la conférence organisée le 1er décembre 2022 pour fêter les vingt ans de la revitalisation des bassins d'emploi, en regrettant qu'il soit aussi peu connu des citoyens. Même si le chômage est à la baisse, "nous aurons à faire face à de nouvelles restructurations, de nouvelles difficultés d'entreprises. Il faut donc que nous puissions continuer à mobiliser ces dispositifs, et à les adapter", a déclaré Olivier Dussopt, retraçant le bilan pour l'année 2022 : en plus des conventions départementales, 17 conventions-cadres nationales ont été signées avec des entreprises visant la création de près de 7.500 emplois ou équivalents emplois avec près de 27 millions d'euros de contribution des entreprises mobilisés pour les territoires. "L'année est atypique, c'est une année de rattrapage après la crise Covid, a détaillé le ministre. Elle correspond à plus de la moitié des volumes de conventions signées en cinq ans."

Pour mémoire, la revitalisation des bassins d'emploi est un dispositif de soutien à l'emploi créé la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale qui avait également rebaptisé les plans sociaux en plans de sauvegarde de l'emploi (PSE). Elle s'adresse en priorité aux entreprises de plus de 1.000 salariés qui procèdent à des licenciements collectifs pour motif économique. Elle est activée par par le préfet de département lorsque les suppressions d'emplois engendrées par la restructuration de l'entreprise affectent de manière significative l'équilibre économique de son territoire. Le dispositif est coconstruit par le représentant de l'État et l'entreprise dans le cadre d'une négociation, en lien avec les élus. Les actions doivent donc correspondre à la volonté de l'entreprise et répondre aux besoins du territoire.

Une coconstruction entre l'entreprise et l'État

C'est le principal atout de ce dispositif car cette coconstruction permet d'identifier les besoins et potentialités du territoire et les contreparties demandées à l'entreprise, avec trois critères (suppression d'emploi, contribution et nature des actions). "C'est une idée assez moderne du lien entre État et entreprise, a assuré Olivier Dussopt, il a aussi l'avantage de répondre aux particularités des territoires, avec une grande diversité d'actions et d'acteurs." Un des exemples emblématiques issus du dispositif : la convention signée par Bridgestone. En septembre 2020, l'entreprise japonaise décide de fermer son usine de pneus de Béthune qu'elle avait rachetée à Firestone. La fermeture laisse 864 salariés sur le carreau et 32 hectares en friche. "Au moment de la fermeture de l'usine, il n'était pas question de laisser ce territoire avec un trou physique et en matière d'emplois, a expliqué Philippe Burnage, président de Bridgestone. Nous avions la volonté de compenser les pertes d'emplois créées par notre retrait sans s'impliquer à la place des élus locaux. Nous avons trouvé dans la convention de revitalisation l'outil parfait qui nous permettait de faire ça." L'entreprise fixe une contrainte à laquelle elle tient : que le site garde son caractère industriel. "Nous avons beaucoup discuté en amont avec les élus de la communauté d'agglomération Béthune Bruay-Artois Lys Romane, ce qui nous a permis d'orienter les moyens qu'on mettait à la disposition de la convention", a expliqué Philippe Burnage. Car l'industriel l'admet : "Il y a des périodes où les relations avec les élus sont tendues, puis quand on se met à discuter d'une convention, cela change, et avec les moyens mis à disposition, on trouve des solutions."

"On se prend au jeu assez facilement"

La convention de Bridgestone se décline en trois axes. Le premier concerne le financement d'une école de production, des actions de professionnalisation pour les services ressources humaines des PME et le financement d'un fonds d'investissement pour l'innovation. Le deuxième correspond à financer des emplois (4.000 à 6.000 euros). "On a prévu de créer au moins 1.000 emplois, a détaillé Philippe Burnage. Je pense que c'est un engagement que l'on arrivera à tenir." Enfin, dernier axe, l'attractivité du site industriel, avec la création d'un port fluvial à containers pour faciliter l'implantation d'industries qui auraient de gros besoins logistiques. La mise en œuvre du dispositif a été très rapide. "On a commencé la négociation en mars 2021, en mai nous avons eu la première réunion de copilotage présidée par le préfet, le 4 juin la signature de la convention, le 17 juin la première réunion du comité technique et le 24 juin le comité d'engagement, a détaillé Florent Framery, délégué à l'accompagnement des reconversions professionnelles (DARP) Hauts-de-France. Nous n'avons pas été mauvais sur ce coup-là !"

Autre exemple présenté lors du vingtième anniversaire du dispositif : Renault, qui a transféré son activité de Choisy-le-Roi au territoire de Flins. "On est parti d'une feuille blanche, a indiqué Bruno Lastrade, chef de département emploi et compétences chez Renault. On s'est appuyé sur les connaissances des services de l'Etat et d'un cabinet externe, LHH, avec un double objectif, créer de la valeur via la formation pour aboutir à l'emploi." Une école des savoirs a ainsi été créée à Flins pour des personnes réfugiées avec deux modules d'apprentissage, l'un consacré à l'apprentissage du français, l'autre à la formation sur des compétences critiques. "On se prend au jeu assez facilement, dès que les parties prenantes sont autour de la table, on arrive à créer des synergies", a détaillé Bruno Lastrade.

Investir de nouveaux métiers

Du côté d'Airbus, une structure spécifique dédiée à la revitalisation a été créée il y a vingt-cinq ans, filiale à 100% d'Airbus. Son objectif : accompagner le développement de sociétés et start-up créatrices d'emplois via du conseil, du soutien financier et la revitalisation. "Le bénéfice pour les entreprises aidées est d'obtenir le label Airbus, cela leur ouvre les portes des organismes financiers et leur permet aussi une connexion avec l'écosystème local, a précisé Jérôme Gantin, directeur de projet emploi et compétences chez Carrefour. Le fait d'accompagner des sociétés technologiques a un côté très positif, cela permet d'attirer des talents sur le territoire à même de travailler pour Airbus ; et ce sont des sociétés dans des domaines comme le transport, l'hydrogène, ou la cybersécurité qui peuvent intéresser Airbus."

Les intervenants ont tous salué la capacité du dispositif à investir dans de nouveaux métiers. Un axe sur lequel le délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle compte insister à l'avenir en cohérence avec les recommandations de la Cour des comptes adressées... en 2015. "Comme l'indique le rapport de la Cour des comptes, à ce stade, il y a une prépondérance des aides à l'emploi, a ainsi détaillé Bruno Lucas. Il faut travailler pour une diversification plus grande des actions, autour de l'insertion socioprofessionnelle, l'économie sociale et solidaire, l'accompagnement de la transition écologique, l'évolution des métiers. Il faut aussi une mobilisation renforcée sur des actions innovantes à plus fort impact." Le délégué propose aussi qu'une logique de péréquation soit mise en place, une partie des fonds récupérés pouvant être fléchés vers des départements qui n'ont pas de restructurations mais qui sont fragilisés par des précédentes opérations.

 

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