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Du Grand Débat aux grands chantiers

La rédaction de Localtis part se mettre au vert jusqu'à la dernière semaine d'août. Et vous laisse ses cahiers de vacances. Cohésion des territoires, finances, social et santé, environnement et mobilités, éducation, commande publique... parce qu'au jour le jour, une actualité chasse l'autre, pas inutile en effet de profiter de l'accalmie estivale pour se remémorer les faits marquants de ces derniers mois (textes législatifs, réformes, débats...) et anticiper ceux de la rentrée, toujours du point de vue des collectivités. En commençant par le diptyque institutionnel dont il sera beaucoup question à l'automne : d'abord "engagement et proximité", ensuite "décentralisation et différenciation". L'un n'allant pas sans l'autre.

Au moment de baisser le rideau pour trois semaines de relâche, que retenir de l'actualité des derniers mois et qu'attendre de celle de la rentrée ? Ce petit exercice - un rituel estival pour Localtis – est parfois moins simple qu'il n'y paraît.

Certes, on dispose de quelques repères facilement identifiables. Il y a notamment une poignée de lois fraîchement promulguées : loi Blanquer, loi Santé, la loi créant l'Agence de cohésion des territoires et celle créant l'Agence nationale du sport (publiée au JO ce 2 août), loi Biodiversité, loi Notre-Dame… Plus anciennement la loi Pacte, incessamment sous peu la loi Fonction publique. Sans oublier quelques textes d'origine parlementaire (communes nouvelles, sécurisation de la 5G…), ni tous ces textes dont la discussion est bien avancée mais qui doivent toutefois achever leur parcours en septembre. Tel est notamment le cas de la volumineuse loi d'orientation des mobilités (LOM) et du projet de loi Energie et Climat.

Il y a, enfin, les projets de loi dont l'examen démarrera à l'automne. Sur le front environnemental toujours, on songe au projet de loi sur l'économie circulaire. Et s'il est un texte qui devrait être suivi de très près par les représentants des collectivités locales, c'est bien celui qu'a présenté Sébastien Lecornu le 17 juillet en conseil des ministres, attendu au Sénat fin septembre. Sans doute à peu près au même moment, l'Assemblée s'emparera du projet de loi de finances pour 2020 dans lequel viendra se nicher la réforme de la fiscalité locale.

Des repères donc, mais aussi des zones moins évidentes. Sur la fiscalité locale justement, on sait certes désormais beaucoup de choses sur le scénario finalement retenu par le gouvernement. Avec, même, des détails parfois techniques sur la compensation aux communes de la suppression de la taxe d'habitation. Mais on sait aussi que certains points restent ouverts à la discussion, que les départements sont toujours vent debout contre l'idée de perdre leur part de foncier bâti… et, tout simplement, que la réforme n'a pas encore réellement donné lieu à présentation officielle. On rappellera aussi qu'initialement, il avait été dit que cette réforme ferait l'objet d'un projet de loi spécifique en avril (dernier) afin que les choses soient scellées "à l'été" (maintenant).

Des mesures "de bon sens" près de chez vous

S'agissant du projet de loi Engagement et proximité porté par Sébastien Lecornu, dont Localtis avait dévoilé le contenu quelques jours avant qu'il ne soit présenté, le ministre l'évoque comme un texte constituant "la première pierre" d'un "acte II des relations avec les collectivités". Des collectivités ou, plus précisément, des communes. C'est "une loi qui parle presque exclusivement de la commune, du maire, de la mairie", a-t-il en effet indiqué. En reconnaissant qu'avec sa "trentaine de mesures", sur la forme, on a affaire à un texte "de type Pacte, Essoc ou loi Macron" – autant d'édifices législatifs souvent qualifiés de "fourre-tout".

Ces mesures "de bon sens" s'organisent autour de "deux enjeux". D'une part, favoriser "l'engagement", avec des dispositions touchant à la formation des élus, la protection juridique, les frais de garde, les indemnités…  D'autre part, renforcer les "libertés locales" : des dispositions concernant "le maire en tant qu'agent de l'État", les relations communes-intercommunalité et certains "effets de seuil"… Le tout avec un souci prioritaire : faciliter "la vie quotidienne d'un élu local", notamment "en milieu rural", et "redonner au maire son rôle de premier plan". "Les élus ne voulaient pas d'une loi de principes", et encore moins de "nouvelles obligations", assure l'entourage du ministre.

Si la question des compétences n'est pas au cœur de ce projet, elle est toutefois abordée sur quelques points. Notamment en matière d'eau et assainissement, avec la possibilité pour un EPCI de déléguer par convention tout ou partie des compétences vers une commune. Ou encore sur le tourisme, avec la faculté pour les stations de tourisme de reprendre le pilotage de leur office de tourisme. Ou, enfin, avec de nouvelles souplesses prévues sur le terrain de l'urbanisme. Egalement au menu : de possibles "divorces à l'amiable" au sein de quelques communautés XXL.

Les associations d'élus avaient pu prendre connaissance du contenu de ce texte dans le cadre de la concertation menée en amont par le ministère. Pour un projet de loi censé traduire les attentes exprimées par les maires, force est de constater que l'enthousiasme de ces associations est mesuré. Et qu'il sera compliqué de satisfaire tout le monde, tant les nuances sont grandes entre elles. Forcément, l'Assemblée des communautés de France (AdCF) et France urbaine ont tendance à craindre que certaines dispositions du projet ne viennent "déstabiliser" l'intercommunalité. Villes de France aussi d'ailleurs. A contrario, l'Association des maires de France aurait aimé que l'on aille plus loin sur le volet intercommunal, parlant de "timidité" et de "demi-mesures". Les dispositions du texte relatives aux conditions d'exercice des mandats locaux apparaissent en revanche beaucoup plus consensuelles. Les débats vont certainement être nourris et pointilleux dès le début de l'examen du texte. Les sénateurs Françoise Gatel et Mathieu Darnaud en seront les co-rapporteurs.

Un nouvel acte en deux temps

Le gouvernement affiche clairement que Engagement et proximité résulte des fameuses "96 heures de débat" entre les maires et le chef de l'État dans le cadre du Grand Débat. Ces longues heures qui, un peu partout en France, sont venues témoigner d'un important "sentiment de dépossession" de la part des maires. En tout cas des "petits" maires qui, c'est mathématique, étaient les plus nombreux face à Emmanuel Macron.

Celui-ci n'avait pas directement annoncé ce texte lors de sa conférence de presse venue clore, le 25 avril, le débat national post-gilets jaunes. Ce jour-là, il avait plus globalement évoqué "un nouvel acte de décentralisation" devant "aboutir pour le premier trimestre 2020". Avec, à la clef, des transferts de compétences, de financements et de "responsabilités" sur "des politiques de la vie quotidienne" - logement, transports, transition écologique. On s'était alors interrogés : devait-on s'attendre à une future "grande loi" de décentralisation ou simplement, comme cela avait été dit depuis longtemps, à une série de retouches de la loi Notr et de ses célèbres "irritants" ? On le sait donc maintenant. Engagement et proximité est là pour les retouches. Pour ce qui est de la décentralisation, c'est un autre texte que l'on attend. Celui-ci sera préparé par Jacqueline Gourault. La ministre a déjà reçu les associations d'élus à ce sujet.

C'est à la mi-juin que ce schéma avait été précisé. Au lendemain de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée, Edouard Philippe était venu s'exprimer devant les sénateurs.  Le Premier ministre avait alors indiqué qu'après la phase d'écoute des associations d'élus par Jacqueline Gourault, "à partir de la rentrée de septembre, (...) le dialogue se poursuivra localement". Chaque préfet de région devrait être invité à réunir la conférence territoriale de l'action publique pour mener la concertation locale. Le chef de l'Etat avait également fait savoir que ce projet de loi "décentralisation et différenciation" serait présenté à la fin du premier semestre de 2020 afin que le cadre soit "défini avant les échéances électorales de 2021" (décalant donc quelque peu le calendrier évoqué par Emmanuel Macron).

Ce sera bien "un texte sur la décentralisation et la différenciation", confirmait récemment Jacqueline Gourault. Avec "des choses sur les compétences". On n'en sait guère plus pour le moment. On se souvient en revanche que cette notion de différenciation territoriale devait initialement être inscrite dans la réforme constitutionnelle… dont on n'a plus entendu parler depuis que sa présentation a été reportée à une date indéterminée (d’abord au premier trimestre 2020, puis éventuellement après les sénatoriales de septembre 2020). Si cette révision constitutionnelle voit effectivement le jour, il sera intéressant de savoir comment les choses vont s'articuler.

Par ailleurs, Sébastien Lecornu s'est dit très ouvert quant aux enrichissements qui pourraient être apportés, en cours de navette parlementaire, à son projet de loi. Là encore, il serait utile que les grandes lignes du projet de loi Gourault soient connues au moment où s'engagera cette navette. Sans quoi Engagement et proximité risque d'empiéter sur Décentralisation et différenciation.

Là-dessus comme sur bien d'autres sujets, l'automne sera instructif. Alors rendez-vous fin août sur Localtis pour la reprise de notre suivi quotidien de toutes ces réformes en devenir ou en pointillé.

 

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