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Édouard Philippe relance la question des "contreparties" aux "mécanismes de solidarité"

Le Premier ministre s'est dit favorable vendredi 15 février à un débat sur le bien-fondé de "contreparties" à certaines allocations ou minima sociaux.

"Ma conviction personnelle c'est que compte tenu de l'importance de nos mécanismes de solidarité, compte tenu de nos finances publiques, compte tenu de la situation d'un pays qui est en croissance mais qui reste avec un taux de chômage élevé, il faut qu'on s'interroge sur ces contreparties", a glissé vendredi le chef du gouvernement, reconnaissant de lui-même "un sujet explosif". Le Premier ministre participait vendredi, dans le cadre du Grand Débat, à une réunion avec des élus locaux et des dirigeants de PME à Plomodiern, un petit bourg du Finistère.
Il avait auparavant été interrogé à de nombreuses reprises sur les difficultés de recrutement de certaines entreprises, des cas de refus de CDI ou sur une incitation financière à travailler jugée trop faible. "Parfois, il y a des mécanismes qui ont été créés, il peut y avoir un intérêt à ne pas retourner au travail, ça peut arriver. Il faut casser cela, il faut que ce soit toujours plus profitable de retourner dans l'activité que de ne pas y aller", avait répondu à cela le chef du gouvernement.
"C'est indispensable d'avoir des mécanismes de solidarité pour ceux qui sont dans la difficulté, il ne s'agit pas de revenir en arrière, il s'agit de s'interroger sur 'est-ce que cette solidarité, elle peut s'accompagner de contreparties, d'activités, d'activités d'intérêt général ?'", a déclaré Édouard Philippe.
"Qu'est-ce qu'on demande à ceux qui bénéficient de la solidarité, est-ce qu'on demande quelque chose, et si oui, quoi ? À mon sens c'est une vraie belle question politique, c'est pas de la mécanique, c'est pas de la tuyauterie", a-t-il estimé. Il avait préalablement indiqué viser "les contreparties aux mécanismes d'assurance et mécanismes de solidarité", prenant d'ailleurs soin de préciser que ce "n'est pas tout à fait la même chose". Le chômeur indemnisé étant "dans une situation d'assuré, puisqu'il a cotisé", toute contrepartie "relèverait de la coercition", a-t-il souligné.
Édouard Philippe a rappelé l'initiative du conseil départemental du Haut-Rhin, qui demandait aux allocataires du RSA sept heures de bénévolat par semaine, se souvenant que cette initiative avait fait polémique.
Il a au final résumé la question en ces termes : "Le fait de demander à quelqu'un qui bénéficie d'une allocation chômage ou du RSA quelque chose, en contrepartie, au service de l'intérêt général, qu'est-ce que vous en pensez ?"

"Au moins se réinsérer par une heure dans un atelier d'insertion"

Ceci ne doit pas se "faire de façon punitive", a indirectement répondu dimanche la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. "On ne peut pas laisser quelqu'un au RSA toute sa vie sans lui proposer un parcours qui doit lui permettre de se réinsérer dans la société", a réagi la ministre sur LCI, pour qui "si l'on bénéficie d'aides sociales, on doit se projeter dans un parcours de réinsertion". Concernant les personnes les plus éloignées de l'emploi, comme certains SDF atteints de pathologies, "on ne peut pas dire : cette personne, c'est désespéré, elle ne pourra plus jamais être dans la société", a-t-elle poursuivi. "Tout le monde ne peut pas retourner vers l'emploi, nous le savons, mais au moins se réinsérer par une heure dans un atelier d'insertion, on s'aperçoit que c'est très bénéfique." Demander des contreparties, "il ne faut pas en faire une idéologie", a-t-elle insisté, estimant que "mieux accompagner dans la réinsertion et ne pas tout miser sur un revenu type RSA, c'est du bon sens".
On relèvera que l'une des questions posées sur le site granddebat.fr est pour sa part formulée en ces termes : "S'il faut selon vous revoir les conditions d'attribution de certaines aides sociales, lesquelles doivent être concernées ?"… et que parmi les nombreuses réponses d'internautes, celles qui suggèrent une activité obligatoire même minimale pour les allocataires ne manquent pas.
Dans le même temps, les commentaires se sont multipliés ce week-end dans la presse (une tribune de Julien Damon dans le Point par exemple) et sur les réseaux sociaux (y compris entre députés LREM, la députée Olga Givernet ayant regretté dans un communiqué que le Premier ministre ait profité du cadre du Grand Débat "pour glisser des idées qui lui sont propres et qui n'engagent en aucun cas la majorité"). Avec à peu près les mêmes arguments que ceux entendus au printemps dernier lorsqu'un débat semblable avait resurgi (voir nos articles ci-dessous). Sauf qu'entre-temps, l'exécutif a lancé son plan Pauvreté et son projet de "revenu universel d'activité", dont on connaît encore mal les contours, y compris sur ce qui sera attendu des bénéficiaires.

 

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