Effort de 10 milliards d'euros demandé aux collectivités : l'opposition grandit chez les élus locaux

Deux semaines après le président de l'Association des maires de France, les élus d'Intercommunalités de France se sont opposés à la proposition d'Emmanuel Macron de contraindre les collectivités à réaliser 10 milliards d'économies au cours des cinq prochaines années.

Intercommunalités de France a fait savoir, ce 6 mai, être hostile au "tour de vis budgétaire" qu'Emmanuel Macron a réclamé pour les collectivités territoriales, lors de la campagne pour l'élection présidentielle.

Réunis lors d'un conseil d’administration le 4 mai, les élus des instances d’Intercommunalités de France "se sont fermement opposés" au projet d'économies envisagé par le président sortant, aujourd'hui réélu.

Cet effort serait de 10 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat, avait indiqué le député (LREM) Laurent Saint-Martin qui représentait Emmanuel Macron lors d'une audition des candidats à la présidentielle organisée le 22 mars par France urbaine et Intercommunalités de France (voir photo). Dans le sillage du président de la République, qui s'était exprimé sur le sujet une semaine plus tôt, le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale avait laissé entendre que les collectivités seraient amenées à maîtriser l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement.

Proposition faite sans concertation

Le président de la République et son entourage projettent de remettre sur pied le dispositif qui, à partir de la mi-2018 et jusqu'au début de la crise sanitaire, avait plafonné les dépenses de fonctionnement des budgets principaux des 321 plus grandes collectivités et intercommunalités. C'est ce qu'aurait confié le ministre en charge des comptes publics lors d'une réunion avec des responsables des associations d'élus locaux, le 23 février à Bercy. "Sachez que la contractualisation financière, vous n'y échapperez pas", aurait alors glissé Olivier Dussopt à ses interlocuteurs.

Le nouvel effort souhaité par le locataire de l'Élysée n'est pas opportun, clame Intercommunalités de France. Qui rappelle que les collectivités "ont déjà consenties à des lourds efforts" avec la baisse des dotations entre 2014 et 2017, et soulignent que celles-ci sont confrontées actuellement aux "effets financiers de la crise internationale" (remontée de l’inflation et des taux d’intérêt, hausse des coûts de l’énergie et des matières premières…). Ces difficultés suffisent et il ne faut pas en ajouter, disent en synthèse les élus des intercommunalités. Sinon, le "développement des territoires, et l’organisation des services publics locaux" en pâtiront.

Sur la forme, ils font aussi remarquer que "cette proposition d’effort budgétaire, annoncée sans réelle concertation, interroge directement les relations entre État et collectivités". Il en va d'ailleurs de même de la proposition de suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ajoutent-ils.

"Les collectivités font partie de la collectivité"

Les élus de l'association présidée par Sébastien Martin mêlent ainsi leur voix à celle du président de l'Association des maires de France (AMF). À deux jours du second tour de l'élection présidentielle, David Lisnard (LR) appelait Emmanuel Macron à "donner une garantie aux collectivités territoriales sur la stabilité de leurs ressources". Dans une tribune publiée dans le Figaro, il déclarait : "C'est en renonçant à ce prélèvement supplémentaire [de 10 milliards d'euros] sur leurs moyens que pourra être bâtie une relation de confiance entre l'État et les collectivités, indispensable pour assurer le bon fonctionnement des pouvoirs publics, au bénéfice de tous les Français."

En privé, d'autres voix se font cependant entendre. Comme celle de Boris Ravignon, maire (LR) de Charleville-Mézières. "Lorsqu'un effort collectif est à réaliser, je ne suis pas choqué que les collectivités y soient pour leur part. Les collectivités font partie de la collectivité", estimait le président d'Ardenne métropole, lors d'un atelier en ligne du réseau Finances locales, le 1er avril. Mais il insistait aussi sur l'indispensable "association" des collectivités à la définition des "objectifs" et de la "manière" de réaliser les économies, ainsi que sur la nécessité que l'État respecte ses engagements. Or, ces aspects-là auraient été "systématiquement négligés" au cours du premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Au moment de la mise en place du dispositif de maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités, "la quasi-totalité des élus ont eu le sentiment de passer d'une logique de contrat à une logique de diktat", a confirmé Franck Claeys, délégué adjoint de France urbaine, au cours de ce séminaire en ligne.