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Ehpad : la CNSA se prononce pour un "bouclier social" avec un plafonnement du reste à charge

Marie-Anne Montchamp, la présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), se prononce, dans une interview à "L'Opinion", sur le futur projet de loi Grand Âge et autonomie : reste à charge, écarts entre départements, transformation du modèle de financement de la dépendance...

Dans une longue interview au quotidien économique "L'Opinion", Marie-Anne Montchamp, la présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), présente la contribution de la caisse à la préparation du futur projet de loi Grand Âge et autonomie. Après avoir rappelé que la prise en charge de la dépendance représente aujourd'hui un coût de l'ordre d'une trentaine de milliards d'euros par an "avec un financement assez complexe", l'ancienne secrétaire d'État sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, chargée notamment des personnes handicapées, n'hésite pas à remettre en cause certaines idées reçues.

Pas question d'encadrer les départements

Marie-Anne Montchamp estime ainsi "insupportable pour les classes moyennes" le reste à charge pour les résidents en Ehpad et leurs familles, qui peut aller jusqu'à 1.850 euros par mois pour la moitié des résidents. Elle propose donc d'apporter "une réponse institutionnelle, par exemple en instaurant un bouclier sanitaire, une sorte de plafonnement du reste à charge". Une solution différente de celle récemment suggérée par le président de la Mutualité française, qui préconise plutôt d'indexer le prix demandé par les Ehpad sur les revenus des résidents (voir notre article ci-dessous du 12 février 2019).

Interrogée sur les écarts importants entre les départements en matière d'aide sociale, la présidente de la CNSA rappelle que "les départements n'ont pas tous la même santé budgétaire et ne peuvent donc pas tous affecter la même somme aux personnes âgées". Elle invoque également les différences dans la dynamique du vieillissement selon les territoires. Mais pas question pour autant d'imposer des normes aux départements : "L'État moderne doit les accompagner dans leur responsabilisation territoriale, pas les encadrer. Après avoir indiqué le sens de sa politique publique, il faut que l'État passe la main à un opérateur de type agence, à l'image de la Caisse des Dépôts ou de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui les aide à produire une réponse territoriale." Une approche qui rappelle fortement celle mise en œuvre par la CNSA vis-à-vis des MDPH.

Affirmer la citoyenneté de la personne âgée

De façon plus large, Marie-Anne Montchamp juge que le modèle actuel de prise en charge du grand âge "n'est plus adapté aux besoins de la société" : le modèle économique des services à domicile est aujourd'hui très fragilisé et, côté hébergement, "on ne peut pas laisser le pays dans cette situation paradoxale de recherche pour ses parents de solutions qu'on ne voudrait pas pour soi-même". En dépit de ce regard très critique, elle estime néanmoins que "même s'il n'est pas idéal socialement, il faut soutenir le système actuel pour ne pas qu'il s'effondre sur lui-même". Mais il faut aussi "amorcer la transformation et définir un modèle de protection sociale cible qui recueille l'assentiment de tous.

Pour la présidente de la CNSA, cela passe notamment par l'affirmation de la citoyenneté de la personne âgée "jusqu'à la dernière seconde de sa vie", afin qu'elle se sente chez elle quel que soit l'endroit où elle se trouve effectivement. Les services d'aide à domicile et les Ehpad doivent donc "renforcer leur présence" et changer leurs pratiques, avec une meilleure prise en compte de l'aspect présentiel, même si "cela a un coût qu'il faudra chiffrer".

Un grand plan d'investissement pour l'adaptation du logement

Sur le financement, Marie-Anne Montchamp reste en revanche assez vague, se contentant d'affirmer que "'l'investissement doit être clair et massif". Elle estime cependant que les évaluations actuelles autour d'un besoin de financement supplémentaire de l'ordre de dix milliards d'euros ne sont " pas assez ambitieuses, surtout si on intègre le financement de l'aspect présentiel, un big bang dans les services à domicile et une politique active du logement pour les personnes âgées".

Sur ce dernier point, la présidente de la CNSA plaide pour "un grand plan d'investissement dans le logement, pour transformer les appartements existants et les rendre compatibles avec le maintien à domicile. Le financement doit être clairement identifié ; ce n'est pas à l'assurance maladie de supporter cette dépense" (en réalité, c'est plutôt l'assurance vieillesse, ndlr).