Emmanuel Macron maintient son cap

La réforme des retraites est "nécessaire" et doit être appliquée "avant la fin de l'année", a réaffirmé Emmanuel Macron ce 22 mars dans un entretien télévisé de 35 minutes dont l'horaire devait selon l'Élysée permettre de "parler aux territoires". Cette prise de parole à la veille d'une nouvelle journée de manifestations visait à tracer des perspectives et priorités pour les mois à venir. L'accent a été mis sur le travail et la réindustrialisation, sans changement de cap ni annonce nouvelle.

  • Retraites : "pas de regrets"

Emmanuel Macron a estimé que la réforme des retraites répondait à "l'intérêt général", à "une nécessité pour le pays". "Il n'y a pas 36 solutions" à part reculer l'âge légal de départ à 64 ans. Le chef de l'État a souhaité que le texte, qui a fait l'objet de "175 heures de débat" au Parlement, "poursuive son chemin démocratique" et entre "en vigueur d'ici la fin de l'année" pour notamment qu'1,8 million de retraités "commencent à être augmentés d'environ 600 euros par an en moyenne". Y renoncer, ç'eût été "mettre la poussière sous le tapis". "La formule magique qui est implicitement le projet de toutes les oppositions, c'est le déficit", a aussi jugé le chef de l'État. "Je n'ai pas de regrets", si ce n'est de ne "pas avoir réussi à convaincre", a-t-il dit.

  • Manifestations et violences

Revenant sur ses déclarations de la veille à l'Élysée, devant des parlementaires de sa majorité, sur "la foule" qui n'a "pas de légitimité face au peuple qui s'exprime, souverain, à travers ses élus", Emmanuel Macron a précisé que ces propos visaient les élus ayant subi des violences. "Des groupes utilisent l'extrême violence pour agresser des élus, qu'ils soient parlementaires ou maires, alors là ça n'est plus la République", a-t-il déclaré, citant l'invasion du Capitole par les partisans de Donald Trump et des lieux de pouvoirs à Brasilia par ceux de Jaïr Bolsonaro. "On ne peut accepter ni les factieux, ni les factions", "on ne tolérera aucun débordement", a-t-il martelé. Quant aux "blocages", il faut, a-t-il estimé, "pouvoir les lever quand ils empêchent une activité normale", en procédant à des réquisitions, par exemple s'agissant des ordures ménagères.

  • "Contribution exceptionnelle"

Assurant avoir entendu un "sentiment d'injustice", Emmanuel Macron a reconnu qu'il pouvait y avoir "parfois un peu de cynisme" du côté de certaines grandes entreprises : "Quand on a de grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu'elles en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions (…), là je vais demander au gouvernement de travailler à une contribution exceptionnelle permettant à leurs travailleurs d'en profiter."

  • "Aller chercher tous ceux qui sont au RSA"

Mais pour Emmanuel Macron, le "sentiment d'injustice" aurait aussi une autre origine : "Beaucoup de travailleurs disent 'vous nous demandez des efforts et d'autres ne travaillent jamais et ont quasiment la même vie et bénéficieront du minimum vieillesse'. C'est pour ça qu'il faut très vite aller chercher tous ceux qui sont au RSA et les aider à revenir vers l'emploi – les aider et les responsabiliser. Ce sera dans les réformes les plus importantes à venir : droits et devoirs renforcés pour les bénéficiaires du RSA, mieux les former et les accompagner, régler parfois leurs problèmes de logement, de transports, de garde d'enfants… mais faire revenir à l'emploi des personnes qui parfois n'y sont pas depuis des années voire des dizaines d'années au moment même où on a des besoins." Des propos qui ont vivement fait réagir, par exemple, l'association ATD Quart Monde ou Manuel Domergue de la fondation Abbé-Pierre.

  • Usure professionnelle et fins de carrières

"À côté de ça, ce qu'on entend dans la rue, c'est aussi des protestations sur le travail (…). Ils nous disent à 60 ans on est épuisé, on a le dos cassé", a poursuivi Emmanuel Macron, qui compte d'ici quelques semaines "réengager avec les partenaires sociaux" des discussions "sur des sujets très concrets, l'usure professionnelle et la reconversion de fin de carrière". Ainsi que sur la "progression des carrières" en termes de rémunérations et sur "une réponse pour tous les métiers insuffisamment payés" dans "toutes les branches qui sont en-dessous du minimum légal". Il se donne "trois semaines à un mois" pour "définir les objectifs et la méthode" sur ce "sujet essentiel".

  • Un nouveau "programme de gouvernement"

Élisabeth Borne, à qui il a renouvelé sa confiance, se voit chargée de "bâtir un programme législatif et un programme de gouvernement pour avoir moins de textes de loi, des textes plus courts, plus clairs". Il s'agira d'une démarche de "co-construction d'un agenda parlementaire avec l'ensemble des forces des deux chambres", avec la volonté de "continuer à élargir cette majorité autant que [la Première ministre] le pourra avec des femmes et des hommes de bonne volonté, de droite, de gauche, ou du côté de l'écologie, qui sont prêts, sur les priorités, à avancer avec elle", au moins "texte par texte". Et sachant que "tout ne passe pas par la loi", l'exécutif entend aussi travailler "de façon très concrète avec les élus sur le terrain, les services de l'État…". En fin d'interview, Emmanuel Macron a ajouté : "Le conseil national de la refondation, un engagement avec les territoires, c'est ce que je veux continuer", avec "des élus locaux formidables d'engagement".

  • Immigration : le texte redécoupé

Première traduction : le projet de loi immigration sera scindé en "plusieurs textes" dans "les prochaines semaines". Ce texte controversé de toutes parts ne sera donc pas examiné la semaine prochaine au Sénat. Le gouvernement et la majorité prévoient désormais un "projet de loi plus court et plusieurs propositions de loi", a précisé à l'AFP un conseiller. Initialement, le projet de loi prévoyait à la fois une série de mesures pour faciliter les expulsions des étrangers délinquants et un volet intégration, notamment par un titre de séjour dans les "métiers en tension". Selon des sources parlementaires, confirmées de sources proches de l'exécutif, c'est le président du Sénat, Gérard Larcher, qui a demandé ce report mardi à Emmanuel Macron, lequel l'a accepté. La semaine dernière, les sénateurs avaient sensiblement durci le texte en commission des lois, par exemple sur les conditions d'accès au regroupement familial ou sur la suppression de l'aide médicale d'Etat.

  • Réindustrialisation

Emmanuel Macron dit avoir fait de "la bataille du plein emploi et de la réindustrialisation" une priorité depuis 2017, ceci impliquant "d'assumer les choix fiscaux qu'on a fait pour les entreprises". Et il compte toujours "gagner la bataille de l'industrie décarbonée" et "réindustrialiser des terres qui ont tant souffert" : "Les Hauts-de-France, où on va faire l'un des bastions des batteries électriques, l'est de la France où on va le faire sur l'hydrogène, etc.".

  • "L'ordre républicain"

"L'ordre républicain" sera le deuxième "cap" : "200 brigades de gendarmerie vont être ouvertes partout sur le territoire, il n'y a pas besoin de loi pour ça", a déclaré Emmanuel Macron (on relèvera que cette mesure figure en réalité bien dans une loi, la récente Lopmi), qui a également évoqué les effectifs de la justice avec "plus de juges, plus de greffiers".

  • École, santé, eau

"La troisième priorité, ce sont les progrès pour mieux vivre", a-t-il poursuivi, plaçant derrière cette formule "l'école, la santé, l'écologie". Avec peu de développements sur ces trois champs.
Ainsi, sur l'école, seuls deux points ont été évoqués : "Je veux qu'à la rentrée prochaine, on puisse remplacer du jour au lendemain les profs dans les classes" et "dans la ruralité, qu'on puisse améliorer la réponse [au lieu de fermer une école] avec des classes multiniveaux, des internats ruraux… donc qu'on réponde aux besoins de la ruralité sur le scolaire". Et la réforme le lycée professionnel reste bien d'actualité.
Sur la santé, il va s'agir en premier lieu de "donner un médecin traitant aux 600.000 personnes qui ont une affection de longue durée ou sont âgées". L'hôpital et "les déserts médicaux" ont simplement été mentionnés.
Enfin, sur "l'écologie", seule la problématique de l'eau a été abordée avec, "dès les prochaines semaines", la présentation du "plan eau" : "On doit gagner la bataille pour la sobriété en matière d'eau. Et donc tous faire une petite part d'effort pour préserver notre eau, mieux réutiliser l'eau, changer les usages."

 

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