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En 2018, le niveau de vie a augmenté, la pauvreté et les inégalités aussi

L'étude annuelle de l'Insee sur l'évolution des niveaux de vie montre que le niveau de vie médian des Français a continué de progresser en 2018 (+0,3% en euros constants). Mais pas pour les premiers déciles (les plus modestes). Principale explication, la réforme des allocations logement. Ainsi que celle de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). De ce fait, les inégalités s'accroissent. Tout comme le taux de pauvreté monétaire.

Comme chaque année, l'Insee publie son étude sur l'évolution des niveaux de vie. Cette livraison porte sur les résultats de l'année 2018, en se fondant sur les résultats de l'enquête "Revenus fiscaux et sociaux". Si le niveau de vie continue d'augmenter, les inégalités tendent toutefois à s'accroître, tout comme le taux de pauvreté. Des résultats définitifs qui confirment l'"estimation avancée" publiée par l'Insee en octobre dernier (voir notre article du 17 octobre 2019). En cause notamment : l'impact de la réforme des aides personnelles au logement, entrée en vigueur durant cette année.

Le niveau de vie médian en hausse de 0,3%, mais avec des écarts

Côté positif, le niveau de vie médian des Français (revenu disponible d'un ménage divisé par son nombre d'unités de consommation) a continué de progresser en 2018, poursuivant sur sa lancée depuis 2013. Le niveau de vie annuel médian d'un ménage s'élève ainsi à 21.250 euros, soit 1.771 euros par mois. Le revenu disponible est dès lors de 1.771 euros pour un ménage composé d'une personne seule (division par un) et de de 3.719 euros par mois pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans.

Ce niveau de vie médian progresse de 0,3% en euros constants (déduction faite de l'inflation) en 2018, proche de sa progression moyenne depuis cinq ans (+0,4% par an). Compte tenu du fort impact négatif de la crise financière de 2009-2009, ce niveau de vie médian est pourtant juste un peu plus élevé (+1%) que celui d'il y a dix ans.

Cette évolution du niveau de vie n'est toutefois pas uniforme. Ainsi, en 2018, le niveau de vie diminue pour les trois premiers déciles (de -1,6% en euros constants pour le premier décile à -0,4% pour le troisième), alors qu'il augmente légèrement pour des autres déciles (jusqu'à +0,6% pour le neuvième décile). Cette évolution s'inscrit en outre dans la durée. En dix ans, le niveau de vie plafond du premier décile a ainsi diminué de 2,9%. À l'inverse, le niveau de vie plancher du dernier décile a augmenté, sur la même période, de 0,6%, pour atteindre 39.130 euros. Ceci lui permet de dépasser légèrement (+0,7%) son niveau d'avant la crise économique de 2008. L'Insee observe que "depuis dix ans, la progression du niveau de vie des plus aisés entamée au milieu des années 2000 a ralenti et se poursuit à un rythme proche de la médiane, à l'exception d'une nette baisse en 2012 et 2013".

Les effets de la réforme des aides au logement

Sur 2018, l'Insee indique que "la baisse du premier décile s'explique surtout par celle des allocations logement. Sans celle-ci, il ne diminuerait que de 0,3%". En effet, "la réforme de la réduction du loyer de solidarité (RLS) a simultanément baissé les allocations logement des ménages du parc social et réduit les loyers dans ce parc d'un montant équivalent". Le problème est que les indicateurs de niveau de vie prennent seulement en compte la réduction des allocations logement (puisque c'est une baisse de revenus), alors que les réductions de loyers concernent une dépense. Il faut par ailleurs ajouter à la baisse de 5 euros par mois des APL le gel de leur barème en 2018. La réforme de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) a également pesé sur le niveau de vie des plus modestes. À l'inverse, les revalorisations des minima sociaux (RSA et AAH) ont contribué à le rehausser.

Les inégalités progressent, là aussi sous l'effet des APL

Conséquence : les inégalités de niveau de vie s'accroissent nettement en 2018. L'Insee relève que "les principaux indicateurs d'inégalités de niveau de vie sont en nette hausse entre 2017 et 2018. Ils dépassent leur niveau de 2008, mais restent inférieurs au point haut de 2011". L'indice de Gini – principal indicateur de mesure des inégalités (égal à 0 si tout le monde à le même niveau de vie et à 1 si une seule personne possède tout le revenu) – passe ainsi de 0,289 en 2017 à 0,298 en 2018. Plus concrètement, les 20% les plus aisés perçoivent 39% de la masse totale des niveaux de vie et les 20% les plus modestes seulement 9%, soit une part des niveaux de vie 4,4 fois plus importante pour les premiers.

Pour sa part, le rapport interdécile D9/D1 - rapport entre le niveau de vie plancher des 10% les plus aisés et le niveau de vie plafond des 10% les moins aisés - est de 3,5 en 2018 (+0,07 point sur un an). Cette évolution est d'autant plus à signaler qu'après un repli en 2012 et 2013, dû à la baisse décalée des plus hauts niveaux de vie, les inégalités de niveaux de vie s'étaient stabilisées jusqu'en 2017.

Un taux de pauvreté monétaire à 14,8%

Pour sa part, et de façon concomitante, le taux de pauvreté monétaire à 60% du revenu média (soit 1.063 euros par mois), progresse de 0,7 point pour atteindre 14,8% de la population. Le niveau de vie médian des personnes pauvres augmente néanmoins comme celui de l'ensemble de la population en 2018 (+ 0,4%). L'Insee a par ailleurs calculé que, si on considérait la réduction de loyer via la RLS comme un gain en revenus et non comme une baisse des dépenses, la hausse du taux de pauvreté n'aurait été que de 0,3 point. En 2018, 9,3 millions de personnes vivaient ainsi en dessous du seuil de pauvreté, soit 400.000 de plus qu'en 2017. La hausse de 2018 contraste avec la période de stabilisation entre 2014 et 2017. En revanche, l'intensité de la pauvreté – qui mesure à quel point le niveau de vie de la population pauvre est éloigné du seuil de pauvreté – reste stable depuis quatre ans, autour de 19,6.

En termes de catégories socioprofessionnelles, le taux de pauvreté progresse plus rapidement chez les retraités (+1,1 point), même si, avec un taux de 8,7%, il reste nettement inférieur à celui de l'ensemble de la population. Leur niveau de vie médian recule en effet de 1,9% en euros constants en 2018, sous l'effet de la non-revalorisation des retraites servies par le régime général et de la hausse du taux de CSG. À l'inverse, le niveau de vie médian des personnes en emploi progresse de 1,3% en 2018 et leur taux de pauvreté est quasi stable (+0,2 point) à 8,4%. Le taux de pauvreté des chômeurs varie peu également (+0,2 point), mais demeure plus de quatre fois supérieur à celui des personnes en emploi (37,8 % contre 8,4 %).

 

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