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Démocratie territoriale - En Occitanie, une assemblée consultative redonne une place à tous les territoires

L'assemblée des territoires de l'Occitanie s'est réunie pour la seconde fois, le 31 mars. Composée d'élus locaux, l'instance doit permettre notamment aux territoires les moins bien représentés dans l'hémicycle du conseil régional, de faire entendre leur voix sur les dossiers régionaux.
 

Vaste comme les Pays-Bas et la Belgique réunis, la région Occitanie ne veut pas être une institution "hors-sol". Pour garder les pieds sur le terrain, elle installe des maisons de la région dans chacun de ses 13 départements et, en parallèle, promeut une assemblée des territoires, instance locale inédite en France.
"Pendant la campagne électorale, nous avons constaté qu'une large partie des territoires étaient extrêmement inquiets d'être oubliés", explique Gérard Onesta, président (Les Verts) du bureau de l'assemblée du conseil régional et l'un des principaux architectes du projet. Il reconnaît que "le maillage civique et républicain les a visiblement exclus". Comment la Lozère, par exemple, peut-elle faire entendre sa voix dans l'hémicycle régional avec seulement deux représentants, soit 18 fois moins que pour la Haute-Garonne ? De surcroît, la conférence territoriale de l'action publique (CTAP), qui se réunit sous la houlette de la présidente de la région, tend à reproduire le problème, puisque les collectivités de grande taille y sont, là encore, mieux représentées que les plus modestes. La nouvelle majorité de gauche prend l'enjeu très au sérieux, notamment parce que dans ces territoires qui se sentent marginalisés, la progression de l'extrême droite a été forte, comme l'observe l'élu EELV.

Un découpage de la région en 73 bassins de vie

Notamment sous son impulsion et celle de la présidente Carole Delga, les services de la collectivité née il y a un peu plus d'un an se sont donc penchés sur les cartes de la région pour parvenir à un découpage en 73 bassins de vie, qui collent à la réalité quotidienne des habitants. Chacun d'eux dispose de deux sièges, à l’exception de deux "micro-bassins de vie" qui n'en ont qu'un chacun. Les représentants (un homme et une femme) ont été désignés localement par les instances des territoires de projet (pays, pôles d'équilibre territorial et rural, parcs naturels régionaux, EPCI…) parmi les élus locaux qui ne sont pas membres du conseil régional. 14 sièges supplémentaires ont été attribués aux territoires les plus peuplés. "L'écart de représentation entre la Lozère et la Haute-Garonne est ainsi de moins de 1 à 2 au sein de l'assemblée des territoires", souligne Gérard Onesta. Au total, l'instance comprend 158 membres, soit exactement le nombre des élus régionaux.
Ce nouvel organe a un rôle "consultatif et de proposition", selon la délibération du 26 mai 2016 qui a entériné sa création. Le conseil régional peut le saisir sur "les chantiers structurants et les grandes réflexions qu'il mène". De la même façon, l'assemblée des territoires peut saisir le conseil régional, ce qui est "très original", souligne Gérard Onesta. L'assemblée des territoires a aussi vocation à "favoriser le développement des expérimentations", dans le but de "répondre au plus près aux attentes et aux besoins locaux", indique Carole Delga. Il s'agit, enfin, de favoriser les échanges d'expériences entre les élus, ajoute Gérard Onesta. La région entend "prendre en compte toute la diversité territoriale et inscrire l’action régionale dans la proximité et le dialogue, afin de garantir un aménagement équilibré des territoires", résume la présidente de la région.

Quatre groupes de travail permanents

Installée le 4 novembre dernier, à Albi, la nouvelle assemblée a déjà contribué à la rédaction d'un appel à manifestation d’intérêt lancé par la région, en décembre dernier, pour encourager le développement des tiers-lieux, c'est-à-dire des espaces de travail pour les travailleurs mobiles. Une petite pierre apportée à l'édifice régional. La seconde séance plénière de l'institution, qui s'est déroulée le 31 mars dernier, à Frontignan, a été l'occasion de passer à la vitesse supérieure. La région a saisi l’assemblée des territoires officiellement sur quatre sujets : "la politique des bourgs-centres", "le tourisme créatif", "les circuits alimentaires de proximité en restauration collective" et "les usages numériques et collaboratifs au service du développement territorial".
Quatre groupes de travail permanents, dédiés respectivement à l'attractivité et à l'innovation, à la qualité de vie et à la cohésion sociale, aux solidarités territoriales et au territoire en transition durable se réuniront entre mi-mai et début juin, puis régulièrement, pour répondre à ces saisines. Quant à l'assemblée plénière, il est prévu qu'elle siège deux fois par an. Ces travaux nourriront les réflexions sur les futurs dispositifs de la région, notamment pour faciliter "leur adaptation aux besoins réels et spécificités de terrain", selon Carole Delga.
Attrayante dans ses principes, la nouvelle institution n'a pas fait totalement l'unanimité, au vu des quelques critiques émises sur la toile. Par exemple, sur Twitter, Bernard Cottaz-Cordier, co-secrétaire départemental du Parti de gauche dans le Tarn a dénoncé "l'entre-soi des élus, à l'opposé de l'implication citoyenne". La région a volontairement séparé l'assemblée des territoires - composée uniquement d'élus locaux - et les "outils de la citoyenneté active", qui seront prochainement mis en place - à partir des 73 bassins de vie - pour faire vivre la participation citoyenne, répond Gérard Onesta. L'élu dit aussi avoir tiré les enseignements de l'expérience mitigée de la toute première assemblée des territoires, mise en place en 2011 par la région Pays de la Loire. Constituée d'élus, mais aussi de représentants des conseils de développement et des chambres consulaires, l'instance consultative aurait été compliquée à faire fonctionner. L'organe homonyme installé en Occitanie devra certainement éviter cet écueil.

"J'ai apprécié de rencontrer des élus d'autres départements"
Annie Bel, maire de Saint-Sernin-sur-Rance, est l'un des deux représentants titulaires du territoire de Saint-Affrique (Aveyron). Présente lors de la séance d'installation du 4 novembre 2016, elle a apprécié de pouvoir rencontrer des élus d'autres départements et d'échanger avec eux sur des questions communes concernant en particulier le développement rural. La rencontre était-elle une grand-messe ? Oui, répond l'élue sans hésiter. Mais, elle s'en arrange : "nous étions obligés d'en passer par là". A l'avenir, il sera indispensable, selon elle, de travailler en ateliers thématiques. C'est ce type d'organisation que semble opportunément privilégier l'assemblée. Toutefois, l'élue redoute que les réunions des groupes de travail soient organisées dans une ville éloignée de sa commune.