Énergies renouvelables : exit le "droit de veto" des maires sur l'implantation des projets, place à la planification par zones

Lors de la première journée d'examen en séance du projet de loi d'accélération des énergies renouvelables (EnR), ce 3 novembre, un compromis a été trouvé entre les sénateurs et le gouvernement sur la question du droit de "veto" des maires sur l'implantation des projets, qui avait été introduite en commission. Les élus se verront à la place conférer l'initiative sur la définition de zones prioritaires pour accueillir ces projets, ainsi qu'un droit de contrôle.

L'un des principaux points de divergence entre le gouvernement et les sénateurs sur le projet de loi Énergies renouvelables (EnR) a été levé ce 3 novembre, lors de la première journée d'examen en séance des articles du texte. À l'initiative du rapporteur LR Didier Mandelli, les élus de la chambre haute avait fait adopter en commission une mesure très controversée visant à donner aux maires une forme de droit de "veto" pour pouvoir s'opposer à tout projet d'énergie renouvelable, y compris pour les communes limitrophes "en visibilité" dudit projet. Au terme de longues discussions à la fois techniques et sémantiques, cette disposition a finalement été supprimée dans l'hémicycle par un vote à main levée, au profit d'un dispositif alternatif assez complexe proposé par la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

Il combine la proposition votée en commission d'une planification "ascendante", partant des territoires, avec un amendement du gouvernement permettant aux maires d'avoir "le dernier mot" pour la phase d'application. "Chaque maire définit des zonages dans lesquels il peut ou souhaite recevoir des énergies renouvelables", a détaillé la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas (LR). "Tout ça est agrégé et va redescendre dans les documents d'urbanisme opposables - Scot, PLUi, PLU". Un sous-amendement du rapporteur pour avis Patrick Chauvet (centriste) "précise que la commune doit donner son accord. Si la commune n'est pas d'accord avec le zonage, alors pas d'énergies renouvelables", a-t-elle indiqué.

Validation "à l'échelle d'une zone"

Selon la ministre, il ne s'agirait plus d'une validation "projet par projet", mais "à l'échelle d'une zone". "On remet le maire au centre du développement des énergies renouvelables", a assuré la ministre. "On prendra le temps de travailler le texte" dans la suite de la navette, a-t-elle assuré, pour "faire en sorte que ce ne soit pas une usine à gaz trop complexe pour les élus des territoires". "Si nous ne votons pas ça, le maire est nu", a fait valoir Sophie Primas. "Je pense que nous avons là un bon dispositif général qu'il convient encore d'affiner", a-t-elle estimé. Didier Mandelli, lui, s'est félicité dans un communiqué d’"avoir convaincu le gouvernement de la nécessité d’une planification territoriale du développement des énergies renouvelables dans une logique ascendante, partant du terrain et donnant des outils aux élus locaux, au plus près des populations". Selon lui, "c’est grâce à ce dialogue responsable et constructif avec le gouvernement qu’un compromis équilibré a pu être trouvé, de nature à accompagner le développement des énergies renouvelables sans mettre de côté les élus locaux, en particulier les communes, qui sont en première ligne".

Mais dans l'hémicycle, au fur et à mesure de l'avancée des débats, les questionnements ont été nombreux, avec des incompréhensions sur tous les bancs. "Il y a encore des zones de difficultés", a relevé Philippe Mouiller (LR). Des interrogations surtout sémantiques, autour des termes de "zones prioritaires" ou de "zones propices" sont aussi apparues. Cette notion "mériterait d'être clarifiée", a estimé le centriste Laurent Lafon. "Je ne m'y retrouve plus", a avoué André Reichardt (LR), pour qui "le dispositif a déjà du plomb dans l'aile" avec l'adoption d'un amendement de l'écologiste Ronan Dantec prévoyant la possibilité de corriger au niveau régional des "éventuels manquements" en termes d'objectifs. "Le prioritaire n'est pas exclusif et ceux qui ne veulent pas jouer le jeu auront aussi des énergies renouvelables", a dit Ronan Dantec. "Il n'y aura pas un droit de veto préalable, mais au bout du bout, ça revient à ça", a affirmé de son côté Fabien Gay (CRCE à majorité communiste).

Un amendement ZAN

Parmi les autres amendements adoptés ce 3 novembre, les sénateurs ont voulu reconnaître le rôle des départements dans la transition énergétique des territoires, en les rendant destinataires, à l’instar des autres collectivités, du document élaboré par l’autorité compétente de l’État identifiant les objectifs indicatifs de puissance à installer sur le territoire et en lui donnant toute sa place dans le choix des zones qui verront l’implantation d’installations de production d’EnR et d’hydrogène vert et bas-carbone. Contre l'avis du gouvernement, ils ont adopté un amendement issu des travaux de la mission conjointe de contrôle pour la mise en application du ZAN (zéro artificialisation nette) visant à sortir des enveloppes régionales les grands projets nationaux. Pour préserver les marges de manoeuvre des collectivités territoriales, ont fait valoir les élus LR et Indépendants à l'origine de la disposition, ces grands projets seraient comptabilisés à part, dans le cadre d'une enveloppe nationale.
Les sénateurs ont en outre autorisé le recours à la modification simplifiée des plans locaux d'urbanisme (PLU) afin que les communes et EPCI puissent y délimiter les secteurs de réglementation des sites d’ENR, introduits par la loi 3DS. Ils ont également élargi au-delà des seules éoliennes le champ d’application de l’article L. 151-42-1 du code de l’urbanisme permettant au règlement du PLU de délimiter les secteurs dans lesquels l’implantation d’installations de production d'EnR peut être soumise à conditions, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant. Ils ont aussi instauré la consultation pour avis simple de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) dans le cadre d’une procédure de modification simplifiée du plan local d’urbanisme.

Contrôles renforcés sur les éoliennes terrestres

Des contrôles renforcés pour les éoliennes ont également été introduits. Ainsi, l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France (ABF) a été étendu aux projets de parcs éoliens terrestres qui entrent dans le champ de visibilité d’un monument historique ou d’un site patrimonial remarquable, dans un rayon de 10 kilomètres. De plus, l’implantation des éoliennes situées à moins de 1.500 mètres des habitations est subordonnée à un contrôle effectif des nuisances sonores.
Les sénateurs ont en outre voulu garantir un délai de 30 jours d’enquête publique pour les projets concernés et rétabli la possibilité laissée aux préfets, qui était supprimée par le texte initial du projet de loi, de choisir d’organiser une enquête publique plutôt qu’une participation du public par voie électronique dans les cas où une enquête publique n’est pas obligatoirement requise en application du régime d’évaluation environnementale. L’article 4 du projet de loi, relatif à la présomption d’une raison impérative d’intérêt public majeur (R2IPM), a été recentré sur les seuls projets concernant les EnR, en particulier lorsque la déclaration d’utilité publique vaudra reconnaissance du caractère d’opérations répondant à des R2IPM et les conditions prévues initialement dans le texte pour permettre aux projets ENR de bénéficier d’une présomption de R2IPM ont été rétablies.
Les sénateurs ont aussi souhaité reconnaître d’utilité publique les travaux associés à la construction et l’exploitation d’une canalisation de transport lorsque celle-ci contribue à l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone.
Enfin, ils ont voulu réduire le temps procédural en portant le recours contre les projets de gaz renouvelables directement devant le Conseil d’État, qui statuera en premier et dernier ressort, et appliquer les dispositions relatives à la rationalisation du contentieux des autorisations environnementales aux litiges en cours.