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Enquête Pisa 2018 : de très fortes inégalités sociales

Selon l'enquête Pisa 2018 menée par l'OCDE dans 79 pays, les élèves français de quinze ans obtiennent des résultats légèrement au-dessus de la moyenne. La France conserve un gros point noir : les inégalités sociales y restent très fortes.

L'enquête Pisa 2018 "Savoirs et savoir-faire des élèves, volume I" portant sur les performances des élèves de quinze ans en compréhension de l'écrit, mathématiques et sciences a été publiée ce mardi 3 décembre 2019 par l'OCDE. Et le moins que l'on puisse dire est que ses conclusions n'incitent pas à l'optimisme. En France, les inégalités sociales restent très fortes. Depuis la dernière enquête Pisa qui mettait l'accent sur la lecture, en 2009, "elles ne se sont pas aggravées mais leur niveau est toujours très inquiétant", souligne Eric Charbonnier, spécialiste de l'éducation à l'OCDE, contacté par l'AFP.
Ainsi, environ 20% des élèves favorisés - appartenant au quart supérieur de l'indice Pisa du statut économique, social et culturel -  mais seulement 2% des élèves défavorisés, sont parmi les élèves très performants en compréhension de l'écrit, contre 17% et 3% en moyenne dans les pays de l'OCDE.
Les performances en mathématiques et en sciences sont également fortement corrélées avec le statut socio-économique.
Par ailleurs en France, un élève défavorisé sur cinq ayant de bons résultats ne prévoit pas de terminer ses études supérieures, alors que cette proportion est très faible parmi les élèves favorisés.

Seuls Israël, le Luxembourg ou la Hongrie plus inégalitaires que la France

Seuls quelques pays sont plus "inégalitaires" que la France: Israël, le Luxembourg ou la Hongrie. "Notre système d'éducation n'a pas agi assez vite sur les leviers qui permettent de réduire les inégalités en investissant sur les enseignants, les petites classes ou les établissements défavorisés", conclut M. Charbonnier.  "Contrairement à l'Allemagne, la France a mis du temps à réagir", estime-t-il.
Depuis 2012, la France a décidé de mettre l'accent sur l'école primaire ou sur les écoles des quartiers défavorisés. Le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer a ainsi mis en oeuvre une réduction des effectifs des classes de CP, CE1 en REP et REP+. "L'amélioration des résultats va passer en priorité par l'école primaire", veut croire Jean-Michel Blanquer, en rappelant aussi la mise en place d'une aide personnalisée au collège - les "devoirs faits" - et en insistant sur le "volontarisme" de son ministère pour améliorer la formation initiale et continue des professeurs.
"Il faut espérer que les mesures prises vont porter leurs fruits et seront peut-être visibles dans l'étude Pisa en 2027" (quand les élèves aujourd'hui en primaire seront à l'âge de répondre à l'étude), relève Eric Charbonnier. En attendant, l'OCDE recommande une réflexion plus globale sur le métier d'enseignant, ou sur les filières professionnelles qui sont encore choisies en France "par défaut", et où se concentrent un grand nombre d'élèves défavorisés.

Globalement, la France se classe en 18e position parmi les 37 pays de l'OCDE et se trouve devancée par cinq "systèmes d'éducation" d'Asie du Sud-Est, partenaires de l'OCDE inclus dans l'étude. Dans les trois domaines considérés, elle affiche une performance très légèrement au-dessus de la moyenne : 493 points en compréhension de l'écrit, pour une moyenne de 487 ; 495 points en mathématiques (489 en moyenne) et 493 en sciences (489 en moyenne). La première place revenant à la Chine (Pékin, Shanghai, Jiangsu et Zhejiang) avec 555 points en compréhension de l'écrit, 591 points en mathématiques et 590 points en sciences.

Le pourcentage d’élèves français très performants dans au moins un des domaines est également conforme à la moyenne : 15,9% contre 15,7% pour l'ensemble de l'OCDE. Quant au pourcentage d’élèves peu performants dans les trois domaines, il s'élève à 12,5%, contre 13,4% pour l'ensemble de l'OCDE.

"Sachant que les dépenses par élève dans l’enseignement primaire et secondaire ont augmenté de plus de 15% dans les pays de l’OCDE en une dizaine d’années, il est décevant de constater que la performance des élèves n’a augmenté dans pratiquement aucun pays de l’OCDE depuis la première évaluation Pisa, en 2000", observent les rapporteurs, avant de préciser : "En fait, la performance des élèves en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences a augmenté au fil des évaluations Pisa dans seulement 7 des 79 systèmes d’éducation, dont un seul, le Portugal, est membre de l’OCDE." En moyenne, dans les pays de l’OCDE, la performance moyenne en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences est en effet restée stable entre 2015 et 2018.

Le nombre d'élèves peu performants en augmentation

En revanche, lorsqu'on s'attarde sur l'évolution des performances, les résultats français s'avèrent plus négatifs. Sur le long terme (depuis le début des enquêtes Pisa, en 2000), la performance en mathématiques est de -3 points, contre une baisse moyenne de -1 point pour l'ensemble de l'OCDE. Sur le court terme (évolution depuis l'enquête Pisa 2015), le niveau en compréhension de l'écrit est de -7 points, alors que la baisse globale dans l'OCDE est de -3 points.

En outre, le pourcentage d’élèves peu performants en compréhension de l’écrit en France a augmenté entre 2009 et 2018, passant de 19,8% à 20,9%. Tandis que sur la même période, le pourcentage d’élèves très performants en compréhension de l’écrit a reculé, s'établissant à 9,2% contre 9,6% neuf ans auparavant.

Pisa est un programme international de l’OCDE qui évalue tous les trois ans "dans quelle mesure les élèves de quinze ans possèdent des connaissances et compétences essentielles pour participer pleinement à la vie sociale et économique". Il a été conçu dans l’intention "d’aider les chefs d’établissement et les responsables politiques à changer de perspective". En 2018, environ 600.000 élèves, représentatifs des quelque 32 millions d’élèves de quinze ans scolarisés dans les 79 pays et économies participants, ont passé les épreuves. Pour la France, 6.300 élèves scolarisés dans 252 collèges et lycées étaient concernés.