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Enseignement des langues régionales : un rapport pour sécuriser les écoles immersives

La mission parlementaire sur l'enseignement des langues régionales a rendu son rapport. Elle propose des pistes à court et long termes pour sécuriser l'enseignement immersif, récemment censuré par le Conseil constitutionnel. Des pistes qui, toutes, restent juridiquement fragiles.

Il existe bien des points de convergence entre les exigences constitutionnelles et les pratiques actuelles de l’enseignement immersif des langues régionales, estiment les députés Christophe Euzet et Yannick Kerlogot dans leur rapport sur l'enseignement des langues régionales, remis au Premier ministre le 21 juillet 2021.

L'immersion, un dispositif pertinent

En fait d'enseignement des langues régionales, le rapport se focalise sur la méthode immersive, soit l'utilisation de la langue régionale pour tous les apprentissages et la vie de l'école. Le 8 avril 2021, la loi relative à la promotion et à la protection des langues régionales avait fait entrer cette méthode pédagogique dans le code de l’éducation. Le 21 mai, cette disposition était censurée par le Conseil constitutionnel. Ce qui avait fait craindre la disparition des réseaux associatifs d'écoles privées sous contrat pratiquant l'immersion. Comment conforter l'action de ces réseaux ? C'est à cette question que les deux députés étaient invités à répondre.
Christophe Euzet et Yannick Kerlogot se veulent d'abord rassurants sur la place des langues régionales dans l'espace public. "Ces langues régionales autochtones ne sauraient être regardées comme une menace, mais bien plutôt comme un trésor, un patrimoine que la République doit se donner pour mission de faire fructifier", écrivent-ils. Et ce d'autant plus que de nos jours, selon eux, "la langue maternelle est désormais presque toujours le français et la découverte de la langue régionale se fait dans le cadre scolaire." Le trésor est donc fragile. Quant à la pertinence de l'immersion, les rapporteurs affirment qu'elle "semble faire consensus chez les linguistes". Voilà pour le constat.

Solution pour la rentrée 2021

Dès lors, leurs propositions visent à permettre la sécurisation des établissements pratiquant l’immersion et à garantir la constitutionnalité de leurs pratiques. À très court terme, pour la rentrée 2021, les rapporteurs prône un "acte de droit souple" (instruction, lettre aux recteurs) pour sécuriser l’existant en s'appuyant sur l’article L. 312-10 du code de l’Éducation qui dispose que les modalités d'enseignement des langues régionales sont définies par voie de convention entre l'État et les collectivités territoriales. Cela en définissant de manière précise et limitative l’enseignement immersif : caractère facultatif, objectif du bilinguisme et de la maîtrise égale de la langue française et de la langue régionale, etc. Les rapporteurs jugent toutefois le risque contentieux "extrêmement élevé" pour cette solution.
Autre proposition : signer des avenants aux contrats d’association et aux conventions État-collectivités visant à renforcer la place du français dans le temps scolaire, sans pour autant parvenir à la parité horaire, par exemple à travers l’introduction de l’enseignement du français à l’écrit à partir du CE1, au lieu du CE2.
À plus long terme, les rapporteurs estiment "souhaitable d’ouvrir un travail de définition de l’enseignement immersif de nature à le rendre pleinement compatible avec les motifs de la décision du Conseil constitutionnel". Tout en reconnaissant dans l'immédiat l'inexistence d'un véhicule législatif approprié.

Casse-tête constitutionnel

Dernière solution envisagée : la révision constitutionnelle. Si elle n'est pas jugée opportune à une brève échéance par les rapporteurs, ceux-ci considèrent qu'à plus long terme, dans le cadre d’une révision globale portant sur un ensemble d’articles, une telle solution "permettrait de donner une consistance concrète, vivante et appliquée à l’éducation à cet article [75-1] au terme duquel les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France". Cette hypothèse conduirait à un autre casse-tête juridique : le Conseil constitutionnel pourrait alors être amené à articuler dans son contrôle l’article 2 de la Constitution, qui dispose que "la langue de la République est le français" et dont la suppression ne saurait être envisagée, avec les dispositions nouvellement intégrées.
Par ailleurs, les rapporteurs souhaitent la création d’un conseil national de l’enseignement des langues régionales. Son but : bâtir une stratégie nationale cohérente sur tous les domaines qui touchent à l'enseignement des langues régionales. Un conseil national dont la composition ne ferait aucune place aux élus territoriaux ès qualités, quand bien même Régions de France avait unanimement pris position en faveur de la défense de ces langues.
120.000 enfants apprennent actuellement une langue régionale dans un établissement scolaire, dont 15.000 sont inscrits pour septembre 2021 dans des écoles pratiquant la méthode immersive.