Entre redressement des comptes et engagement de réformes, le PLFSS 2023 veut tourner la page Covid

Sur la base de projections optimistes sur le front du Covid, le gouvernement présente un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 qui cherche à concilier "soutenabilité" financière et engagement de réformes structurelles. Au programme : la création d'une quatrième année d'études spécialisées pour la médecine générale, potentiellement au service de la lutte contre les déserts médicaux, la refonte de la politique d'aide à l'installation pour les professionnels de santé, un premier jalon du service public de la petite enfance avec le démarrage d'une vaste réforme du complément de libre-choix du mode de garde, le développement de 4.000 places d'accompagnement d'aide à domicile, le financement d'"heures de convivialité" à domicile et la création de 3.000 postes en Ehpad.  

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 acte quasiment la fin de la parenthèse Covid, avec un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) globalement en baisse en 2023 de 0,8% par rapport à 2022 mais en hausse de 3,7% "hors dépenses liées à la crise sanitaire". Ainsi, l'objectif présenté pour 2023 est de 243,1 milliards d'euros, dont seulement 1 milliard de "provision Covid" – au titre du soutien à la vaccination et dépistage –, après 245,9 milliards d'euros en 2022, dont 11,4 milliards attribuées au Covid.

"Après la crise", le gouvernement affiche donc sa volonté de "garantir la soutenabilité de la sécurité sociale", avec l'ambition de passer d'un déficit pour la sécurité sociale de 17,8 milliards d'euros en 2022 à 6,8 milliards d'euros en 2023. Outre la projection ambitieuse relative à la sortie de crise Covid, le gouvernement mise pour cela sur des économies – sur les produits de santé notamment, mais avec une "préservation complète de l'hôpital" selon le ministère des Comptes publics – et présente un plan de "fermeté vis-à-vis de la fraude sociale" – avec de nouveaux outils dont la mise en place d'un "comité indépendant de lutte contre la fraude sociale". 

Sur ces bases chiffrées, les ministères de la Santé, des Solidarités et des Comptes publics présentent plusieurs mesures nouvelles pour 2023, tout en précisant que la déclinaison "Santé" du Conseil national de la refondation – le "CNR Santé", avec une réunion annoncée pour le 3 octobre prochain – donnera lieu à des négociations – entre l'Assurance maladie et la médecine libérale en particulier – et arbitrages. Localtis reviendra prochainement plus précisément sur certaines mesures, y compris sur des mesures d'urgence qui ne sont pas reprises ici.    

Accès à la santé et démographie médicale

Conformément à l'engagement de campagne d'Emmanuel Macron, le gouvernement annonce la mise en œuvre d'une quatrième année d'études spécialisées pour la médecine générale. Réalisée en ambulatoire, cette quatrième année vise à compléter la formation des médecins généralistes avec un alignement sur les autres spécialités et à accompagner l'installation, avec l'idée de favoriser en priorité l'installation dans des zones sous-denses sans en faire une obligation, selon le ministère de la Santé. Les ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur annoncent confier une mission à quatre professeurs et docteurs pour préparer cette réforme qui pourrait entrer en vigueur à la rentrée universitaire 2023.

Sur la politique d'aide à l'installation, les dispositifs aujourd'hui "très nombreux et pas toujours lisibles" seront remplacés par un "contrat unique d'installation" et les "guichets uniques dans les territoires" seront généralisés, précise le ministère de la Santé. Ce dernier veut également rénover le dialogue avec la médecine libérale et les autres professionnels de santé pour renforcer l'accès aux services de santé dans les territoires les moins dotés.

Petite enfance et soutien aux familles monoparentales

D'un point de vue comptable, la branche famille se voit transférer 2 milliards d'euros d'indemnités de congé maternité pendant la période post-natale, qui étaient auparavant comptabilisés dans la branche maladie. Un objectif de solde excédentaire de 1,3 milliard d'euros est affiché pour 2023, après 2,6 milliards en 2022 pour la branche famille ; l'objectif à périmètre constant – en tenant compte des 2 milliards mobilisés pour les indemnités maternité – apparaît donc en baisse de 3,3 milliards d'euros.

Le ministère des Solidarités promet pour autant la poursuite de la dynamique des "1.000 premiers jours" et "un soutien très affirmé" aux familles monoparentales. Une revalorisation de 50% de l'allocation de soutien familial, destinée aux parents isolés – qui sont à 90% des mères isolées –, est annoncée pour novembre 2022, soit un budget de 850 millions par an. Autre levier pour les familles monoparentales : l'extension des aides à la garde (le complément de libre-choix du mode de garde, CMG) jusqu'aux 12 ans de l'enfant.

Le gouvernement amorce également la mise en place du service public de la petite enfance en s'attaquant au coût de la garde individuelle – assistante maternelle ou garde à domicile. Avec la réforme du mode de calcul du CMG, "on engage un chantier extrêmement lourd de linéarisation" entre ce coût et celui de la garde en collectif, précise le ministère des Solidarités, qui souligne le "hiatus" actuel qui joue en défaveur des familles les plus modestes. L'horizon de temps présenté pour l'entrée en vigueur de cette réforme est 2025.  

Vieillissement et soutien à l'autonomie

En matière d'autonomie, est présentée "une forte progression du financement" en 2023, avec une hausse de l'objectif global de dépenses (OGD) de 5,1% pour les personnes âgées et de 5,2% pour les personnes handicapées, "pour atteindre 30 milliards d'euros". Deux priorités sont affichées : le soutien au "bien vieillir chez soi", avec la poursuite de la réforme de la tarification à domicile, le développement de 4.000 places d'accompagnement pour les services à domicile et l'ajout de deux heures de "vie sociale" ou de "temps de convivialité" présentées comme bénéfiques pour les personnes accompagnées comme pour les professionnels. "Cette mesure demande un peu de discussions avec les départements", précise le ministère des Solidarités qui annonce une entrée en vigueur en 2024 pour environ 780.000 personnes âgées.

Autre priorité : l'investissement pour des Ehpad "plus humains, plus sécurisés et plus médicalisés". Le candidat Emmanuel Macron avait promis 50.000 postes supplémentaires dans les Ehpad, le PLFSS en prévoit 3.000, un objectif jugé "pragmatique" pour "démarrer cette trajectoire" et compte tenu des "enjeux majeurs d'attractivité" du secteur, selon le ministère des Solidarités. Les contrôles sont aussi renforcés, tout le champ étant désormais concerné – y compris le privé lucratif – et le remboursement des sommes indues étant "sécurisée".

En matière de handicap, les deux dimensions mises en avant sont la poursuite du plan autisme et l'école inclusive.  

Prévention

Le ministère de la Santé annonce "entamer une politique plus offensive en termes de prévention", avec la mise en place de rendez-vous de prévention aux "âges clé" (20-25 ans, 40-45 ans et 60-65) et différentes mesures visant à lutter contre les inégalités de santé en matière santé sexuelle, de vaccination et de lutte contre le tabagisme.

 

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