Archives

Etat de l'environnement en France en 2019 : un bilan plus rouge que vert

Le dernier rapport sur l'état de l'environnement en France publié tous les quatre ans par le ministère de la Transition écologique révèle quelques améliorations mais surtout une situation alarmante dans de nombreux domaines. Pour la première fois, ce bilan met en avant le concept de "limites planétaires" et montre que le pays les dépasse dans la majorité des cas, et tout particulièrement en matière de changement climatique et d'érosion des espèces.

Comme il le fait tous les quatre ans depuis 1994, le ministère de la Transition écologique a publié ce 24 octobre le rapport sur l'état de l'environnement en France. Si de manière générale, "l'état de l'environnement continue de s'améliorer en France sous l'effet de la réglementation et des initiatives nationales et locales", souligne ce nouveau document, il révèle aussi "un bilan plus contrasté de la situation de l'environnement dans certains domaines". Un doux euphémisme. Car cette édition 2019 intègre aussi le concept des "limites planétaires", neuf variables (changement climatique, érosion de la biodiversité, perturbation du cycle de l'azote et de celui du phosphore, changement d'utilisation des sols, acidification des océans, utilisation mondiale de l'eau, appauvrissement de l'ozone stratosphérique, augmentation des aérosols dans l'atmosphère, entités nouvelles dans la biosphère) qui régulent la stabilité de la planète et qu'il ne faut pas dépasser pour assurer un développement "sûr et juste" pour l'humanité. Appliqué à la France, le constat est sans appel : la majorité des neuf seuils est dans le rouge.

Air extérieur : les dépassements de seuils réglementaires persistent

Les rejets de la plupart des polluants dans l'air extérieur ont certes diminué depuis le début des années 2000, selon le rapport. Les émissions d'oxydes d'azote ont par exemple chuté de 49% sur la période 2000-2017. Mais chaque année plusieurs agglomérations enregistrent des dépassements des seuils réglementaires de protection de la santé humaine ou sont exposées à des épisodes de pollution d'ampleur nationale aux oxydes d'azote, aux particules fines - responsables de 48.000 décès prématurés par an -, ou à l'ozone. En outre, "les événements climatiques extrêmes tels que les fortes chaleurs ou les canicules, aggravent très souvent la situation".  Les polluants de l'air intérieur sont eux accusés d'avoir causé 20.000 décès prématurés en 2014.

Baisse des émissions de gaz à effet de serre : l'objectif cible est encore loin

Les émissions de gaz à effet de serre ont, elles, diminué de 18% entre 1990 et 2017, selon le rapport, mais la France est encore loin de la "cible" d'émissions de 1,6 à 2,8 tonnes par an et par habitant d'ici 2100, nécessaire pour limiter le réchauffement à +2°C. Ainsi, en 2017, le CO2 émis sur le territoire représentait 4,9 t/habitant, et son "empreinte carbone" atteignait même 7,9 t/habitant avec les émissions liées aux importations. Les émissions de gaz à effet de serre des transports et celles du secteur résidentiel/tertiaire peinent à diminuer, "les progrès technologiques concernant les motorisations des véhicules ou l'amélioration des performances énergétiques des bâtiments étant compensés d'une part par la hausse des déplacements (le nombre de kilomètres parcourus par les véhicules routiers a crû de 42% depuis 1990) et d'autre part par l'augmentation de la surface des logements (+49% depuis 1990)", constate le rapport.

Impacts du réchauffement

Les impacts du réchauffement se font déjà sentir. L'année 2018 a été la plus chaude jamais enregistrée et les événements extrêmes se multiplient (canicules, sécheresses, inondations, feux de forêts). Entre 1997 et 2017, en moyenne, 3,6 événements naturels très graves (plus de 10 morts ou plus de 30 millions d'euros de dommages) se sont produits chaque année, contre seulement 1 entre 1950 et 1996, selon le rapport, qui précise que plus de quatre cinquièmes des communes ont été classées en état de catastrophe naturelle au moins une fois entre 1982 et 2015 (principalement pour inondations ou sécheresse).

Eau : du mieux en surface uniquement

Dans le domaine de l'eau, le rapport note une "amélioration" de la qualité des eaux de surface (rivières, plans d'eau), grâce à une réduction des polluants historiques (nitrates et phosphates) liés à l'utilisation des détergents et des engrais. La campagne de modernisation des stations d'épuration engagée dans les années 2000 et l'évolution de certaines pratiques agricoles commencent à porter leurs fruits. Mais cette diminution de polluants anciens s'accompagne de la détection de nouvelles substances comme des résidus médicaments ou des perturbateurs endocriniens. 
Surtout, "aucun progrès significatif" n'est à relever pour la qualité chimique des eaux souterraines. Depuis 2000, environ 2.400 forages destinés à la production d'eau potable (sur 22.000) ont ainsi été abandonnés en raison de pollution aux nitrates ou aux pesticides. Ces substances se dégradant lorsqu'elles ont atteint une nappe, "l'effet positif attendu d'une mesure prise pour préserver la qualité des eaux souterraines est très souvent perceptible de nombreuses années après sa mise en place", relève le rapport. Même si la qualité des eaux de baignade demeure satisfaisante, constate-t-il encore, "le littoral reste confronté régulièrement à des épisodes de marée verte en raison des apports à la mer encore excessifs de nitrates ou de phosphates par les cours d'eau". Point positif toutefois : "la règlementation en vigueur a permis de réduire les rejets de substances polluantes en mer", souligne le document.

Situation des écosystèmes jugée "préoccupante"

Malgré l'extension de nombreux mécanismes de protection des espaces naturels et des espèces, la situation des écosystèmes terrestres, aquatiques et marins français est aussi jugée "préoccupante". Seuls 20% des habitats identifiés par l'UE comme nécessitant une protection sont dans un état de conservation "satisfaisant" sur la période 2013-2018. Et les littoraux sont victimes de leur succès, avec une densité de construction de logements trois fois plus importante que la moyenne nationale.
Sur quelque 10.000 espèces évaluées sur le territoire, particulièrement riche en biodiversité grâce à ses outre-mers, 18% sont éteintes ou menacées d'extinction. Même quand elles ne sont pas en danger, certaines espèces subissent une chute drastique de leur nombre, comme les oiseaux des champs victimes notamment de l'effondrement des populations d'insectes. Quelques espèces s'en tirent mieux grâce à des programmes de conservation, comme le loup et le lynx.
Les causes de ces atteintes à la biodiversité sont multiples. Alors que la qualité des sols s'appauvrit, les écosystèmes sont confrontés à de nombreuses pressions, relève le rapport. Parmi celles-ci,  l'intensification de l'artificialisation des sols (65.800 hectares perdus par an en métropole entre 2006 et 2015), la fragmentation des milieux naturels qui limite la libre circulation des espèces et leur capacité à se reproduire, le changement climatique qui modifie la répartition des espèces, les pollutions chimique et lumineuse qui affectent de nombreuses espèces animales et végétales, et tout  particulièrement les insectes,  des pratiques agricoles incompatibles avec le maintien de certaines espèces (hamster d'Alsace, râle des genêts, etc.) ou l'introduction accidentelle ou involontaire d'espèces invasives – frelon asiatique, par exemple - qui entrent en concurrence avec des espèces endémiques.

Sols pollués et risques technologiques

Pour les sols, la situation est plus difficile à évaluer, mais le ministère répertorie début 2018 6.800 sites et sols "pollués ou potentiellement pollués", principalement par des hydrocarbures. On relève aussi de nouvelles sources de préoccupations, comme les nanomatériaux ou le développement des champs électromagnétiques.
Fin 2018, 18.000 communes étaient exposées à un risque technologique (industries, installations nucléaires, transports de matières dangereuses, sites miniers, barrages...). La moitié de ces communes sont situées dans les départements de l’Isère, du Pas-de-Calais, de la Loire, de l’Aube, du Gard, du Rhône et des Bouches-du Rhône.   Entre 1992 et 2017, près de 40.000 accidents technologiques ont eu lieu, causant morts ou blessés dans 18% des cas, et des conséquences environnementales dans 34% des cas.

Une "empreinte écologique" qui reste forte

Tout comme son "empreinte carbone" dépasse les émissions de CO2 générées sur le seul territoire national, l'"empreinte écologique" de la France dépasse également ses frontières, notamment par l'importation de matières premières agricoles ou forestières encourageant la déforestation à l'étranger. La déforestation importée représentait ainsi 14,8 millions d'hectares en 2016, "soit plus d'un quart de la superficie de la métropole et la moitié de la surface agricole française", selon le rapport. "Bien que l'économie française soit devenue plus efficiente dans l'utilisation des matières premières (elle produit dorénavant davantage de valeur avec la même quantité de ressources), suite notamment à l'amélioration des processus de fabrication, au développement du recyclage des déchets, etc., ses besoins peinent à diminuer", note le document qui estime toutefois qu'avec 12,7 tonnes par habitant, "l'empreinte matières de la France" est en dessous de la moyenne européenne.
Le rapport présente aussi des chiffres sur l'emploi qui restent modestes. Malgré une progression des activités contribuant directement à la protection de l'environnement depuis 2013, elles ne représentent que moins de 2% de l'emploi total en 2016, soit près de 500.000 emplois.  
Tous les éléments du rapport et d'autres données allant du tourisme à la fiscalité environnementale, en passant par la gestion des déchets ou les risques industriels sont regroupés sur un nouveau site internet https://ree.developpement-durable.gouv.fr/