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États généraux du numérique pour l’éducation : entre inquiétudes, usages réels et attente de formation

Alors que s’ouvrent les 4 et 5 novembre 2020, à distance et non plus à Poitiers, les États généraux du numérique pour l’éducation (EGN), dans un contexte de reconfinement, un collectif de 26 associations a exprimé ses inquiétudes, fin octobre. Un baromètre de l'association Synlab que Localtis s'est procuré en exclusivité traduit par ailleurs les usages réels, attentes et ressentis des enseignants vis-à-vis de ces nouveaux outils. 

Les États généraux du numérique (EGN) pour l’éducation qui devaient se dérouler en présentiel à Poitiers, sont maintenus mais auront lieu en visionconférence, les 4 et 5 novembre 2020. Les outils digitaux sont déjà entrés dans l’éducation et la transition technologique dans les classes est en route. A fortiori, suite au premier confinement durant lequel les écoles avaient fermé. Pourtant tous les professeurs ne se réjouissent pas de cette montée en puissance. Certains s’en inquiètent même. C’est le cas d’un collectif de 26 associations (1) qui a adressé, en octobre 2020, deux courriers : l’un aux organisateurs des États généraux du numérique pour l’éducation sous l’égide du ministère de l’Éducation nationale, l’autre aux parlementaires, présidents de régions et de départements, pour faire valoir leur opposition à une "numérisation de l’Éducation nationale". Ces associations plaident pour une meilleure prise en compte des dangers liés aux outils numériques par une "ouverture aux voix discordantes" et un débat "sérieux et approfondi, par essence contradictoire". Le collectif demande aux organisateurs des EGN de donner "un temps de parole suffisant" pour laisser la place aux critiques et éviter "une vaste opération de prosélytisme" qui reviendrait à faire la "promotion" des industriels.

Sirènes du "numérique éducatif"

Les associations s’étonnent par ailleurs du choix des experts par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale pour les auditions en septembre sur l’école et le numérique qui ont "tous un intérêt direct ou indirect à prôner la numérisation massive de l’Éducation nationale". Pourtant, jugent-elles, "des voix critiques de tous bords s’élèvent depuis plusieurs années et avancent des arguments solides, alertant sur les impacts négatifs du numérique sur les plans environnemental, social et anthropologique […] et dénonçant l’absence de bénéfices probants sur les apprentissages".
L’autre courrier, adressé aux élus nationaux ou locaux, les invite à "ne pas céder aux sirènes du 'numérique éducatif' chantées par l’industrie numérique et par le gouvernement". Les associations alertent sur une "numérisation de l’enseignement" qui se traduirait par "une catastrophe sanitaire, éducative, écologique, économique et sociale". Elles font valoir qu'"aucune étude indépendante n’est parvenue à démontrer un impact positif du numérique sur les apprentissages", soulignent "les effets délétères de la surexposition aux écrans sur la jeunesse" et évoquent la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre, "davantage que le secteur aérien".

70% des répondants ne pensent pas que le numérique réduit les inégalités

Par ailleurs, un Baromètre réalisé par Synlab et la Banque des Territoires que Localtis s'est procuré en exclusivité renseigne sur "les usages numériques des enseignants depuis le confinement". La synthèse apprend que les enseignants utilisent le numérique dans un cadre pédagogique, davantage que pour la vie scolaire. Ces usages sont corrélés au niveau d’enseignement : échanges avec les élèves au lycée et collège, avec les parents d’élèves en maternelle et primaire. 70% des enseignants utilisent le numérique pour trouver des ressources et 68% pour construire leur cours. Autre enseignement important : "le choix de l’outil est principalement déterminé par sa simplicité et son prix" et "la prise en compte des contraintes RGPD reste minoritaire". Ainsi 21% utilisent un outil car il respecte le RGPD, 58% car il est gratuit et 59% car il est simple. Le baromètre met aussi en lumière le fait que les outils dédiés et mis à disposition par l’administration sont fortement concurrencés par les principaux outils du marché. 12% seulement utilisent des solutions EdTech. 50% utilisent exclusivement des outils du marché, 48% utilisent les solutions du ministère. 
Par ailleurs, fait non négligeable, 70% des répondants ne pensent pas que le numérique réduit les inégalités. Ils sont aussi nombreux à exprimer des doutes quant à la capacité du numérique à simplifier leurs tâches administratives. Enfin, dans sa mise en oeuvre concrète, ils sont 68% à demander un équipement complet fourni par l’administration, 48% à demander des formations plus adaptées et 44% une connexion de meilleure qualité au sein de l’établissement. Avec des spécificités cependant : "la connexion est un sujet plus présent en milieu rural", précise la synthèse et "les interactions avec les élèves plus fortes en collèges et lycées". 


(1) Les associations signataires des deux courriers sont : CoSE (Collectif Surexposition écrans) ; Lève les yeux ! ; Collectif Nous Personne ; Technologos ; Edupax ; Adikphonia (Journées mondiales sans portable) ; Halte à l’obsolescence programmée (HOP) ; Alerte écrans ; Sciences critiques ; Screenpeace ; Collectif Parents Unis contre le smartphone avant 15 ans ; AFCIA (Association française contre l’intelligence artificielle) ; Priartem ; Enfance – Télé : Danger ? ; Chevaliers du Web Etikya ; Fondation pour l’école ; Sans Mon Portable ; Attention D.É.F.I. (Attention Dangers Écrans Formons Informons) ; LACUNE (L’association contre l’Utilitarisme et le Numérique Éducatifs) ; Collectif du Vallon (Aveyron) d’information sur les objets connectés et champs électromagnétiques artificiels ; Collectif Défense Éducation 38 ; Attac Isère ; Collectif “Écran Total - pour un usage raisonné et responsable du numérique dans l’éducation” de Nancy (54) ; Association 3/12 (Var) ; Groupe Français d’éducation nouvelle 67.