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Instance de dialogue - Fiscalité locale, fonction publique territoriale... le gouvernement précise ses intentions de réforme

Le Premier ministre a réuni ce 4 juillet à Matignon l'instance de dialogue de la Conférence nationale des territoires. Sans les représentants des principales associations d'élus locaux (AMF, ADF et Régions de France), les maires et présidents d'intercommunalité présents ont fait le point avec l'exécutif sur la réforme de la fiscalité locale et les contrats sur les dépenses. Avec à la clé, plusieurs annonces, parmi lesquelles le lancement de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Sur la fonction publique territoriale, les employeurs locaux et le gouvernement ont fait plusieurs propositions d'évolution.

L'Association des maires de France (AMF), l'Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France avaient annoncé mardi 3 juillet que leurs responsables ne se rendraient pas à la réunion de l'instance de dialogue de la Conférence nationale des territoires, prévue ce 4 juillet à l'hôtel Matignon. Les représentants de l'Association des maires ruraux de France, de même que ceux de l'Assemblée des communautés de France, de l’Association des petites villes de France, de France urbaine et Villes de France ont toutefois pour leur part répondu à l'invitation du Premier ministre. Dans un communiqué, quatre de ces cinq associations ont déclaré "poursuivre un dialogue exigeant avec le gouvernement".
Principal point à l'ordre du jour de la réunion : la réforme de la fiscalité locale. En la matière, les pistes de travail de l'exécutif avaient déjà filtré dans le journal Les Echos, avant même qu'elles ne soient communiquées aux associations d'élus locaux. Les présidents de l'AMF et de l'ADF, de même que celui du comité des finances locales, s'en étaient d'ailleurs offusqués peu après la publication de l'article du quotidien économique.
Ce 4 juillet, le gouvernement a confirmé que, pour compenser la suppression intégrale de la taxe d'habitation, il prévoit un transfert de la part départementale de la taxe sur le foncier bâti - qui représentait 13,8 milliards d'euros en 2016 - vers les communes et les groupements. Ce scénario correspond à la première piste dessinée par le rapport Richard-Bur. Les Echos ont indiqué que l'exécutif "privilégie" l'affectation aux seules communes de la taxe sur le foncier bâti aujourd'hui perçue par les départements et de celle dont bénéficient les intercommunalités.

Un projet de loi sur la fiscalité locale sera présenté début 2019

En fait, le gouvernement n'aurait pas encore tranché. Selon nos informations, le secrétaire d'Etat auprès de l'Action et des Comptes publics préférerait l'affectation de toute la part départementale de la taxe sur le foncier bâti aux seules communes, les intercommunalités conservant le produit de la taxe dont elles bénéficient déjà. Les modalités de mise en place de la compensation individuelle des communes seraient ainsi simplifiées, plaide Olivier Dussopt. En complément, sur la base des comptes 2016, ce sont entre 8 et 9 milliards d'euros qui seraient compensés au bloc communal, sous la forme d'une part d'imposition nationale. Qui serait soit une partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), soit une fraction de la TVA, ou encore une part du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) perçue par les départements.
La mission Richard-Bur n'avait pas évoqué cette dernière possibilité, au motif que la mission sur la baisse des impôts de production se penchait sur cette imposition. Le Premier ministre ayant repoussé fin mai la mise en œuvre des propositions du groupe de travail à l'année 2020 au plus tôt, la CVAE a été introduite dans les hypothèses de travail du gouvernement. "Des simulations ont même déjà été faites", indique l'entourage du président de l'une des association d'élus locaux. Cette piste fait partie des propositions de certaines associations (France urbaine et Assemblée des communautés de France). En contrepartie de la taxe sur le foncier bâti et de la CVAE, les départements obtiendraient une part de CSG. Ils conserveraient les droits de mutation à titre onéreux qui sont dus sur les transactions immobilières (dans l'un de ses scénarios, la mission Richard-Bur proposait de les transférer à l'Etat).
Si les orientations de la réforme ne sont pas encore toutes arbitrées, le calendrier est clair à présent : la réforme fera l’objet d’un projet de loi spécifique "au premier semestre de l’année 2019". Le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques, que le gouvernement vient de déposer au Parlement, l'a confirmé.

Valeurs locatives des locaux d'habitation : le chantier va s'ouvrir  

En matière de finances locales, la principale annonce concerne la révision des valeurs locatives des quelque 40 millions de locaux d'habitation. Alors que certains élus locaux déploraient récemment encore le peu d'empressement du gouvernement sur ce sujet essentiel, ce dernier a indiqué avoir pris la décision de conduire à bien ce chantier, mais en prévoyant son entrée en vigueur après la fin du quinquennat.
Au-delà de la fiscalité locale, plusieurs sujets relevant des finances locales figuraient aussi à l'ordre du jour de la réunion. Parmi eux, bien entendu, les contrats sur les dépenses. Les associations d'élus locaux présentes ont demandé à ce que des améliorations soient apportées au dispositif dès la discussion parlementaire à l'automne du projet de loi de finances pour 2019. Un calendrier que n'a pas validé le Premier ministre. Sur la simplification normative, Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), a présenté les conclusions de la mission que le Premier ministre lui a confiée. Il a préconisé qu'à intervalles très réguliers, des propositions de simplification ayant fait l'objet d'une concertation avec les élus locaux soient remises au gouvernement, en vue de leur mise en œuvre.

Une coordination des employeurs territoriaux

Le point de la réunion qui concernait les transports et les mobilités a porté entre autres sur le thème du financement. Avec à la clé une bonne surprise pour les élus locaux. Le Premier ministre ne serait pas opposé à l'affectation aux régions et aux intercommunalités d'une partie de la contribution climat énergie, comme le demandent douze associations et réseaux de collectivités territoriales. Matignon étudie cette proposition. Mais Edouard Philippe a tracé une ligne rouge : la réforme ne devra pas compliquer la vie des entreprises.
Une intervention conjointe du président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et du secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics était prévue de longue date. A la demande du Premier ministre, Philippe Laurent et Olivier Dussopt ont en effet œuvré à des propositions de modernisation de la fonction publique territoriale, en lien avec les associations d'élus locaux. Alors que les syndicats dénoncent la volonté du gouvernement de "dynamiter" le statut, le maire de Sceaux a dit "l’attachement" des employeurs locaux à ce dernier. Parmi les propositions de réforme, celle qui doit renforcer la capacité des employeurs territoriaux à participer aux négociations sur les décisions en matière de gestion des ressources humaines est en bonne voie, a aussi souligné l'élu. Une coordination des employeurs territoriaux devrait voir officiellement le jour au début de l'automne. La composition du collège employeurs du CSFPT serait revue afin qu'elle soit plus représentative du poids de chaque catégorie de collectivités et de la diversité du bloc communal. Ses membres feraient partie de la coordination. A leurs côtés siégeraient les présidents des huit principales associations d'élus locaux (AMF, ADF, Régions de France, ADCF, APVF, AMRF, France urbaine, Villes de France), de même que les présidents du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG).

Temps de travail des agents : appliquer la durée légale

Parmi les autres pistes proposées par Philippe Laurent : la possibilité qu'un cadre supérieur employé par une grande collectivité soit détaché pour une durée limitée dans une petite collectivité, dans le but de mener à bien un projet. La mesure "favoriserait l'aménagement du territoire", défend Philippe Laurent. En matière de temps de travail, un sujet sur lequel il a remis il y a deux ans un rapport au gouvernement, le président du CSFPT a prôné un "retour, progressif et négocié dans le cadre du dialogue social local, à la norme de 1.607 heures annuelles". Dans de nombreuses collectivités, des accords locaux prévoient une durée de travail inférieure. Les employeurs territoriaux proposent notamment que les assemblées locales aient l'obligation de les mettre à jour à échéances régulières. Philippe Laurent a également suggéré le lancement d'une réflexion pour la mutualisation - via "une structure ad hoc" - du risque maladie des agents, dont la prise en charge revient aujourd'hui à chaque employeur public territorial.
S'il a constaté de nombreux points de convergence avec le secrétaire d'Etat, Philippe Laurent a aussi pointé quelques divergences. Parmi elles : l'élargissement des possibilités de recours aux agents contractuels pour pourvoir des emplois fonctionnels de direction. Les employeurs territoriaux souhaitent que la mesure adoptée par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi "Avenir professionnel" soit encadrée.
Prochain rendez-vous entre les associations d'élus locaux et le gouvernement : le 12 juillet pour la troisième réunion de la Conférence nationale des territoires. Une séquence consacrée à l'Europe et à la cohésion des territoires, qui se déroulera à nouveau sans les représentants de l'AMF, de l'ADF et de Régions de France.

 

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