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Congrès des maires - Gestion des fonds européens : Amélie de Montchalin veut "ouvrir le capot" !

Au Congrès des maires, la secrétaire d’État aux Affaires européennes a annoncé le prochain lancement d’une consultation des élus et porteurs de projets "pour une grande simplification de l’accès aux fonds européens", dénonçant des procédures administratives inutiles qui empêchent leur consommation. Une mesure qui a ravi les élus présents, qui réclament toutefois de l’aide pour monter les dossiers et redoutent toujours une baisse des fonds de cohésion.

Un ministre français qui rejette la faute non sur l’Europe, mais sur l’administration hexagonale pour expliquer les maux dont souffre la gestion des fonds européens, voilà qui n’est pas banal. C’est pourtant l’attitude qu’a adoptée Amélie de Montchalin au cours du forum "Mieux prendre en compte les communes et intercommunalités dans les politiques européennes", qui s’est tenu au Congrès des maires, le 20 novembre. Il est vrai que la secrétaire d’État, qui s’est fixé pour objectif que "l’Europe puisse mieux vivre en France", a elle-même avoué qu’elle n’était pas une ministre "comme les autres" : "J’ai beaucoup d’argent dans ma besace, que je ne peux pas dépenser !" En cause selon elle, des blocages administratifs aberrants. "J’ai entendu des choses incroyables", s’est-elle exclamée, multipliant les exemples kafkaïens tirés de son "tour de France de l’Europe du concret". Un constat également dressé par la Cour des comptes européenne, qui lui aurait indiqué "que des projets français sont rejetés non parce qu’ils sont mauvais, mais du fait de demandes ubuesques de l’administration française". Une administration décidément aussi adepte des surtranspositions que des surréglementations, comme l’a noté la vice-présidente de l’Association des maires de France (AMF) Agnès Le Brun. "C’est une bonne nouvelle que l’État balaye enfin devant sa porte, sans accuser l’Europe", s’est félicité de son côté Christophe Rouillon, président de la commission Europe de l’AMF.

Consultation et inspections pour identifier les démarches inutiles

"Déterminée" à en finir avec ce "calvaire" paperassier qui démotive les plus volontaires et "empêche les impôts des Français de revenir en France", la secrétaire d’État a déjà relevé les manches et semble prête à mettre les mains dans le cambouis. Ou, du moins, "à ouvrir le capot et vérifier la tuyauterie". À cette fin, elle a annoncé le tout prochain lancement d’une consultation afin d’identifier et de supprimer "au moins dix démarches qui ne servent à rien". À l’en croire et à écouter la salle, le nombre devrait aisément être atteint, tant les exemples sont légions : demandes de RIB à une commune qui n’en dispose pas, factures refusées pour des problèmes d’arrondis au centime près faute accès aux logiciels idoines…

Amélie de Montchalin va en outre charger l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale des affaires sociales de suivre chacune un dossier de demande d’un bout à l’autre de la chaîne afin de prendre la mesure des obstacles inutiles. Thibaut Guignard, maire-référent de l’AMF sur l’action européenne dans les territoires, en a profité pour revendiquer des "dispositifs de différenciation", déplorant que l’on ait "le même niveau d’exigence pour une subvention de 10.000 euros pour rénover une ludothèque que pour une de 10 millions euros pour une ligne de tramway" !

Le pragmatisme et le ton ferme et résolu de la secrétaire d’État – "je ne suis pas une diplomate", s’est-elle plu à souligner – n’a pas manqué de surprendre, agréablement, la salle, qui redoute toutefois que les forces conservatrices n’aient raison de ses velléités simplificatrices. "Vous êtes la ministre", lui a rappelé un maire, s’inquiétant des "freins" que pourraient lui opposer l’administration. "Pour l’instant, le véhicule est à l’arrêt", a-t-elle observé. En incluant incidemment les régions dans sa dénonciation de ces pesanteurs – et bien que soutenue en cela par Agnès Le Brun, pour laquelle "le frein vient trop souvent des régions", qu’elle accuse par ailleurs de "capter à leurs profits" les bienfaits communautaires –, Amélie de Montchalin n’aura toutefois pas réussi à faire l’unanimité… (voir encadré ci-dessous).

Des anciens et des modernes

À l’heure des négociations du nouveau cadre financier pluriannuel 2020-2027, c’est surtout la réduction des fonds qui tourmente toutefois les élus. "Il faut absolument sauver les fonds Leader", a imploré Thibaut Guignard, par ailleurs président de Leader France. Constance de Pélichy, maire de La Ferté-Saint-Aubin, s’est plus généralement inquiétée du sort des fonds Feader (qui incluent le programme de développement Leader mais aussi tout le second pilier de la PAC, notamment les aides au bio). Là-encore, la ministre s’est montrée offensive, invitant au dépassement du mantra en vogue selon lequel les fonds traditionnels seraient dépassés parce qu’anciens et les nouvelles politiques nécessairement meilleures parce qu’à la mode. "L’Europe a deux objectifs", a-t-elle rappelé : "être souveraine et autonome", ce qui englobe à la fois la politique agricole commune et la défense, et être "solidaire et convergente", ce qui justifie les fonds de cohésion. En ce domaine, Amélie de Montchalin fait valoir que la France "se bat pour les régions de transition" (celles dont le PIB se situe entre 75 et 100% du PIB moyen, soit la quasi-totalité des régions françaises), "la vraie classe moyenne de l’Europe, ces grandes zones périurbaines qui ne sont ni trop riches, ni trop pauvres, là où la confiance en l’Europe est à restaurer".

Pour financer le tout, elle plaide pour une hausse des ressources autonomes. "Davantage d’impôts, mais pas pour les Européens", a-t-elle toutefois précisé. Dans le viseur, "ceux qui bénéficient de nos impôts sans en payer", avec pour remède les taxes numérique, carbone aux frontières ou sur le plastique non recyclé. Tous les États membres ne sont toutefois pas sur cette ligne.

Recrutements et garanties bancaires

Autre source de préoccupation, l’ingénierie des dossiers. La secrétaire d’État plaide pour qu’un poste dédié soit créé dans chaque communauté de communes, ou à défaut dans chaque département. Une dépense – encore une ! – qui selon elle "pourrait être exclue des contrats de Cahors" (la Cour des comptes ayant jugé par ailleurs, dans son rapport du 22 mai dernier, que ces derniers "devraient, en principe, écarter les fonds européens de leur périmètre", comme l’a rappelé Amélie de Montchalin). Impossible !, rétorque Constance de Pélichy, dont l’intercommunalité ne compte "que quatre agents"… Wallis Goelen-Vandebrock, cheffe de l’unité Développement territorial et urbain à la DG Regio, rappelle pour sa part l’existence de crédits d’assistance technique pour tous les programmes ou encore celle de la plate-forme d’accompagnement Urbis mise en place avec la Banque européenne d’investissement (BEI), soulignant à ce propos que la "tendance n’est plus au versement de subventions seules, mais à un mix subventions – ingénierie financière".

Par ailleurs, Amélie de Montchalin confesse étudier la mise en place d’une garantie au profit des banques commerciales, auprès de la Caisse des Dépôts et de la BEI, afin qu’elles puissent verser sans délai aux bénéficiaires l’équivalent des fonds dont l’obtention est certaine. "Un système d’avance de trésorerie très très simple" à mettre en place, a estimé le secrétaire général de l’AMF et président de l’Afccre, Philippe Laurent, qui s’est en revanche montré beaucoup plus sceptique sur la hausse des budgets européens…

Amélie de Montchalin "prise en flagrant délit de mensonge" selon Régions de France

La réaction n’a pas tardé. Dans un communiqué de presse diffusé en fin de matinée du 21 novembre, l’association Régions de France accuse la secrétaire d’État de s’être "livrée à un exercice particulièrement malhonnête de critique de la gestion locale des fonds européens". L'association réagissait à un entretien d'Amélie de Montchalin publié la veille dans Les Echos. Pour Renaud Muselier, son président, "en critiquant la gestion des fonds européens par les régions, la secrétaire d’État démontre qu’elle ne connaît absolument rien au sujet. Les difficultés rencontrées depuis 2014 sont exclusivement le fait d’un transfert de compétences raté de l’État aux régions". Il affirme que "le budget des Régions a dû augmenter de 30% avec le transfert de gestion" et que "les effectifs sont d’environ 400 équivalents temps plein (ETP), soit presque 10 fois le personnel transféré par l’État". Non sans résultat, puisque selon lui, "même avec le logiciel Osiris extrêmement complexe, imposé par l’État, les aides agricoles peuvent désormais être payées normalement grâce aux avances accordées par les régions". Et de conclure : "les régions ont apporté des solutions là où le gouvernement précédent, en 2014, n’avait laissé que des problèmes".

 

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