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"Habiter la France de demain" : Emmanuelle Wargon présente les premières pistes

Concluant la démarche "Habiter la France de demain", la ministre en charge du logement a affirmé vouloir "gagner la bataille culturelle, sortir du rêve pavillonnaire, redorer l'image du collectif". Des axes de travail sont par ailleurs évoqués concernant la qualité (bientôt un Nutriscore du logement ?), les entrées de ville, la contractualisation avec les élus sur la production de logements, les coûts de construction, le foncier, le logement évolutif (vers un MaPrimeAdapt'), la transformation de bureaux... Un AMI est lancé à l'attention des maîtrises d'ouvrages.

Le 14 octobre, Emmanuelle Wargon a présenté les conclusions de la démarche "Habiter la France de demain", qui entend "changer nos regards sur l'habitat", "rendre désirable la ville durable" et "donner à voir et susciter l'intérêt pour une ville qui combine intensité et qualité". Lancée en février dernier, la démarche s'appuie sur notamment sur un recueil des bonnes pratiques (128 démonstrateurs dans toute la France), une consultation citoyenne (voir notre article du 1er juillet 2021), des tables rondes, des ateliers citoyens... De cet ensemble, la ministre du Logement retient aujourd'hui "dix idées d'avenir pour habiter la France de demain". 

Une démarche qui embrasse large

Dans la plupart des cas, il s'agit de pistes de travail, voire de réflexions en cours, davantage que de mesures formalisées. Le ministère annonce d'ailleurs le lancement, conjointement avec le ministère de la Culture, d'un appel à manifestation d'intérêt (AMI), invitant les maîtrises d'ouvrage - sociales et privées, associées ou non à des architectes - à "inventer de nouvelles formes de production et de conception du logement de demain". Cet AMI est lancé dans le cadre du programme "Engagés pour la qualité du logement de demain" par le GIP EPAU (Europe des projets architecturaux et urbains).

Plus largement, la réflexion autour d'"Habiter la France de demain" dépasse le strict cadre du logement pour embrasser des enjeux connexes, comme les déplacements, la digitalisation du travail et le télétravail, le vivre ensemble, la mixité sociale, les transformations du commerce... En outre, plusieurs impératifs sous-tendent la réflexion : faire de la qualité la contrepartie de la densité, rendre le logement plus abordable et développer le logement évolutif qui accompagne et s'adapte aux évolutions de mode de vie.

Faire de la qualité la contrepartie de la densité

Signe de l'importance prise par la question de la lutte contre l'étalement urbain, les quatre premières pistes avancées relèvent de la volonté de faire de la qualité la contrepartie de la densité. La première ne consiste en rien de moins que de "gagner la bataille culturelle, sortir du rêve pavillonnaire, redorer l'image du collectif". Un objectif d'autant plus ambitieux qu'il va à l'encontre du désir des Français, encore exacerbé par la crise sanitaire. Il n'est pas sûr que le lancement d'une "grande campagne de sensibilisation du public aux enjeux de la construction et de l'habitat durables, de la lutte contre l'artificialisation des sols et à l'intérêt de constructions plus denses" suffise à gagner cette révolution "culturelle".

Il y a sans doute davantage à attendre de la deuxième piste, consistant à "Agir pour une meilleure qualité du logement lui-même", en particulier dans le collectif. Sur ce point, Emmanuelle Wargon entend commencer à agir rapidement, en introduisant dans le futur nouveau dispositif "Pinel+" d'investissement locatif des critères tirés du référentiel de qualité d'usage du logement, élaboré par François Leclercq et Laurent Girometti (voir notre article du 9 septembre 2021). Ceux-ci devraient se retrouver dans le décret en préparation par le ministère (voir notre encadré ci-dessous). Au-delà de cette mesure, une réflexion est en cours "pour décider si un outil simple, tel qu'un Nutriscore du logement, pourrait être mis en place et entre déployé progressivement".

"Soutenir les élus avec des engagements réciproques"

La troisième piste, plus classique, consiste à "Reconquérir les entrées de ville, dynamiser les quartiers pavillonnaires". Sa traduction concrète reste toutefois encore assez floue, puisque le document se borne à évoquer "l'instauration d'un dispositif national dédié à la reconquête des entrées de ville et des zones pavillonnaires périphériques", s'inspirant des acquis du programme Action cœur de ville. Lors de sa présentation, Emmanuelle Wargon a évoqué la possibilité d'"imaginer de belles opérations en remettant massivement des logements et des services pour réaliser la continuité urbaine".

Enfin, la quatrième piste renvoie au débat sur le rôle des élus dans la production ou la non production de logements et sur le soutien aux maires bâtisseurs. Il s'agit en effet de "Soutenir les élus avec des engagements réciproques, des contrats rénovés". La démarche sur ce point est déjà engagée, avec l'aide de 1.500 euros par logement autorisé attribuée en 2022 aux communes qui atteignent leurs objectifs de production (voir notre article du 30 août 2021). Le développement des chartes locales de qualité, déjà mises en œuvre par certaines collectivités, pourrait également contribuer à renforcer la qualité d'usage des logements.

Comment rendre le logement plus abordable ?

Trois pistes viennent étayer le second axe de la démarche, consistant à rendre le logement plus abordable. La première d'entre elles est résolument quantitative, puisqu'elle consiste en "Plus de logement social, plus de logement intermédiaire, un parc privé mieux mobilisé". Sur ce point, la démarche s'appuie sur des mesures déjà réalisées ou engagées, comme le protocole signé avec l'USH (Union sociale pour l'habitat) et les autres acteurs concernés en vue de produire 250.000 logements sociaux en 2021-2022, la pérennisation de l'article 55 de la loi SRU (taux minimum de logements sociaux) ou la récente annonce par le Premier ministre, dans la droite ligne du rapport Rebsamen, de la compensation intégrale aux collectivités de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les logements sociaux et les logements intermédiaires (voir notre article du 28 septembre 2021). Doit s'y ajouter l'annonce, qui reste à préciser, d'une refonte du dispositif "Louer abordable", afin de le rendre plus attractif pour les bailleurs privés.

Une autre piste pour des logements abordables réside dans le fait d'"Innover pour faire baisser les coûts de construction". Les perspectives en la matière privilégient le développement de la filière bois, la promotion de la construction hors site (faisant largement appel à la préfabrication) et celle de modèles d'aménagement innovants en faisant émerger des démonstrateurs. Une enveloppe de 675 millions d'euros est prévue à ce titre dans le plan d'investissements d'avenir (PIA 4) et désormais également dans le cadre du plan France 2030. Le document ne mentionne pas en revanche les craintes des professionnels sur le risque de renchérissement des coûts sous l'effet des nouvelles normes thermiques et énergétiques (RE 2020 notamment).

Enfin, il ne saurait y avoir de logement abordable sans "Réguler le foncier pour maitriser les prix". Sur cette question centrale, le document ne fait pas allusion aux propositions, très novatrices mais restées sans suite, du rapport du député Modem Jean-Luc Lagleize (voir notre article du 8 novembre 2019). Il évoque cependant les mesures prises depuis 2017 pour renforcer les offices fonciers solidaires (OFS), développer les observatoires locaux de l'habitat et les PLU intercommunaux (PLUi). Il annonce également des Assises du foncier, qui "devront interroger les leviers fiscaux et règlementaires pour réguler les prix en luttant contre les phénomènes spéculatifs et favoriser le recours au démembrement de propriété". Autant de thèmes qui reviennent sur ceux traités par le rapport Lagleize

Penser et anticiper l'évolution des logements

Dernier axe de la démarche : "Atteindre le logement évolutif qui accompagne et s'adapte aux évolutions de mode de vie". Trois pistes entendent répondre à cette ambition. La première consiste à "Adapter le logement à l'âge : simplifier et unifier les aides". S'inspirant de la philosophie de MaPrimeRénov', le ministère du Logement et celui de l'Autonomie travaillent à "un parcours usager et une aide uniques doivent être mis en place". Le dispositif devrait prendre le nom de MaPrimeAdapt' et pourrait être cumulable avec MaPrimeRénov'. Les associations du secteur social s'étonnaient d'ailleurs de son absence dans le PLFSS 2012. Elle pourrait donc y être introduite sous forme d'amendement, au moins pour ce qui concerne ses principes et son financement. Mais Emmanuelle Wargon a indiqué que le dispositif serait précisé en janvier, mais qu'il faudrait "quelques mois, avec des étapes successives", pour qu'il se généralise et "trouve son public". 

Autre piste : "Transformer quatre fois plus de bureaux en logements à horizon de dix ans". Evoquée de longue date, cette piste tarde toutefois à se concrétiser dans des proportions réellement significatives. Il apparaît donc nécessaire de "passer de quelques opérations exemplaires à un mouvement de fond". Avec pour objectif de passer d'environ 350.000 m2 transformés par an (soit 5.000 logements) à 1,4 million de m2 dans dix ans, soit une multiplication par quatre. Il conviendra également de moins figer l'usage des locaux, avec notamment "des destinations moins définies dans les PLU, voire dans les permis de construire".

Enfin, la dernière piste d'"Habiter la France de demain" prévoit de "Réduire les temps de transport, développer les tiers lieux". En effet, "les tiers lieux permettent de créer de nouveaux liens et de faire naître des initiatives collectives tout en utilisant du bâti existant". Dans une critique à peine voilée du télétravail, Emmanuelle Wargon a en effet affirmé qu'"il faut que chacun puisse travailler en bas de chez soi, plutôt que chez soi". L'idée directrice est donc, dans les territoires ruraux comme urbains, d'intégrer les tiers lieux dans la programmation des opérations d'aménagement, afin de développer l'offre en pied d'immeubles, dans les quartiers et les cœurs de ville.

  • Le Pinel Plus prend tournure

A l'occasion de cette présentation des conclusions de la démarche "Habiter la France de demain", Emmanuelle Wargon a apporté quelques précisions sur le futur "Pinel Plus", destiné notamment à soutenir le logement collectif. Comme envisagé depuis plusieurs années, les taux de la réduction d'impôt – en contrepartie de l'engagement de louer à des tarifs maîtrisés – seront progressivement réduits. Actuellement fixés à 12%, 18% et 21% (en métropole) pour des engagements de location à loyers plafonnés de 6, 9 ou 12 ans, ces taux seront ramenés à 10,5%, 15% et 17,5% en 2023, puis à 9%, 12% et 14% en 2024.
Durant la période transitoire, les taux actuels du Pinel seront néanmoins maintenus à titre dérogatoire pour les logements situés dans un QPV (quartier prioritaire de la politique de la ville) et pour ceux allant au-delà de la RE2020 en matière de règlementation environnementale et en respectant plusieurs critères de qualité d'usage. 
Ces critères de qualité d'usage, issus du rapport de François Leclercq et Laurent Girometti (voir notre article du 9 septembre 2021), seront ceux du futur Pinel Plus. Emmanuelle Wargon prévoit ainsi une surface minimale par typologie de logement : 28m2 pour un T1, 45m2 pour un T2, 62m2 pour un T3, 79m2 pour un T4 et 96m2 pour un T5. Il faudra également la présence systématique d'un espace extérieur et une double exposition à partir du T3.

 

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