Installations classées : la feuille de route de la police environnementale pour 2023 est fixée

Le détail des actions programmées pour 2023 dans le cadre du contrôle exercé auprès des établissements industriels et agricoles qu’exerce l’inspection des installations classées (ICPE) a été dévoilé dans une instruction fin décembre. Une feuille de route qui se veut au diapason de l’urgence climatique, au regard de la sécheresse historique de l’an passé ou de l’impérieuse nécessité d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, mais dans laquelle s’invitent d’autres thématiques liées à la loi Agec en matière de déchets et d’économie circulaire ou pour contenir les risques de pollutions diverses liées aux méthaniseurs.

Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a rendu publique, le 30 décembre, par instruction ses priorités d’action pour l’année 2023 pour l’inspection des installations classées, avec en ligne de mire les orientations stratégiques pluri-annuelles 2023- 2027, qui feront l’objet d’un prochain éclairage du ministre, Christophe Béchu. Une feuille de route largement dictée par "des circonstances fortes dans notre pays, notamment s’agissant des conséquences visibles du changement climatique ou de l’impérieuse nécessité de la sobriété énergétique et du développement des énergies renouvelables", s’explique-t-il. Au titre des missions pérennes, l’instruction des projets d’installations d’énergie renouvelable (éoliennes, méthaniseurs) fera donc entre autres l’objet "de la plus grande diligence" des préfets, comme les y invitait déjà l’instruction qui leur était adressée en septembre dernier (voir notre article du 30 septembre 2022). L’intégration des risques technologiques et sanitaires à l’échelle de la planification et de l’aménagement est tout juste évoquée via une simple piqûre de rappel de l’appui aux préfets et, le cas échéant, aux collectivités (plans déchets, plans santé-environnement etc.). Le document insiste en revanche sur le remplissage du nouveau "guichet unique numérique environnement"  (GUNenv), qui nécessite la plus grande méticulosité de façon à  assurer "la fiabilité des données" en vue de leur exploitation statistique. 

Sécheresse : anticiper l’été 2023

Dans le domaine agricole ou industriel, certaines thématiques feront l'objet "d'un effort particulier" en 2023, du fait de retours d’expériences ou de pollutions chroniques observées les années passées. La sécheresse historique de 2022, qui a touché tout le territoire, implique pour les ICPE de poursuivre leurs efforts dans la réduction de leurs consommation d’eau "afin d’anticiper de nouvelles situations de crise" et ce, "même si les usages industriels représentent 4% de la consommation d'eau totale". Pour ce faire, les préfets seront conduits à compléter leurs arrêtés par des "mesures spécifiques" concernant les plus gros consommateurs d’eau (pour ceux qui n’en disposeraient pas déjà) ainsi qu’à "vérifier le respect des prescriptions sécheresse et la capacité de l’exploitant à les mettre en œuvre".

Limiter les fuites de gaz des méthaniseurs

En fonction des constats, des contrôles de terrain "supplémentaires" pourront être diligentés concernant les exigences relatives aux équipements sous pression, voire aux canalisations de transport ou de distribution de gaz auxquelles les méthaniseurs peuvent être raccordés. Ces inspections sont "à associer, si possible " avec des mesures de contrôle sur document en prévention du risque accidentel, comme par exemple la situation des installations de méthanisation au regard de la rubrique 4310 (associée aux gaz inflammables), lorsque le contrôle n'a pas été fait dans le dossier initial ou que les conditions d’exploitation en diffèrent. 

Au rang des actions systématiques, le ministre demande en outre le contrôle de la mise en œuvre des évolutions réglementaires "post-Lubrizol" pour les liquides inflammables et les stockages de matières combustibles. 

Contrôle des rejets atmosphériques 

C’est un autre point d’attention sur le fonctionnement des installations soumises à autorisation pour s’assurer que les prescriptions destinées à protéger l’environnement et la santé humaine sont bien respectées. Le but de cette action étant de contrôler "le captage à la source des rejets dans l’air", tant en fonctionnement normal qu’en période d’indisponibilité des installations de traitement des effluents, pour limiter les pollutions. Les conditions techniques de réalisation des prélèvements par un organisme agréé des rejets atmosphériques devront également être scrupuleusement vérifiées, avant de conclure sur le respect des valeurs limites d’émission. 

Un autre focus concerne les sites soumis à la directive sur les émissions industrielles (IED). Leur recensement systématique devra déboucher sur la régularisation de ceux qui, mis en service, ne disposent toutefois pas encore d’arrêté préfectoral d’autorisation. La France fait en effet l’objet d’une mise en demeure par la Commission européenne, car certains établissements IED sont exemptés de l’exigence de disposer d’une autorisation, en vertu du "droit d’antériorité". 

Large panel d’actions à la carte

Un inventaire à la Prévert propose "au choix" d’autres actions afin d’adapter le mode d’action "au profil de chaque région". Le retour d’expérience accidentologique des silos (céréales, biomasse…) justifie ainsi des inspections portant sur les mesures de prévention des incendies. Dans un sens identique, l’instruction invite à progresser dans la connaissance des causes d’accidents dans les établissements Seveso. Des inspections ciblées, auxquelles s’associeront les services d’incendie et de secours et les services des préfectures intéressés, sont également envisagées dans le domaine des canalisations de transport. Le but étant de s’assurer, au travers notamment d’exercices inopinés, "de la bonne préparation des transporteurs mais également des distributeurs de gaz". 

Parmi les volets abordés figure aussi en bonne place celui des déchets et de l’économie circulaire. On y retrouve pêle-mêle la traçabilité des déchets dangereux et/ ou contenant des POP (polluants organiques persistants) au moyen de l’outil Trackdéchets - s’agissant de vérifier que le sites y sont bien référencés - et plus inattendue, la lutte contre les déchets plastiques (mise en oeuvre de l’utilisation de vaisselle réemployable par les enseignes de la restauration rapide et interdiction de vente de fruits et légumes sous emballages plastiques). 

Une "attention particulière" devra par ailleurs être portée en 2023 pour détecter les trafics illégaux de VHU (véhicules hors d’usage) et de DEEE (déchets d’équipements électriques ou électroniques), en lien avec le déploiement des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), le plan d’inspection sur les transferts transfrontaliers de déchets et les résultats de la mission relative à l’accidentologie dans les installations de traitement de déchets (mettant en avant le rôle des piles au lithium). 

Un dernier axe s’intéresse aux perturbateurs endocriniens présents dans les effluents des sites industriels, en se focalisant cette fois sur les substances identifiées par l’Anses en avril 2021 comme substances prioritaires à évaluer. L’utilisation des biocides dans le secteur des activités de désinfection, dératisation et désinsectisation (contre les punaises de lit, par exemple) est elle aussi ciblée par l’instruction. 

Enfin, comme les années précédentes, il est demandé à chaque région de mettre en place, sur tout ou partie du territoire, une action locale dont le choix devait théoriquement être finalisé avant "janvier 2023", et dont un bilan sera adressé à la direction générale de la prévention des risques l’année suivante.