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Jacques Mézard lance son plan "Action cœur de ville"

Lors d'un déplacement à Rodez, le 15 décembre, le ministre de la Cohésion des territoires a officiellement lancé le plan gouvernemental de revitalisation des centres de villes petites et moyennes. Ce plan baptisé "Action coeur de ville" sera doté d'environ 5 milliards d'euros sur cinq ans en provenance de différents partenaires (Caisse des Dépôts, Action logement, Anah). Il reposera sur un nouvel outil contractuel : l'opération de revitalisation de territoire.

Le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, a officiellement lancé le plan gouvernemental pour la revitalisation des centres-villes, le 15 décembre, à Rodez. Il était accompagné par Christian Mourougane, DGA de l’Anah et Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires de la Caisse des Dépôts. Ce plan "Action cœur de ville", dévoilé dans les grandes lignes par le Premier ministre la veille, lors de la Conférence nationale des territoires à Cahors, s’intéressera tout particulièrement aux villes moyennes qui, pour nombre d'entre elles, traversent depuis des années des difficultés profondes (désertification du centre, pertes d’habitants, habitat dégradé, rideaux fermés…) diagnostiquées par plusieurs rapports sous le précédent gouvernement, dont ceux du Conseil général de l’environnement et du développement durable (l’un de juillet 2016 réalisé avec l’Inspection générale des finances et l’autre de mars 2017).
Ce plan mobilisera 5 milliards d’euros en cinq ans. La Caisse des Dépôts qui a mis en œuvre depuis 2016 un dispositif préfigurateur de ce dispositif (les conventions "centre-ville de demain") mobilisera 1 milliard d’euros en fonds propres dont l’essentiel sera destiné à des investissements et 700 millions d’euros de prêts identiques à ceux déployés dans les "quartiers politique de la ville". A cela s’ajoute 1,5 milliard d’euros d’Action logement (pour construire et réhabiliter des immeubles afin d’y loger des actifs) et un milliard de l’Anah (Agence nationale de l’habitat) pour soutenir des travaux de réhabilitation d’immeubles et de rénovation énergétique, lutter contre l’habitat indigne...
L’objectif est de redynamiser ces centres en agissant sur tous les fronts : l’habitat, le commerce, l’emploi (sachant que 82% des villes moyennes ont un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale), mais aussi les transports, l’éducation, la culture, le numérique…

Des villes de "rayonnement régional"

S’agissant des territoires concernés, le Premier ministre a évoqué les "villes petites et moyennes", laissant entendre que le critère démographique ne sera pas forcément pris au pied de la lettre. Ce qui est recherché avant tout, ce sont les villes de "rayonnement régional" (hors métropole bien sûr), avec un rôle de centralité pour leur bassin de vie et le monde rural. Ce sont les maires qui, d’eux-mêmes, devront manifester leur intérêt auprès du préfet, en accord avec leur intercommunalité. Aucun objectif chiffré n’est fourni, même si, dans un rapport de 2016, dont ce plan serait "largement inspiré" d’après Edouard Philippe, l'ancien sénateur Yves Dauge avait identifié 600 centres historiques à revitaliser. Ce qui donne au moins une idée de l’ampleur du chantier en France. Les villes passeront alors un "contrat cadre" avec l’Etat, l’intercommunalité et les partenaires du plan. Les collectivités qui ont des projets déjà bien ficelés pourront contractualiser dès 2018. Les autres passeront par une phase de "préfiguration", les signatures s’étaleront entre 2018 et 2020. Quant aux travaux, ils pourront se poursuivre jusqu’à 2025.

L’opération de revitalisation de territoire

Pour mettre en musique leur partition, les partenaires travailleront à partir d’un nouveau périmètre prioritaire : l’opération de revitalisation de territoire (ORT). Cet instrument figurera dans le futur projet de loi Elan (Evolution du logement, de l'aménagement et de la transition numérique) qui fait actuellement l’objet d’une conférence de consensus sous le patronage du Sénat. Il s’agira, dans ce périmètre, d’accélérer la réalisation des projets, en simplifiant les démarches et en mettant en place, sous l’égide du préfet, un "guichet unique" centralisant toutes les demandes de financement… Un comité local de coordination des financeurs sera par ailleurs installé. Les services de l’Etat, les directions régionales de la Caisse des Dépôts et les agences publiques (Anru, Anah, Epareca, Cerema, EPF, ARS…) devront ainsi agir de concert. Par la suite, ces ORT seront un terrain privilégié de l’intervention de la future Agence nationale de cohésion des territoires. 
Le plan permettra aussi de renforcer les capacités d’ingénierie des collectivités. Sur le milliard mobilisé par la Caisse des Dépôts : 50 millions d’euros seront consacrés à de l’ingénierie et 50 millions d’euros au financement de projets innovants. De même, l’Anah consacrera 25 millions d’euros au financement de la direction de projet (50% du salaire du responsable recruté) et 50 millions d’euros au cofinancement des dépenses d’études. Du côté de l’Etat, les préfets pourront utiliser la dotation de soutien à l’investissement local (615 millions d’euros en 2018) pour co-investir dans les opérations de requalification envisagées dans les ORT.

Faire bouger les règles d'urbanisme commercial

Les ORT seront aussi l’occasion de faire bouger les règles de l’urbanisme commercial. Alors qu’il a beaucoup été question de "moratoire" sur les constructions de grandes surfaces ces dernières semaines, le plan se montre mesuré sur la question. "Des mesures transitoires seront proposées à l’échelle intercommunale pour offrir des possibilités de suspension, au cas par cas, des projets d’implantation commerciale" en périphérie, est-il indiqué dans le dossier du ministère. Le mot n’est pas prononcé, mais l’idée y est. Autre enjeu : faciliter les implantations de "locomotives commerciales" dans les centres. Comme l’avait suggéré Jacques Mézard à Beauvais, le 30 novembre, le plan prévoit de supprimer le seuil de 1.000 m2 à partir duquel les projets commerciaux doivent obtenir une autorisation de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC). Les conditions de cette suppression devront cependant être définies par la loi. Le Premier ministre lancera par ailleurs, début 2018, une mission sur les distorsions fiscales entre commerces physiques et numériques.
Une mission d’expertise sera conduite au premier semestre 2018 pour étendre le dispositif de défiscalisation "Malraux" aux villes moyennes (ce dispositif donne droit à des réductions d’impôts pour les opérations de restauration dans les centres historiques). A noter enfin que la gouvernance des copropriétés devrait être aménagée pour permettre d’accélérer les prises de décision.

Les élus demandent de ne pas oublier les services publics

A côté de ces actions dans le dur, le plan sera complété par une série de mesures destinées à améliorer la qualité de vie. Car, comme l’a rappelé le Premier ministre à Cahors, "il n’y a pas de revitalisation réussie qui ne passe pas par un cœur de ville accueillant, animé, dynamique…". Ce qui signifie pour les cœurs de ville un "accès prioritaire à la fibre" ou encore une "orientation prioritaires d’implantation des services publics". Des points sur lesquels le gouvernement sera fortement attendu par les associations d'élus.
Première association à avoir réagi, vendredi, l’Association des petites villes de France s’est tout particulièrement réjouie "que les petites villes qui ont une fonction de centralité n’aient pas été oubliées dans le dispositif annoncé". Mais, prévient-elle, elle "sera vigilante à ce qu’il en soit réellement ainsi".  L'APVF "n’a cessé toutes ces dernières années de plaider auprès des gouvernements successifs en faveur d’un plan d’envergure", rappelle-t-elle, dans un communiqué.
Villes de France, qui fédère de son côté les villes moyennes, s’est également félicitée que ces dernières fassent aujourd’hui l’objet d’une "attention singulière et innovante" après avoir été "longtemps oubliées des politiques publiques". Elle regrette cependant que le plan ne comporte pas de mesures "plus significatives en matière d’attractivité et de développement économique", en particulier les TPE-PME. Elle demande aussi à l’Etat de s’engager davantage en matière de desserte ferroviaire, d’offre de soins ou d’enseignement supérieur de proximité, "élément essentiels à l’attractivité et à la cohésion du territoire".